Le gouvernement a poursuivi, ce vendredi 10 janvier, ses consultations des forces politiques représentées au Parlement pour tenter d'élaborer un compromis qui permettrait l'adoption du projet de loi de finances. "Il n'y a pas de clarté sur la fiscalité, sur les investissements, sur la réglementation, sur le prix de l'énergie", ont notamment déploré les émissaires du Rassemblement national à leur sortie du ministère de l'Economie. Ils ont, en outre, dénoncé les tractations entre la gauche - hors LFI - et le gouvernement.
Le cycle de consultations, lancé en début de semaine, s'est poursuivi ce vendredi 10 janvier à Bercy. Cet après-midi, le ministre de l'Economie et des Finances, Eric Lombard, la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, et le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, ont reçu les émissaires du Rassemblement national, toujours dans l'optique de la construction du budget de l’Etat de 2025. "Ils ont été attentifs", a résumé le député Jean-Philippe Tanguy à l'issue de la réunion, indiquant que le contre-budget du RN, présenté en octobre, a été étudié par Amélie de Montchalin. "Le Rassemblement national a été considéré dans ses propositions, qui n'ont pas été dévoyées", a-t-il estimé.
"Il y a encore beaucoup à écrire pour trouver des motifs de réassurance", a toutefois relevé son collègue Sébastien Chenu, qui a souligné que certaines mesures défendues par le RN - baisse de la contribution française à l'Union européenne, refonte de l'Aide médicale d'Etat (AME) ou encore baisse des dépenses de certains opérateurs publics - "sont des pistes que le ministre ne souhaite pas explorer". Il a néanmoins salué l'engagement du gouvernement de ne pas revenir sur l'indexation des pensions de retraites sur l'inflation, tout comme celui de se pencher en priorité sur la situation dans les Outre-mer.
A la sortie de Bercy, Jean-Philippe Tanguy a déploré un "grand flou sur la fiscalité", notamment concernant les impôts des ménages. "Il n'y a pas de clarté sur la fiscalité, sur les investissements, sur la réglementation, sur le prix de l'énergie", a-t-il complété. En outre, il a fait part de son inquiétude, alors que les ministres ont, selon lui, "acté un dérapage du déficit public" qui devrait atteindre 5,4 % du PIB, a-t-il fait affirmé, attribuant cette estimation à Amélie de Montchalin. "Il est largement possible de faire des économies dès cette année. (...) Il n'est pas acceptable d'acter un déficit public de 5,4 %", a-t-il condamné.
Par ailleurs, les deux représentants du groupe présidé par Marine Le Pen à l'Assemblée nationale ont critiqué les négociations poussées qui se déroulent depuis quelques jours entre la gauche - sans La France insoumise - et le gouvernement, alors que se profile la déclaration de politique générale de François Bayrou, qui sera prononcée ce mardi 14 janvier au Palais-Bourbon. "Ils ne cherchent pas à sortir de l'ornière dans laquelle les gouvernements successifs nous ont plongés. Ils cherchent à sortir de l'ornière de leur alliance avec La France insoumise", a cinglé Sébastien Chenu, parlant d'une "opération politicienne".
Depuis le début de la semaine, socialistes, écologistes et communistes tentent d'obtenir des concessions suffisantes de la part du gouvernement, en contrepartie de quoi - tout en restant dans l'opposition et sans approuver le budget - ils accepteraient de ne pas voter la motion de censure qui sera déposée par LFI après le discours du Premier ministre à l'Assemblée.
"Si nous sommes entendus, et c'est une question de jours, voire même d'heures, sur les propositions que nous avons faites, il n'y aura pas de censure portée par les socialistes", a déclaré, ce vendredi matin, le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, sur France Info. Le PS exige notamment la suspension de la dernière réforme des retraites, le temps de la renégocier. Cela permettrait de "retravailler la mesure d'âge de 64 ans" tout en intégrant d'autres évolutions sur les carrières longues ou hachées ou les métiers pénibles, a précisé le sénateur, qui attend une réponse "pour ce week-end".
"Je n’emploierais ni le mot de suspension, ni celui d’annulation, nous n’en sommes pas encore là", a tempéré la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, sur CNews et Europe 1. "Nous regardons ce qui est possible, ce qui ne l'est pas. (...) La discussion est ouverte", a-t-elle ajouté, indiquant que "chacun travaille pour trouver le plus petit dénominateur commun" en vue de la déclaration de politique générale du chef du gouvernement.
Sans certitudes concernant les retraites à ce stade, la gauche pourrait obtenir d'autres concessions, sur le plan budgétaire. Selon L'Opinion, Amélie de Montchalin a évoqué la piste d'une taxation du patrimoine des plus riches, lors de la rencontre qui a eu lieu conjointement avec les représentants socialistes, communistes et écologistes, mercredi soir. Reste à voir si ce cycle de négociations sera suffisamment fertile pour convaincre une partie de la gauche de ne pas voter la censure réclamée par LFI, alors que les insoumis fustigent la stratégie de leurs alliés : "Cette façon de négocier dans le dos du NFP et contre son programme est une forfaiture d'un irrespect total pour notre alliance", a notamment réagi Jean-Luc Mélenchon sur X.