Commission d'enquête sur les fréquences de la TNT : désaccords et bras de fer avant l'examen du rapport préparé par Aurélien Saintoul (LFI)

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Aurélien Saintoul et Quentin Bataillon LCP 07/05/2024
Aurélien Saintoul et Quentin Bataillon (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 7 mai 2024 à 14:05, mis à jour le Mercredi 8 mai 2024 à 11:47

La commission d'enquête sur la TNT examinera le rapport rédigé par Aurélien Saintoul (La France insoumise), ce mardi 7 mai, après la séance de Questions au gouvernement. Mais l'adoption et la publication du rapport paraissent compromises. Le président de la commission d'enquête, Quentin Bataillon (Renaissance), estime en effet que certaines propositions sont "inacceptables, voire dangereuses pour la liberté de la presse". "Les macronistes ont décidé de tenter un coup de force et d'essayer de censurer, ni plus ni moins, le rapport", dénonce en réponse le rapporteur. 

Le rapport de la commission d'enquête sur "l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre" verra-t-il le jour ? Rien n'est moins sûr en l'état, alors que l'instance se réunit ce mardi 7 mai à 16h30, à huis clos comme le prévoit le règlement de l'Assemblée nationale, afin d'adopter et d'autoriser - ou non - la publication du document, à l'issue de six mois de travaux parfois tendus.

Certaines propositions "inacceptables, voire dangereuses", selon Quentin Bataillon 

Dans la continuité de leur cohabitation empreinte d'accents orageux, le président de la commission d'enquête, Quentin Bataillon (Renaissance) et le rapporteur, Aurélien Saintoul (La France insoumise) poursuivent leur bras de fer à quelques heures du couperet final. Ce mardi, c'est le député de la majorité qui a dégainé le premier. "Certaines propositions ne nous paraissent pas répondre à l'objet de la commission d'enquête. D'autres sont, à nos yeux, inacceptables, voire dangereuses pour la liberté de la presse", a écrit Quentin Bataillon à son collègue LFI dans un courrier dont LCP a eu copie mardi matin. En accord avec les groupes de la majorité présidentielle, mais aussi avec le groupe Les Républicains, il demande au rapporteur le retrait de pas moins de 19 propositions, sur les 47 que contient le rapport.

Selon les informations de LCP, cette opposition concerne les plus offensives d'entre elles, comme rendre obligatoire l'équité des temps de parole par tranche horaire ; soumettre la délivrance de l'autorisation d'émettre sur la TNT à une redevance annuelle pour occupation du domaine public dépendant du chiffre d’affaires des éditeurs concernés ; ou encore mettre fin à la TNT payante et prévoir que les cinq fréquences correspondantes ne soient pas réattribuées par l'Arcom - une décision qui aurait des conséquences particulièrement dommageables pour le groupe Canal+ ; ou encore mettre fin au projet de réforme visant à mettre en place une "holding" de l'audiovisuel public.

Une tentative de "censure", selon Aurélien Saintoul

Contacté par LCP, Aurélien Saintoul se dit "scandalisé" par les demandes de la majorité présidentielle, et l'accuse d'avoir fait fuiter certaines propositions du rapport, malgré l'interdiction prévu par le règlement de l'Assemblée nationale durant une période de cinq jours suivant son adoption éventuelle. Il refuse donc, à ce stade, de se plier aux exigences de la majorité. "Je suis un garçon ouvert à la discussion, mais pas à la soumission", explique-t-il.

Surtout, pour l'élu LFI, les motifs du camp d'Emmanuel Macron sont "oiseux", et ne cherchent qu'à "chercher à faire diversion pour éviter la publication d'éléments factuels" contenus dans le rapport. Une démarche qu'il assimile à de la "censure", critiquant la "fuite en avant liberticide" de la majorité, ainsi que sa "mauvaise foi".  Et de considérer en substance que la majorité cherche notamment à protéger le "groupe Bolloré", alors que le rapport contient, selon lui, un "élément accablant" pour le groupe Canal+. 

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"Ce n'est pas Aurélien Saintoul le rouge, le couteau entre les dents", ironise le rapporteur, qui atteste avoir réalisé un "patchwork" des opinions et des avis exprimés au cours des quelque 45 auditions menées par la commission d'enquête. Il indique, en outre, que la réunion qui aura lieu ce mardi à 16h30 n'a pas pour objet d'approuver le fond du rapport lui-même, mais d'en autoriser la publication, deux choses très différentes, selon lui. Une interprétation que ne partage pas Quentin Bataillon. En cas de vote favorable, chaque groupe parlementaire pourra apporter sa contribution écrite au document dans la semaine qui suit, avant que le document ne soit rendu public. De plus, un avant-propos du président précède habituellement le rapport lui-même. 

Si l'issue est défavorable pour le rapport, la balance penchant à ce stade plutôt de ce côté, les députés du Rassemblement national étant eux aussi opposés à l'adoption du document en l'état selon nos informations, les documents et le rapport en tant que tel seraient alors archivés et ne pourraient donner lieu à aucune publication, ni à aucun débat. Un tel cas est rare, mais pas inédit. Cela était déjà arrivé en 2011, à l'issue la commission d’enquête sur les mécanismes de financement des syndicats.

En tout début d'après-midi, Quentin Bataillon a de nouveau écrit à Aurélien Saintoul en revoyant à la baisse le nombre de propositions faisant l'objet d'une demande de retrait (9 contre 19 initialement) comme condition d'un vote "en faveur du rapport". "Preuve de notre volonté de permettre à votre rapport d'être publié", affirme le président de la commission d'enquête. Et de conclure : "Nous vous rappelons que conformément au règlement de l'Assemblée nationale, c'est bien sûr sur la base du rapport que le vote sera établi."

Quel que soit le résultat de la réunion de cet après-midi, la majorité présidentielle a d'ores et déjà fait savoir qu'elle formulerait des "propositions complémentaires dans les prochains jours". De son côté, Aurélien Saintoul ne "désespère pas". Jusqu'au dernier moment, le bras de fer continue.