Les députés ont adopté en première lecture, ce jeudi 3 juillet, un projet de loi transposant plusieurs accords trouvés entre syndicats de salariés et organisations patronales, notamment destiné à faciliter l’emploi des seniors. Le texte prévoit entre autres mesures la création d'un nouveau contrat réservé aux plus de 60 ans.
Selon la ministre chargée du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, il s'agit de remédier à un "gâchis humain et à un gâchis économique". Les députés ont adopté en première lecture, ce jeudi 3 juillet, le projet de loi "portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social", par 57 voix contre 9 . Comme son nom l'indique, le texte d'initiative gouvernementale, déjà adopté par le Sénat en juin dernier, tire les conséquences législatives d'accords trouvés entre les syndicats des salariés et organisations patronales en novembre dernier.
Entre autres mesures, il vise avant tout à faciliter l'emploi des seniors. "Il s'agit de l'un nos points faibles", a reconnu Astrid Panosyan-Bouvet en ouverture des débats, pointant le retard pris en la matière par rapport aux autres Etats européens. "Seulement 61 % des plus de 55 ans sont en emploi. Et moins de 40 % des plus de 59 ans", a indiqué la ministre.
Afin de "lever les freins à l'embauche", le projet de loi prévoit principalement de mettre en place, pour une durée expérimentale de 5 ans, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée réservé aux plus de 60 ans (ou 57 ans en cas d'accord de branche), dénommé "contrat de valorisation de l’expérience" (CVE). Dans ce cadre, la mise à la retraite du salarié ne pourra être envisagée que lorsqu'il aura rempli les conditions de liquidation de sa retraite à taux plein. En contrepartie, le texte prévoit une exonération de de la cotisation patronale de 30 % sur l'indemnité de mise à la retraite, pour 3 ans.
Ce dispositif a suscité l'hostilité d'une partie des groupes de gauche. "C'est une vieille lune du patronat et de la droite, qui affaiblit le CDI", a lâché Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine), qui a affublé le CVE du sobriquet de "contrat boomer". "Ce nouveau contrat fait perdre beaucoup aux salariés, et gagner encore un peu plus aux employeurs", a déploré l'élu communiste. "Nous ne participerons pas au réenchantement de la mise au travail forcé de nos aînés. Derrière ce social washing, se cache un nouveau cadeau au patronat avec nouvelle exonération de cotisations venant s'ajouter aux 90 milliards déjà concédés", a fustigé Ségolène Amiot (La France insoumise).
"C'est juste la pilule que vouliez faire passer après la réforme des retraites. C'est une aberration. Vous allez juste enfermer des seniors dans des contrats précaires", a renchéri Louis Boyard (La France insoumise). Sans aller jusqu'à vouloir s'opposer au dispositif a priori, les députés écologistes et socialistes ont eux aussi pointé ses limites, craignant les "effets d'aubaine" qu'il pourrait engendrer : réembauche en CDI senior de salariés licenciés ou dont le contrat n'a pas été renouvelé - une période de carence de deux ans est actuellement prévue dans le projet de loi -, difficultés administratives, fin du contrat dès que les conditions sont remplies... "Ok on t'embauche, mais à la date où tu as le taux plein il faut que tu partes, ce qui peut ainsi empêcher d'accéder à d'éventuelles surcotes", a résumé Sophie Taillé-Polian (Ecologiste et social).
"L'inquiétude première, c'est de pouvoir être en activité jusqu'au départ à la retraite à taux plein", leur a opposé Astrid Panosyan-Bouvet. Saisie sur le sujet de l'exonération de cotisation, la ministre a précisé qu'elle représentait environ 60 millions d'euros, un montant "limité". "Ca vaut quand même la peine d'expérimenter ce contrat pour 5 ans. Cette exonération, elle ne dure que 3 ans. (...) Si c'est pour permettre un recrutement facilité de personnes qui, quand elles sont au chômage, le restent plus de 18 mois..." In fine, le dispositif a été approuvé tel quel, poussant les élus écologistes à aux aussi voter contre le CDI senior.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit une négociation obligatoire sur l’emploi et le travail des salariés seniors au niveau des branches et des entreprises de plus de 300 salariés. Il vise également à renforcer les obligations de justification d'un employeur qui refuserait le passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive. Le texte ouvre par ailleurs la voie à un versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite dans le cadre d’un passage à temps partiel, si un accord collectif le permet.
Au-delà de l'emploi des seniors, le projet de loi supprime la limite du nombre de mandats successifs pour les membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) dans les entreprises. Il crée également un "rendez-vous de mi-carrière", autour de 45 ans, qui associera une visite médicale à un entretien professionnel, destiné à être un "outil de gestion de carrière pour le salarié". Enfin, dans l'hémicycle, les députés ont voté plusieurs amendements du gouvernement visant à transposer des accords plus récents en matière de transition professionnelle, ou mettant en place un conseil national de l’orientation et de la formation professionnelles, réunissant partenaires sociaux, régions et Etat.
Le texte va désormais faire l'objet de discussions entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP). "L'objectif est qu'il soit définitivement adopté avant la fin de la session extraordinaire", a déclaré Astrid Panosyan-Bouvet. "Nous avons ce devoir vis-à-vis des salariés et des entreprises."