Vent debout contre les augmentations de cotisations sociales des entreprises prévues par le gouvernement, les députés Ensemble pour la République ont reçu, ce jeudi 21 novembre, le renfort du ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand. Dans une interview publiée par Le Parisien, le ministre - lui-même issu des rangs du parti présidentiel - fait de ce sujet une ligne rouge, quitte à exposer publiquement un désaccord avec le chef du gouvernement, Michel Barnier.
"Attention à l’impôt de trop ! (...) Les entreprises ne doivent pas être la variable d’ajustement". Cette phrase, qui sonne comme un avertissement au gouvernement, n'a pas été prononcée par un opposant. Mais lors d'une interview accordée au Parisien par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Antoine Armand. Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon et la composition de son équipe, c'est l'illustration la plus spectaculaire, des différences, voire des divergences, qui existent au sein du socle gouvernemental, qui allie les partis de l'ex-majorité présidentielle (Renaissance, Les Démocrates, Horizons) et Les Républicains. Lui-même issu des rangs du groupe présidé par Gabriel Attal, le ministre Antoine Armand rappelle ainsi d'où il vient et affirme sa volonté de défendre à Bercy la politique de baisses des charges visant à favoriser l'emploi menée depuis 2017.
Et le successeur de Bruno Le Maire à l'Economie et aux Finances d'assumer : "Ma famille politique porte un message : ce n’est pas en matraquant les entreprises et en augmentant le coût du travail qu’on crée de l’emploi et de la croissance".
"Le groupe EPR a raison d’insister : il faut aller le plus loin possible pour préserver les allègements de cotisations", ajoute-t-il pour que les choses soient claires, alors que Gabriel Attal et ses troupes à l'Assemblée nationale refusent la baisse des exonérations de cotisations patronales sur lesquelles le gouvernement compte pour récupérer quatre milliards d'euros via le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
"Je suis ministre de Michel Barnier et surtout j’appartiens à la famille Ensemble pour la République", explique Antoine Armand, qui ne semble pas être en proie à un conflit de loyauté. "Arrêtons d’avoir peur des mots : nous sommes dans une coalition. Cela signifie que des forces politiques qui ne sont pas d’accord sur tout travaillent ensemble", rappelle le ministre.
Des propos presque instantanément approuvés par le chef de file des députés du parti présidentiel, Gabriel Attal (Ensemble pour la République), qui sur son compte X (ex-Twitter), loue une "interview juste et responsable", avant de redire que "des chemins alternatifs à la hausse des charges existent" pour faire des économies.
Ludovic Mendes (EPR) salue également une "position courageuse et réaliste". Tout comme sa collègue Constance Le Grip (EPR) qui donne "raison" au ministre : "Nous ne pouvons pas augmenter le coût du travail". "Maintenir la cohérence de l'action menée depuis 7 ans aux côtés du Président de la République est essentiel", estime aussi Marie Lebec (EPR), exprimant le "plein soutien des députés EPR" au locataire de Bercy.
Mardi déjà, à l'issue de leur réunion de groupe, les députés Ensemble pour la République ont fait monter la pression sur le Premier ministre, Michel Barnier, faisant savoir qu'ils mettraient leur poids dans la balance pour que les commissions mixtes paritaires qui seront convoquées sur le budget de la Sécu et le budget de l'Etat soient - ou pas - conclusives en fonction de l'arbitrage qui sera rendu par Matignon sur le coût du travail. Concernant la CMP qui aura lieu la semaine prochaine pour tenter de trouver un accord entre l'Assemblée et le Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les élus du parti présidentiel prendront leur décision mardi 26 novembre. Or, compte tenu de la composition de cette instance de conciliation entre les deux Chambres du Parlement, leur voix sera décisive.
Invité de l'Association des journalistes parlementaires, mercredi 20 novembre, Mathieu Lefèvre (EPR) a affirmé considérer "à titre personnel qu'une copie où il y a un euro d'augmentation de coût du travail n'[était] pas acceptable". "C'est tout ou rien" a-t-il insisté, alors que le gouvernement a proposé le week-end dernier de diviser par deux l'effort demandé aux entreprises, ce qui voudrait dire passer de quatre milliards d'euros à deux milliards. Sous couvert d'anonymat, un autre député EPR estime, quant à lui, "qu'en deçà du milliard" d'euros d'augmentation de charges, un accord pourrait s'esquisser.
En cas de blocage et d'échec de la CMP, un pilier du groupe Ensemble pour la République - qui compte le plus grand nombre de députés du "socle commun" à l'Assemblée nationale - confie à LCP qu'il pourrait être envisagé de faire sortir du gouvernement les ministres issus du parti présidentiel.