Les députés ont validé, jeudi après-midi en commission, les articles du projet de loi de "transformation de la fonction publique" élargissant le recours à l'embauche de contractuels, notamment pour des postes d'encadrants. Une volonté dénoncée par les oppositions qui pointent le risque d'une perte d'intérêt du recrutement par concours.
Débats techniques et politiques en commission des Lois, lors de l'examen de la réforme de la fonction publique. Point d'orgue de ce premier balayage : les articles 7, 8, 9 et 10 du projet de loi qui visent à favoriser le recours aux contractuels. Une "chance et une opportunité" pour la rapporteure du texte, la députée LaREM Emilie Chalas. Les députés d'opposition ont pointé, quant à eux, un risque de constitution "d'administration politique" dans certaines collectivités territoriales, une perte d'intérêt pour les concours de la fonction publique et un travail "d'apprenti sorcier".
Actuellement possible à la seule catégorie A des fonctionnaires (fonctions de conception et de direction), le recrutement de contractuels va être élargi à l'ensemble des postes d'encadrement des catégories A, B et C. Une possibilité ouverte dans un scénario où, selon l'exposé des motifs de l'article 9, la recherche d'un fonctionnaire s'est "révélée infructueuse" ou pour un emploi avec "des compétences techniques spécialisées ou nouvelles". En clair, la priorité est donnée aux fonctionnaires mais l'ouverture aux contractuels est possible en cas de pénurie. Des arguments qui n'ont pas du tout convaincu l'opposition, inquiète d'une concurrence néfaste pour les fonctionnaires et d'une porte ouverte au copinage.
Ouverture du recrutement des emplois de direction : "Je ne crois pas que le problème soit de trouver des personnes de l’extérieur sauf à vouloir y mettre les copains (…) qui ne veulent pas venir aux conditions du statut de la fonction publique", dénonce @Ugobernalicis.#DirectAN pic.twitter.com/Pmn2EHLr7I
— LCP (@LCP) May 2, 2019
La rapporteure a balayé ces arguments, par un rappel de la présence déjà importante de contractuels dans les trois fonctions publiques.
Face à la pénurie de fonctionnaires pour les très nombreuses collectivités d'une France de plus de 35 000 communes, totalisant à elle seule 40% de l'ensemble des communes des pays de l'UE, le projet de loi propose un large recours aux contractuels. Toutes les communes de moins de 1 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 15 000 habitants verront "l’ensemble de leurs emplois permanents" ouverts aux contractuels "par dérogation au principe de l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires". Actuellement, seuls les postes de secrétaire de mairie des groupements intercommunaux et les emplois à temps partiel inférieurs sont ouverts aux contractuels.
Un risque, pour des députés de l'opposition, de politisation des administrations.
"Personne ne peut souhaiter ça pour la République. Le concours, c’est la République qui recrute ses serviteurs indépendamment de toute autre considération que leurs compétences. Le contrat, c’est à peu près l’inverse."Hervé Saulignac, député PS de l'Ardèche
Le ministre Olivier Dussopt a rappelé aux députés que réserver par nature un emploi à un contractuel est illégal.
Recrutements des collectivités locales : "Le droit actuel interdit le fait de réserver un emploi à un contractuel. Nous donnons plus de liberté d'avoir recours à des contractuels sans jamais autoriser le fait de réserver à un contractuel", explique @OlivierDussopt.#DirectAN pic.twitter.com/XcDvgApfsC
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Utilisé régulièrement dans le privé, le "contrat de projet" devrait faire son apparition dans la fonction publique. Ce contrat n'ouvrirait droit ni à un CDI ni à une titularisation. Il serait réservé aux "catégories hiérarchiques". D'une durée allant de un à six ans, soit une mandature de maire, il prendrait fin dès que le projet serait accompli, même de manière anticipée à ce qui a pu être conclue, ou si le projet se révélait irréalisable. Un éventail large et très malléable pour l'employeur. Si les députés de l'opposition ne se sont pas montrés défavorables au principe, beaucoup ont dénoncé de possibles dérives pour les catégories C qui pourraient se voir précariser par ce type de contrat.
Seul point de réelle divergence entre le gouvernement et la majorité, le cas des directeurs généraux des services des collectivités dont les députés ont adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement spécifiant leurs compétences et leurs attributions.
Le gouvernement opposé à un amendement de la rapporteure LaREM @EmilieCChalas pour préciser les fonctions exercées par les directeurs généraux des services des collectivités : "Nous considérons que les DGS ne disposent pas de pouvoirs propres." L’amendement est adopté.#DirectAN pic.twitter.com/FG1OsM2MI7
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L'examen en séance publique sera sûrement l'occasion d'un compromis entre la majorité et le gouvernement. Sur la totalité de l'examen, jeudi après-midi, la copie du gouvernement n'a que très peu était modifiée. L'examen en commission des Lois des 36 articles doit s'achever ce vendredi, le texte doit arriver dans l'hémicycle en séance publique lundi 13 mai.