"Les sous-évaluations considérables des recettes de l’Etat en 2023 et 2024 s’expliquent par le recours à des méthodes d’estimation peu adaptées aux changements de comportements des acteurs économiques", estime le rapporteur général du budget, Charles de Courson (LIOT), dans une contribution aux travaux d'enquête sur le dérapage du déficit public dévoilée ce mercredi 26 mars. Le député plaide pour une réforme des "méthodes d'évaluations", afin de corriger les "dérives" de ces dernières années.
A deux semaines du rendu des conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le dérapage du déficit public, le rapporteur général du budget, Charles de Courson (LIOT), a présenté ce mercredi 26 mars sa propre analyse, menée en parallèle des travaux de la commission des finances. Le député dresse constat et préconisations dans sa "contribution sur l’évaluation des recettes fiscales en 2023, 2024 et 2025", dont il a dévoilé les grandes lignes lors d'une conférence de presse.
Sans surprise, l'élu du groupe "Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires" (LIOT) fait le constat "d'erreurs répétées" dans les analyses macroéconomiques. Erreur qui ont mené aux "années noires" évoquées par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Particulièrement en ce qui concerne les recettes : en 2023, ces dernières ont été inférieures de 7,7 milliards d'euros par rapport aux prévisions de fin de gestion. Pire, en 2024, l'écart a atteint 22,8 milliards d'euros par rapport aux prévisions initiales. Des "dérives" qui "fragilisent la crédibilité de nos finances publiques", regrette Charles de Courson.
L'exactitude des prévisions est une condition de la sincérité budgétaire et du bon déroulement du débat parlementaire. Charles de Courson
Selon le député, ces erreurs ont plusieurs causes : hypothèses macroéconomiques irréalistes, modèles inadaptés à la situation et aux comportements des acteurs économiques, et en premier lieu des sociétés, absence de scénarios multiples permettant la divergence de points de vue...
Pour éviter que ces erreurs ne se répètent, le rapporteur général du budget à l'Assemblée plaide pour une "pluralité" dans les prévisions macroéconomiques, comme il l'a expliqué lors de sa conférence de presse. "Tout système monopolistique a tendance à dérailler", a-t-il estimé. Il propose donc d'associer le Haut Conseil des finances publiques à la construction des hypothèses macroéconomiques, de revoir les méthodes utilisées pour le calcul de l'impôt sur le revenu, de s'appuyer sur les données remontées par les grandes entreprises pour établir la prévision de l'impôt sur les sociétés, ou encore d'effectuer des remontées mensuelles de recettes pour éviter de nouvelles déconvenues sur les recettes de la TVA.
Au-delà de la question du constat et des préconisations, vient aussi celle, plus politique, des responsabilités. La veille, Mathieu Lefèvre (Ensemble pour la République), avait ouvert le bal en parlant d'"une erreur d'évaluation des recettes majeure, de l'ordre de 60 milliards d'euros" sur deux ans, "imputable aux services de Bercy". Des propos qui ont suscité de vives critiques de l'opposition, alors que le député du parti présidentiel est co-rapporteur, avec Eric Ciotti (Union des droites pour la République) de la commission des finances dans le cadre de ses travaux d'enquête.
"C'est une réaction d'enfant, qui n'assume pas ses responsabilités", lui a rétorqué ce mercredi Charles de Courson. Estimant qu'en disant cela, on "scelle la mort de la démocratie et on accrédite la thèse complotiste du 'deep state'". "Pour moi, le responsable, c'est le ministre en charge de ce dossier. Ce n'est pas les services. Si vous commencez à dire 'c'est la faute aux services, c'est pas moi, c'est mon directeur de cabinet', vous n'existez pas", a poursuivi le rapporteur général du budget, considérant qu'un ministre "doit mettre les mains dans le cambouis".
Alors que la commission des finances, dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête sous la présidence d'Eric Coquerel (La France insoumise), doit rendre ses conclusions dans deux semaines, la bataille politique est déjà lancée.