Auditionné, ce mercredi 18 décembre, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'ancien ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, a affirmé que le dérapage du déficit public en 2024 était dû à une erreur de calcul des services de Bercy en matière de recettes, ainsi qu'à une hausse des dépenses des collectivités locales.
Thomas Cazenave n'a pas été "un ministre omniscient qui fait tout de A à Z". Pendant près de 3h30, l'ancien ministre délégué chargé des Comptes publics (juillet 2023-septembre 2024) a défendu son action, ainsi que celle des gouvernements dont il a fait partie, face aux députés de la commission des finances. La commission, qui s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête pour rechercher les causes des variations et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires 2023-2024.
Devant ses collègues, l'ex-ministre redevenu député a mis en avant, dans une ambiance parfois tendue, une erreur d'évaluation des recettes par les services de Bercy et une hausse des dépenses des collectivités locales pour expliquer l'augmentation du déficit public. Initialement prévu à hauteur de 4,4% du PIB dans le projet de loi de finances 2024, le déficit est désormais évalué à 6,1% pour cette année. Une réponse qui a ulcéré plusieurs parlementaires, dont le rapporteur général du budget, Charles de Courson (LIOT).
Dans un long développement introductif, Thomas Cazenave (Ensemble pour la République) a nié tout "laxisme" et toute "fuite en avant" : "Je souhaite rappeler ici qu'il n'y a pas eu de dérapage des dépenses de l’Etat (...) En 2023 elles ont été inférieures de 7 milliards d'euros au budget prévu, à la fin de l'année 2024 elles seront de 6 milliards d'euros en dessous de ce qui avait été prévu."
L'aggravation du déficit public, qui s'élève en 2024 à "une cinquantaine de milliards d'euros" s'explique, selon Thomas Cazenave, par deux facteurs. En premier lieu, des "écarts constatés sur les recettes" dus à une erreur de calcul des services du ministère de l'Economie et des Finances, pour 80% de la somme, tandis que les 20% restants seraient dus à la hausse des dépenses des collectivités locales.
C'est donc principalement un problème d'évaluation des recettes dans des proportions très importantes. Thomas Cazenave
Thomas Cazenave a, par ailleurs, affirmé que l'administration avait déjà rencontré un tel "problème" par le passé en 2008, ce qui s'expliquerait par une difficulté à réaliser des prévisions en sortie de crise. En 2009, 2017, 2020 et 2021, l'administration s'était également trompée, a précisé le député Ensemble pour la République, mais à l'époque le solde était positif.
"Les auditions des services confirment que nous avons agi en transparence quand nous avons su, c'est-à-dire quand nous avions des faits correctement établis et non des premières orientations entourées d'aléas ou d'incertitudes", a expliqué Thomas Cazenave. Décret d'annulation de 10 milliards d'euros en février 2024, lancement d'une mission de l'inspection générale des finances... L'ancien ministre affirme que le gouvernement a agi de façon "immédiate", même si "le contexte politique est venu percuter la bonne mise en œuvre" d'un plan d'ajustement supplémentaire esquissé au début de l'année 2024.
Thomas Cazenave est également revenu sur la "dynamique très importante des dépenses des collectivité territoriales" : "Nous n'avions pas de raison de penser a priori qu'en faisant le choix de la confiance et non de la coercition, ce qui était une demande répétée des associations d'élus, nous n'atteindrions pas l'objectif" de réaliser "des efforts partagés après le quoi qu'il en coûte", a déclaré l'ancien ministre, qui évoque un "écart de 16 milliards d'euros".
Une défense qui n'a pas convaincu le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise) : "Ces écarts, pour moi tiennent plus à une surestimation des résultats des politiques menées depuis 2017, et notamment en 2023 et 2024", a réagi le député LFI, qui a dénoncé les "hypothèses irréalistes" retenues dans les projets de loi de finances.
"Le problème auquel nous sommes confrontés n'est pas un problème politique, lui a aussitôt répondu Thomas Cazenave (EPR). C'est un problème de correcte estimation des recettes en sortie de crise et d'ailleurs ça nous est déjà arrivé." Une position qui a fini par agacer Eric Coquerel, qui a rappelé que l'objet de la commission d'enquête n'était pas de rechercher les causes "techniques" du dérapage budgétaire.
"Pour vous la seule raison de ces 'écarts' c'est donc pour les 3/4 un problème de modèle technique (...) et le dernier quart c'est un problème de prévision sur les collectivités territoriales ?" s'est étonné Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national). Le rapporteur général de la commission des finances, Charles de Courson (LIOT) a, quant à lui, fait part de son exaspération : "C'est vous [qui devez] assumer, parce que sinon le peuple français va dire que [les ministres] ne servent à rien !", a-t-il lancé, reprochant à Thomas Cazenave de "tuer la démocratie par [son] comportement".
Gérault Verny (Union des droites pour la République) a également vivement apostrophé l'ancien ministre, estimant qu'il avait manqué de vigilance face aux prévisions de l'administration : "Comment vous arrivez à valider un budget dans lequel on vous dit qu'il va y avoir 30% d'augmentation des recettes de l'impôt sur les sociétés sans aucune raison ?"
Thomas Cazenave a répondu qu'il ne pouvait pas, à lui seul, réaliser toutes les prévisions : "Vous confondez tout, vous êtes à la tête d'une administration, vous n'êtes pas à la place de toute l'administration". Avant de conclure : "Vous faites un exercice qui est très facile, a posteriori, vous réécrivez l'histoire."