Dépenses de santé : le gouvernement propose un "coup de frein réel mais raisonnable"

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Laurent Saint-Martin a présenté ce mercredi 16 octobre 2024 le budget de la sécurité sociale pour l'année 2024. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 17 octobre 2024 à 11:27, mis à jour le Jeudi 7 novembre 2024 à 09:08

Le gouvernement a présenté son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2025, mercredi 16 octobre, devant les députés de la commission des affaires sociales. Plusieurs mesures, notamment le report de six mois de l'indexation des retraites sur l'inflation, ont été critiquées, y compris par des élus du socle gouvernemental.

Le gouvernement prévoit un "effort de freinage" de la dépense sociale "proportionné" et en appelle à "l'esprit de responsabilité". C'est le message qui a été délivré, mercredi 16 octobre en fin de journée, par les quatre ministres venus présenter aux députés le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2025.

Geneviève Darrieussecq, en charge de la Santé, Laurent Saint-Martin, en charge du Budget et des Comptes publics, ainsi que Paul Christophe, en charge des Solidarités et de l'Autonomie, et Astrid Panosyan-Bouvet, en charge du Travail et de l'Emploi, ont défendu un budget qui doit "marquer une étape importante dans le retour progressif à l'équilibre de nos comptes sociaux".

Le PLFSS 2025 prévoit notamment de contenir le déficit de la Sécurité sociale à 16 milliards d'euros "tout en finançant des mesures nouvelles", a expliqué Laurent Saint-Martin. Le texte fixe par ailleurs l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à +2,8%, contre +3,3% en 2024. Mais cet Ondam nécessitera de réaliser près de 4,9 milliards d'euros "d"efforts de maîtrise de la dépense" : "Cet effort sera équilibré, il reposera sur l'ensemble des acteurs du système de santé tout en préservant les assurés", a promis le ministre.

"Jamais au détriment de l'hôpital"

"C'est un coup de frein réel, mais un coup de frein raisonnable, qui nous laisse suffisamment de marges de manœuvre pour préserver notre système de protection sociale, mais aussi pour continuer à agir", a-t-il assuré, précisant que le budget de l'hôpital "progressera de plus de 3 milliards d'euros". "Les économies ne se feront jamais au détriment de l'hôpital, qui a tant besoin de soutien", a ajouté la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq.

Des déclarations qui ont été contestées par le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Yannick Neuder (Droite républicaine). Le député de l'Isère a critiqué un Ondam hospitalier (+3,01%) qu'il juge insuffisant et qui suscite une "véritable incompréhension". Au-delà de la question hospitalière, Jérôme Guedj (Socialistes) a critiqué le budget proposé par le gouvernement, estimant que l'Ondam, annoncé à +2,8%, était en réalité à "zéro", indiquant qu'il fallait "défalquer" l'inflation qui se situe à +1,8% et tenir compte des conséquences d'une hausse de cotisations des employeurs hospitaliers.

De leur côté, les syndicats CGT, FO, Sud, Unsa ont d'ores et déjà appelé les agents de la fonction publique hospitalière à se mettre en grève, le 29 octobre prochain. "Ce projet ne fait qu'aggraver les risques de renoncement aux soins" a, quant à elle, dénoncé Sandrine Dogor-Such (Rassemblement national), tandis que Zahia Hamdane (La France insoumise), a critiqué "une austérité brutale" , "bien en deçà des besoins".

Une hausse du reste à charge ?

Parmi les mesures d'économies annoncées, le gouvernement souhaite notamment réduire la part que l'Assurance maladie rembourse lors des consultations médicales. La différence serait prise en charge par les complémentaires santé, à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Une mesure qui risque, selon Jérôme Guedj, de faire passer le "reste à charge payé par les mutuelles ou par les personnes elles-mêmes quand elles n'ont pas de mutuelles" de 8 euros en moyenne à 12 euros.

Plusieurs députés, à l'instar de Laurent Panifous (LIOT), ont également exprimé leur crainte de voir les complémentaires santé augmenter leurs tarifs : "Nous allons travailler [avec elles] pour voir quel est le niveau de hausse, s'il y a besoin de hausse, supportable et surtout en regard de l'effort qu'on leur demande", a réagi Geneviève Darrieussecq.

Le gouvernement propose aussi de limiter le remboursement des indemnités journalières perçues en cas d'arrêt maladie. L'Assurance maladie rembourserait toujours les arrêts à hauteur de 50% du salaire, dans la limite d'un plafond de 1,4 Smic, contre 1,8 Smic actuellement (0,6 milliard d'économies en 2025). "Je suis la première consciente du caractère très paramétrique et court-termiste de la mesure", a reconnu la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet. "On contribue à polariser plus encore le monde du travail entre ceux qui sont protégés dans une grande entreprise et ceux qui ne le sont pas", a ajouté la ministre, qui estime nécessaire de travailler à l'avenir sur des modifications plus globales.

Désindexation des retraites

Le PLFSS 2025 comporte également une mesure visant à modifier progressivement les allègements de cotisations patronales, qui sont aujourd'hui concentrés au niveau du Smic. Ce nouveau modèle n'aurait plus d'effets au-delà de 3 Smic, contre 3,5 aujourd'hui. La mesure, critiquée par les syndicats patronaux, permettrait une économie de 4 milliards d'euros. "Augmenter un salarié [au Smic] est très coûteux pour un employeur et donc de très nombreux salariés se trouvent coincés aujourd'hui au Smic ou juste au-dessus, pendant des années", a justifié Astrid Panosyan-Bouvet.

Là aussi, la décision du gouvernement ne fait pas l'unanimité : "Je crains qu'en voulant lutter contre le phénomène réel des trappes à bas salaires, on ne réduise la capacité de nos entreprises à embaucher et à produire", a notamment considéré le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Yannick Neuder. "Ces économies ne doivent pas avoir pour victimes collatérales notre tissu de PME, TPE et les personnes qui y sont aujourd'hui en emploi", a mis en garde Stéphanie Rist (Ensemble pour la République).

Une autre mesure est vivement contestée par les députés : le gouvernement veut décaler de six mois l'indexation des retraites sur l'inflation (du 1er janvier au 1er juillet), afin de réaliser "plus de 3 milliards d'euros" d'économies. "La dégradation de la situation économique appelle des mesures qui produisent leur effet à court-terme", a justifié Astrid Panosyan-Bouvet

"On ne peut pas rester avec la modélisation que vous nous proposez", lui a répondu Philippe Vigier (Les Démocrates), dont le groupe fait partie du socle gouvernemental de Michel Barnier. "Quand vous avez 5 000 euros de retraite, vous pouvez faire l'impasse d'une augmentation pendant une année, quand vous avez 1 600 euros de retraite, vous ne pouvez pas", a déclaré l'élu. qui fera une proposition alternative "très concrète" lors de l'examen du texte.

"J'entends la préoccupation", a réagi Astrid Panosyan-Bouvet. La ministre du Travail s'est dite ouverte à d'éventuelles "modulations" si celles-ci sont "possibles" du point de vue "opérationnel". L'examen des amendements au PLFSS 2025 débutera lundi 21 octobre au sein de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.