Les députés ont adopté à l'unanimité, en première lecture ce lundi 27 janvier, une proposition de loi de Thomas Cazenave (Ensemble pour la République) visant à "lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques". Une mesure, ajoutée en commission, et confirmée dans l'hémicycle prévoit l'interdiction de toute forme de démarchage téléphonique commercial non consenti, au préalable, par le consommateur.
La proposition de loi "contre toutes les fraudes aux aides publiques" a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, ce lundi 27 janvier, par 131 voix contre 0. Comme son nom l'indique, le texte de Thomas Cazenave (Ensemble pour la République) vise avant tout à lutter contre la fraude, notamment celles liées à la rénovation énergétique et aux équipements écologiques.
Dans ce cadre, le texte initial prévoyait l'interdiction du démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation d'un logement au handicap et à la vieillesse. Objectif : restreindre les démarchages commerciaux agressifs, et souvent frauduleux, de certaines entreprises. Mais lors de l'examen en commission, en novembre dernier, les députés étaient allés plus loin et avaient élargi le durcissement de la législation à l'ensemble du démarchage téléphonique, afin de lutter contre ses effets intempestifs et son lot d'arnaques.
L'amendement porté en commission par Delphine Batho (Ecologiste et social) vise à renverser le principe actuellement en vigueur : il interdit toute forme de démarchage téléphonique, sauf si le client démarché a expressément donné son consentement au préalable. Dans l'hémicycle ce lundi soir, les députés ont approuvé cette disposition, qui sera donc examinée au Sénat où le texte doit maintenant poursuivre son parcours législatif.
En séance, le rapporteur de la proposition de loi, Thomas Cazenave (EPR), ainsi que la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, se sont montrés sensibles à la mesure sur le fond, mais n'étaient pas convaincus qu'elle ait sa place dans ce texte. "Elle ne concerne pas la lutte contre la fraude aux aides publiques. On s'éloigne de cette proposition de loi", a pointé le député, appelant plutôt à légiférer sur le démarchage dans un texte dédié. La ministre a fait de même, soulignant que la mesure figure déjà dans une proposition de loi sénatoriale "pour un démarchage téléphonique consenti", adoptée à l'unanimité par le Sénat en novembre dernier.
"Ce démarchage téléphonique non sollicité doit cesser. Néanmoins, il est de bonne facture de ne pas discuter de la même disposition dans deux textes de loi parallèles qui sont tous les deux dans la navette", a pointé Amélie de Montchalin. "Le texte qui a été adopté par le Sénat n'est nulle part à l'ordre du jour de l'Assemblée", s'est inquiétée en réponse Delphine Batho.
Depuis 2020, plusieurs lois ont renforcé l'encadrement du démarchage téléphonique, interdisant successivement cette activité en matière de rénovation énergétique, d'assurance, ou encore concernant le compte personnel de formation. Les horaires et les jours où le démarchage est autorisé ont, en outre, été encadrés. Et le dispositif Bloctel renforcé. Mais "l’approche partielle du législateur qui a prévalu jusqu’ici, à savoir des interdictions édictées par étape et ciblées sur tel ou tel secteur, s’avère notoirement insuffisante", estime Delphine Batho dans son amendement. Craignant que sans cadre global, le démarchage commercial intrusif se reporte "sur d’autres nouveaux secteurs propices au harcèlement et aux arnaques".
Reste désormais à savoir quel sera l'avenir de cette mesure, intégrée à la proposition de loi de Thomas Cazenave, lors des débats qui auront lieu au Sénat. Concernant l'objet initial de son texte, l'ex-ministre des Comptes publics et actuel député de Gironde vise un gain pour l'Etat pouvant aller jusqu'à "1,6 milliard d'euros" en luttant contre la fraude qualifiée d'"hydre à plusieurs têtes".
Pour ce faire, la proposition de loi instaure un droit de suspension de l’octroi ou du versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude, et son rejet lorsque la fraude est attestée. Elle renforce les prérogatives de Tracfin, la cellule de renseignement financier de Bercy, et facilite le partage d'informations entre administrations.
Lors des débats, c'est l'axe du texte consacré à la sous-traitance qui a le plus électrisé l'hémicycle. En commission, les députés avaient adopté un amendement de Jean-Pierre Vigier (Droite républicaine) visant à interdire aux entreprises qui n’ont pas la qualification "Reconnu garant de l’environnement" (RGE) de sous-traiter des chantiers de rénovation aidés. Une mesure mal vue par les enseignes de bricolage, qui montent des dossiers clés en main pour des particuliers en sous-traitant les interventions à des artisans RGE... et qui se verraient dès lors exclus du dispositif MaPrimeRénov'. Or, de telles enseignes n'ont pas vocation à recevoir le label RGE.
"RGE, c'est uniquement les artisans, la construction, la rénovation", a pointé Thomas Cazenave, en défendant un amendement visant à corriger la modification intervenue en commission. Indiquant que les magasins de bricolage "font vivre des milliers d'artisans", le député a estimé que la "relation commerciale n'a rien à voir dans cette proposition de loi". "Quand il y a une enseigne qui a pignon sur rue depuis très longtemps sur le territoire, il y a une confiance qui s'est créée", a appuyé Jean-Paul Lecoq (Gauche démocrate et républicaine), appelant à une réflexion autour d'une réécriture.
"Quand vous êtes artisan, et que vous n'avez pas forcément une secrétaire ou un commercial, vous n'avez pas forcément de temps pour prospecter", a ajouté Mickaël Cosson (Les Démocrates). Même inquiétude du côté de la ministre chargée du Commerce, de l'Artisanat et des PME, Véronique Louwagie : "Cela pourrait conduire à une désorganisation du marché sur l'ensemble des territoires, y compris ruraux."
In fine, l'amendement de Thomas Cazenave a été rejeté ; la disposition introduite en commission est donc restée telle quelle. "Le maillage territorial, il est fait par les artisans", a martelé Jean-Pierre Vigier (DR). "Quand vous rajoutez un intermédiaire, vous rajoutez un coût supplémentaire. [...] Les enseignes sont là pour vendre des matériaux, les artisans sont là pour faire les travaux. Comme disait ma grand-mère, chacun à sa place, et les vaches seront bien gardées."