Discriminations, dématérialisation des services publics : la Défenseure des droits alerte sur "des atteintes aux droits qui rongent la cohésion sociale"

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Claire Hédon en commission des Lois, le 4 juin 2025
La Défenseure des droits Claire Hédon en commission des Lois, le 4 juin 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 4 juin 2025 à 18:40, mis à jour le Mercredi 4 juin 2025 à 20:27

À l'occasion de la présentation de son rapport d'activité annuel devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a formulé deux alertes auprès des députés. La première concerne la hausse des discriminations, la seconde a trait à un excès de dématérialisation des services publics conduisant à des ruptures de droit.

Contribuer à résorber l'écart "entre le droit proclamé et son application effective", telle est la mission que Claire Hédon tente de concrétiser au travers de sa fonction de Défenseure des droits, où elle a été nommée en 2020. Venue présenter les conclusions du rapport annuel d'activité consacré à l'année 2024, elle a souhaité susciter une attention particulière des députés sur les sujets liés à l'ampleur des discriminations et à la dématérialisation des services publics.

Discriminations : une "hausse préoccupante"

Claire Hédon a indiqué qu'en 2024, la part de la population de 18 à 49 ans s'estimant discriminée s'élèvait à 18%, contre 14% en 2020. Une "hausse préoccupante", particulièrement observable dans la catégorie des discriminations liées à l’origine réelle ou supposée des personnes. "La part de réclamations liées à ce critère tend à augmenter année après année. Elle représente 25% de nos réclamations si on cumule origine, nationalité, apparence physique et convictions religieuses", a souligné la Défenseure des droits. Une hausse que le rapport impute à la situation économique dégradée et à certains discours haineux amplifiés par les réseaux sociaux, mais aussi à une plus grande reconnaissance du fait discriminatoire par les personnes concernées.

La non-discrimination comme objectif politique a pratiquement disparu du débat public et des discours des décideurs, qui préfèrent parler de diversité, de lutte contre les discours de haine. ces enjeux, aussi importants soient-ils, ne peuvent se substituer à la lutte contre les discriminations. Claire Hédon, Défenseure des droits

Déplorant un "essoufflement des politiques publiques en la matière depuis environ 20 ans", Claire Hédon a regretté que "la non-discrimination comme objectif politique [ait] pratiquement disparu du débat public et des discours des décideurs".

Soulignant que la lutte contre les discriminations s'avérait d'abord "une question de droit", elle a estimé que cette bataille devait constituer "l’une des grandes priorités de l’action de l’Etat", au travers d'une application pleine et entière, voire d'un renforcement de l'arsenal juridique, qui pourraient s'accompagner d'une campagne nationale de sensibilisation.

Un tout-numérique qui favorise des "atteintes aux droits"

Par ailleurs, la Défenseure des droits a consacré une large partie de son propos aux effets pervers de la transformation numérique de l’administration publique. "Force est de constater que cette dématérialisation, censée faciliter l’accès aux droits, peut induire l’effet inverse. Chaque année, nous alertons sur des dysfonctionnements persistants (…), des bugs récurrents qui conduisent à une situation intolérable", a-t-elle souligné, indiquant que "cette année encore, les relations des usagers avec les services publics concerne 90% des réclamations" faites auprès de l'autorité indépendante qu'elle dirige. 

Parmi celles-ci, 37% concernent le droit des étrangers, en particulier la délivrance et le renouvellement des titres de séjour. "Les dysfonctionnements techniques sont légion", a insisté Claire Hédon, avant d'appeler à "renforcer les moyens humains affectés aux préfectures", afin de prévenir des "atteintes au droit qui rongent la cohésion sociale".

Elle a, en outre, mentionné une étude du CREDOC selon laquelle 44% des personnes interrogées déclarent se heurter à difficultés quand elles souhaitent déposer un dossier papier, jugeant que le problème n'était pas tant lié à la dématérialisation des procédures, qu'au manque d'accompagnement et au fait qu'elle devienne "la seule porte d'entrée". Claire Hédon a cependant relevé le modèle plutôt efficient de la feuille d'impôts dématérialisée, qui peut être modifiée à tout moment, contrairement aux démarches effectuées dans le cadre de MaPrimeRenov ou de l'administration numérique des étrangers en France (Anef).