Au centre des promesses présidentielles, les réformes de l'économie française ont été menées tout au long de la présidence Macron. Bousculé par la crise sanitaire, le budget de l'État a fait le grand écart. Pour quels résultats ?
En 2017, Emmanuel Macron voulait être le président du rétablissement des comptes publics et du décollage de l'économie française. Cinq ans plus tard, le voilà chantre du "quoi qu'il en coûte", signant des chèques de 100 euros à 48 millions de Français et déployant les milliards pour juguler la flambée du coût de l'énergie. De fait, le cap libéral des premières années a subi plusieurs revirements pour répondre tant aux Gilets jaunes qu'à la pandémie et à la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine.
Fiscalité, politique sociale, emploi et rôle de l'État dans l'économie française... retour sur les principales mesures mises en place par l'exécutif et sa majorité.
À l'automne 2017, le premier budget du quinquennat est voté. Il fixera la doctrine du macronisme sur la fiscalité pendant cinq ans : transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, instauration d'une imposition unique à 30% sur les plus-values financières, réduction de l'impôt sur les sociétés. Des réformes ciblées sur les ménages aisés et les entreprises, qui vaudront au locataire de l'Élysée d'être qualifié par certains de ses opposants de "président des riches". D'autres mesures moins médiatiques, comme la baisse des cotisations sur l'attribution d'actions gratuites ou l'allègement de l'exit-tax (un dispositif anti-abus pour prévenir la réalisation de plus-values à l'étranger) contribueront aussi à alimenter cette image.
Quant aux mesures favorables au plus grand nombre, comme la suppression de la taxe d'habitation, la baisse des cotisations salariales ou la revalorisation de certaines prestations, elles seront étalées dans le temps. Pour résorber le déficit public chronique, la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), qui pénalise d'abord les retraités, augmentera de 1,7% dès 2018.
Le gouvernement sera toutefois contraint d'accélérer son calendrier sous la pression des ronds-points et des Gilets jaunes. Déclenché par le durcissement de la fiscalité carbone pour renchérir le coût du carburant et notamment du diesel – et dont la trajectoire sera finalement gelée –, le mouvement contestataire va obtenir plusieurs concessions.
À travers un paquet de mesures dont le coût est évalué à environ 10 milliards d'euros par an, les travailleurs aux revenus modestes vont bénéficier d'un élargissement et d'une revalorisation de la prime d'activité plus généreux que prévu (jusqu'à 100 euros net par mois pour 4,3 millions de ménages). Les retraités touchant moins de 2000 euros par mois seront finalement exonérés de la hausse de la CSG et les heures supplémentaires seront exemptées d'impôts et de cotisations. Une prime annuelle défiscalisée jusqu'à 1000 euros par salarié pourra être distribuée par les employeurs en 2019. Une "prime Macron" reconduite ensuite chaque année.
Quelques mois plus tard, après la tenue du "grand débat national", le gouvernement fera voter une réduction des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, pour un montant annuel d'environ 5 milliards d'euros par an.
Le soutien fiscal aux entreprises a été une des constantes du quinquennat. Dans la continuité de François Hollande, trois mesures sont destinées à soutenir l'offre. D'abord une trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés, avec l'objectif tenu d'un passage en cinq ans à 25%, au lieu de 33%. Ensuite, la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisses de charges pérennes, pour 20 milliards d'euros par an (avec un cumul des deux dispositifs en 2019, avant l'extinction définitive du CICE). Enfin, après le premier confinement du printemps 2020, un nouveau coup de pouce est donné au secteur industriel en supprimant, sur deux ans, jusqu'à 20 milliards d'euros d'impôts de production par an.
En tout, selon le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt, le gouvernement aura baissé la fiscalité de 50 milliards d'euros en cinq ans, moitié pour les ménages et moitié pour les entreprises.
Si les actifs ont globalement vu leur pouvoir d'achat augmenter ces cinq dernières années, qu'en est-il des personnes dont le revenu dépend d'abord des minima sociaux ? Sur la quinzaine de prestations sociales existantes, les plus importantes sont indexées sur l'inflation, comme le revenu de solidarité active. De 537 euros en 2017, il est passé à 565 euros en 2022 pour une personne seule. Son élargissement aux moins de 25 ans n'ayant jamais travaillé, réclamé par la gauche, n'a pas été voté.
Les allocations ciblant le handicap et la vieillesse ont en revanche bénéficié d'une revalorisation plus importante, d'environ 100 euros chacune, pour s’établir à un peu plus de 900 euros par mois pour une personne seule en 2022. Des hausses sensiblement supérieures à celles pratiquées lors du quinquennat précédent.
Côté aides au logement, une double réforme a rogné les montants alloués aux bénéficiaires. Après une diminution de cinq euros décidées en 2017, le mode de calcul pris en compte pour bénéficier des APL a été revu dans le sillage du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Depuis 2021, les revenus retenus pour être éligibles sont ceux des douze derniers mois, et non ceux perçus deux ans plus tôt. Une réforme en apparence technique mais qui a eu pour effet de produire des économies de l'ordre de 1,1 milliard d'euros pour l'État, le revenu des ménages ayant, en général, tendance à augmenter d'une année sur l'autre.
Le quinquennat d'Emmanuel Macron a, par ailleurs, été celui de deux promesses oubliées sur le volet social : d'abord la mise en place d'une retraite minimale d'environ 1000 euros, emportée par l'abandon de la réforme des retraites. Ensuite, l'idée d'un revenu universel d'activité, qui fusionnerait RSA, APL et prime d'activité, rendant les aides plus lisibles et automatisant leur versement, n'a pas été concrétisée, même si le projet est toujours à l'étude dans les ministères.
Finalement, l'indicateur principal de la politique sociale reste le taux de pauvreté. En la matière, les cinq dernières années n'ont pas permis de faire reculer le nombre de ménages très modestes en France. Selon l'Insee, il aurait même légèrement augmenté entre 2017 et 2020, à 14,6% (+ 0.5 point). S'il faudra encore attendre pour avoir les chiffres de la fin du quinquennat, le gouvernement, à défaut d'avoir fait reculer la misère, souligne que celle-ci n'a pas non plus explosé malgré la crise sanitaire :
"Les actes ils sont là, et les chiffres, ils sont là", déclare @GabrielAttal. "Le pouvoir d'achat a davantage progressé dans ce quinquennat, que dans les quinquennats précédents (...) la pauvreté n' pas augmenté dans notre pays pendant la crise sanitaire". #DirectAN #QAG pic.twitter.com/Tkc5DpH6I1
— LCP (@LCP) November 9, 2021
Les chiffres sont meilleurs sur le front de l'emploi : 7,4% de la population active est au chômage fin 2021, contre 9,6% quand Emmanuel Macron est entré à l'Élysée. Un chiffre proche de la cible des 7% promise lors de la campagne présidentielle. Cette décrue, amorcée sous le quinquennat précédent, a encore accéléré malgré les contraintes imposées par la situation sanitaire.
L'exécutif veut notamment y voir les effets de sa réforme du code du travail votée dès l'été 2017. La barémisation les licenciements, la primauté donnée aux accords d'entreprise sur les branches et la fusion des instances du personnel : autant de mesures visant à simplifier la vie des entreprises et "réduire le risque" des embauches. Les détracteurs de ces ordonnances y voient plutôt une dérégulation du marché du travail, au prix d'une casse des droits des salariés.
Dans un marché de l'emploi plus dynamique, le gouvernement a également réformé l'assurance chômage. Une réforme suspendue pendant la crise sanitaire, mais pleinement rentrée en application fin 2021. Enfin, le Smic n'a pas bénéficié de coup de pouce et a donc subi une revalorisation automatique selon les règles en vigueur. Une constante depuis 2011, quel que soit le pouvoir en place.
Selon la trajectoire prévue en 2017, 120 000 postes d'agents publics auraient dû être supprimés. En cinq ans, ils seront finalement 50 000 de plus. Malgré la chasse aux emplois aidés, la promesse présidentielle de réduire les effectifs de la fonction publique n'a pas tenu dans la durée. En franchissant la barre des 1,2 million de postes, c'est la fonction publique hospitalière qui a le plus bénéficié de renforts (1,16 million en 2017). On compte 20 000 postes en plus parmi la fonction publique de l'État, tandis que seule la fonction publique territoriale a réduit ses effectifs, de -0,4% en cinq ans.
Désormais 5,66 millions, les agents publics n'auront pas bénéficié de la hausse du point d'indice, qui sert de base au calcul de leur traitement, gelé depuis 2017 après une revalorisation ponctuelle sous François Hollande. L'exécutif a privilégié quelques augmentations ciblées, principalement auprès des soignants avec le Ségur de la santé, des enseignants en début de carrière et des fonctionnaires de catégorie C.
À l'heure des comptes, force est de constater que l'assainissement promis des finances publiques n'a pas eu lieu. La baisse du déficit et du désendettement du pays enclenché en début de quinquennat a été complètement balayé par la crise sanitaire. Afin de préserver l'emploi et les entreprises, la politique du "quoi qu'il en coûte" décrété en mars 2020 a permis à l'économie de redémarrer sans trop de difficulté, au prix d'un endettement record.
En 2022, la dette française atteindrait ainsi 114% du PIB (contre 98,1% en 2017) et le déficit public, chronique en France depuis 40 ans, se creuserait de 4,8% (3% en 2017). Le retour de la croissance dès 2021 (+7%) a permis au PIB de retrouver son niveau d'avant crise, après une récession marquée en 2020 (- 8,2%).
Dans ce contexte singulier, la baisse des prélèvements obligatoires a continué son cours, s'établissant à 43,5% du PIB, soit 1,6 point de moins qu'en 2017. Autrement dit, la pression fiscale a reculé, le gouvernement répétant comme un mantra sa volonté de diminuer, puis de ne pas augmenter les impôts. D'un façon ou d'une autre, selon la Cour des comptes, des efforts seront cependant nécessaires dès 2023 pour payer l'addition, que ce soit à travers de nouvelles économies ou une hausse des recettes.
Le quinquennat se termine sur une très mauvaise note en matière de balance commerciale. En 2021, le ratio entre importations et exportations tricolores n'a jamais été aussi élevé, avec un déficit de 84,7 milliards d'euros. Une dégradation préoccupante, alors que deux plans de relance, votés en 2020 et 2021, sont justement censés redonner de la souveraineté industrielle et aussi relocaliser la production de biens, qui ont parfois fait cruellement défaut lors de la pandémie.
Mais si la note est salée, c'est aussi et surtout à cause de la hausse des prix de l'énergie, alors que la France importe l'essentiel de son gaz et de son pétrole. Lors du vote du dernier budget du quinquennat, un "bouclier tarifaire" a été instauré pour limiter la flambée du prix du gaz et de l'électricité. Outre la revalorisation du chèque énergie, dédié au paiement de la facture des foyers modestes, une indemnité inflation a également été distribuée sous la forme d'un chèque individuel de 100 euros pour 48 millions de Français. La facture totale de ces milliards d'euros déployés n'est pas encore établie, la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine depuis le 24 février ayant davantage encore tendu le cours de ces matières premières. Le gouvernement doit d'ailleurs proposer prochainement un plan de résilience pour limiter les effets néfastes sur la croissance de cette crise aux portes de l'Union européenne.