Jeudi, les députés de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale ont adopté un rapport d’information sur la proposition de loi "renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles". Si les co-rapporteurs Marie Noëlle Battistel (PS) et Erwan Balanant (MoDem) félicitent la socialiste Isabelle Santiago pour son travail, ils proposent aussi quelques modifications au texte.
"En deçà de 15 ans, un enfant ne saurait consentir à un rapport sexuel avec une personne majeure. Cela ne doit pas faire débat." C'est le message de la proposition de loi (PPL) de la socialiste Isabelle Santiago, qui vise à renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles. Le texte, qui est programmé pour un examen dans l'hémicycle de l'Assemblée jeudi 18 février dans le cadre de la niche parlementaire du groupe socialiste, propose de définir une "nouvelle infraction délictuelle d’atteinte sexuelle commise par un majeur sur un mineur de 15 ans." Aussi, s'il était adopté, il instituerait "une infraction criminelle de pénétration sexuelle, commise par un majeur sur mineur de 15 ans."
Ce texte pose enfin un interdit clair et absolu de toute relation sexuelle avec un mineur de 15 ans Erwan Balanant, député MoDem du Finistère, le 4 février 2021.
Jeudi, cette proposition de loi a reçu l'approbation de Marie-Noëlle Battistel (PS) et d'Erwan Balanant (MoDem), auteurs du rapport d'information sur le texte. En réunion, la députée socialiste a souligné que "la distinction entre le consentement et le discernement du mineur de moins de 15 ans est encore assez floue". Ainsi, selon elle, "poser un interdit clair permettrait alors d'écarter toute recherche de défaut ou non de consentement. Et c'est l'objet de la démarche initiée par Isabelle Santiago." Même tonalité et mêmes termes pour le député MoDem du Finistère. "Nous nous réjouissons du message envoyé par ce texte qui pose enfin un interdit clair et absolu de toute relation sexuelle avec un mineur de 15 ans", explique Erwan Balanant. Ce seuil de 15 ans "semble satisfaisant", pour l'élu, qui souligne aussi le "consensus social" sur le sujet.
Le 21 janvier, les sénateurs ont eux aussi voulu poser "un interdit sociétal clair". Ils ont adopté à l'unanimité une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans. Le texte, porté par la sénatrice centriste Annick Billon, en fixant un seuil de non-consentement à cet âge, a entraîné une vive polémique sur les réseaux sociaux. Avec le hashtag #avant15anscestnon, des milliers d'internautes ont déploré que les élus du Palais du Luxembourg n'aient pas fixé ce seuil à 15 ans, comme le proposait le groupe socialiste au Sénat.
Toutefois, les PPL des deux Assemblées vont plus loin que la loi Schiappa du 3 août 2018 contre les violences sexuelles. Le texte, rappelle Marianne, aurait dû comporter un seuil d'âge en dessous duquel un mineur serait considéré comme non-consentant à des relations sexuelles avec un adulte. Mais cette disposition avait été jugée inconstitutionnelle par le Conseil d'État. En commission à l'Assemblée, le seuil avait été remplacé par un renforcement du délit d'atteinte sexuelle.
La proposition de loi d'Isabelle Santiago ne prévoit donc pas d'instaurer un âge de non-consentement. Mais les mesures énoncées plus haut auraient un impact significatif pour protéger les moins de 15 ans. Pour éviter qu'elles soient rendues inconstitutionnelles, le texte, "en adaptant la définition des infractions sexuelles commises par des majeurs sur des mineurs à la réalité de la vulnérabilité des enfants et en s’extrayant des définitions actuelles de l’agression sexuelle et du viol", permet d'assurer le respect des droits de la défense, explique la députée socialiste.
Les auteurs du rapport d'information écrivent donc que le dispositif porté par la proposition de loi d'Isabelle Santiago est "bienvenu." Et les membres de la délégation aux droits des femmes le saluent. Le député Stéphane Viry (Les Républicains) souligne que la société a atteint un point de "maturité" sur la question de la protection des mineurs. "La société est prête", abonde Erwan Balanant. "Y compris au sein de l'Assemblée, depuis le texte de la loi Schiappa, des collègues ont évolué", se réjouit-il.
L'élu LR des Vosges appelle à "sortir d'une forme d'incertitude et d'insécurité juridique pour la victime en posant une norme." Mais, dans le même temps, cette règle "doit laisser la place à une part d'appréciation du magistrat, notamment à la charge de l'accusation", selon lui. "Je ne souhaite pas que la réponse soit automatique et qu'on ait une justice mécanique", justifie Stéphane Viry.
"C'est un sujet sur lequel il faut qu'on continue à travailler", reconnaît Erwan Balanant, qui maintient cependant la nécessité de "définir un interdit". Marie-Noëlle Battistel, elle, est plus tranchée. "Il ne peut pas y avoir question de consentement lorsqu'on est mineur de moins de 15 ans. On veut sortir de cette ambiguïté et sécuriser juridiquement cette question", dit-elle clairement.
Mais la proposition de loi est "perfectible", plaident Erwan Balanant et Marie-Noëlle Battistel. Ainsi, ils recommandent une rédaction "plus claire" des articles du texte, en insérant par exemple à l’article 2 le terme de "viol sur mineur" pour qualifier la pénétration sexuelle définie à cet article. Les élus proposent également de remplacer les termes "atteinte sexuelle" retenus aux articles 1er et 4 par "agression sexuelle sur mineur", à l’article 1er, et "agression sexuelle incestueuse sur mineur", à l’article 4. "Il est très important pour les victimes de nommer explicitement le viol et l'agression sexuelle", justifie Erwan Balanant.
"De même, il nous parait nécessaire de désigner clairement ce qui relève de pratiques incestueuses", continue le député du Finistère. Après les accusations portées par la juriste Camille Kouchner contre son beau-père Olivier Duhamel (elle l'accuse d’avoir abusé de son frère jumeau quand ils étaient adolescents), la question de l'inceste est devenue centrale. Sur les réseaux sociaux, des milliers de personnes ont témoigné des violences dont ils avaient été victimes. Y compris un député, comme Bruno Questel, qui a témoigné sur LCP.
Ainsi, les députés proposent "d'examiner l'opportunité" d'aggraver les peines prévues en cas d'inceste, chose que le texte d'Isabelle Santiago ne propose pas en l'état. Erwan Balanant et Marie-Noëlle Battistel recommandent aussi de "conduire une réflexion sur l’opportunité d’élargir la liste des auteurs mentionnés à l’article 3 relatif au viol incestueux aux cousins et cousines de la victime."