Ecole : Les Républicains imposent un débat sur les accompagnatrices voilées

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Constance Le Grip, le 3 février 2021
par Maxence Kagni, le Mercredi 3 février 2021 à 23:24, mis à jour le Jeudi 4 février 2021 à 06:59

Les députés LR ont tenté, sans succès, d'interdire aux collaborateurs occasionnels du service public de porter des tenues "manifestant ostensiblement une appartenance religieuse". Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a jugé leur proposition inconstitutionnelle.

Annie Genevard l'avait promis en commission spéciale : les députés Les Républicains "entendaient bien introduire dans la discussion parlementaire des sujets comme celui du voile". Une promesse tenue mercredi soir, à l'occasion de l'examen en séance publique du projet de loi "confortant le respect des principes de la République". 

L'élue et ses collègues ont défendu sans succès l'interdiction pour les parents accompagnant des sorties scolaires de porter des "signes ou tenues" qui "manifestent ostensiblement une appartenance religieuse". Une tentative qui a entraîné un débat de près de deux heures, focalisé sur la question des accompagnatrices voilées.

"Entrisme religieux"

Les députés LR ont défendu une dizaine d'amendements visant à appliquer aux parents accompagnateurs "la même obligation de neutralité [qui s'applique aux] personnes assurant une mission de service public et [aux] élèves". "Il y a des parents qui décident de prendre la main sur l'école, d'exercer une emprise sur elle, de faire de l'entrisme religieux et islamique", a expliqué Annie Genevard, accusant de "faute majeure" une majorité qui serait "indifférente" à "ce risque". "Il nous faut trouver les voies et moyens d'armer notre service public de l'Education nationale", a ajouté Constance Le Grip (LR).

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Darmanin et l'héritage de Sarkozy

Interpellé à plusieurs reprises, Gérald Darmanin a jugé la proposition des députés LR inconstitutionnelle. Le ministre de l'Intérieur s'est posé en défenseur du libéralisme, qui "n'est pas qu'économique" : "Le libéralisme c'est l'acceptation parfois que ce qui nous gêne est autorisé." Pour justifier sa position, Gérald Darmanin, qui a siégé de 2012 à 2016 sur les bancs de l'UMP et des Républicains, a revendiqué l'héritage de Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'Intérieur a cité un article du Figaro de 2009, dans lequel le journaliste Bruno Jeudy rapporte des propos qu'aurait tenus celui qui était alors président de la République : "En France, toute jeune fille qui veut porter le voile peut le faire, c'est sa liberté."

Gérald Darmanin a également cité un discours de Nicolas Sarkozy, prononcé à Neuilly lorsqu'il était ministre de l'Intérieur : "Humilier l'identité musulmane, c'est prendre le risque de la radicaliser." Avant d'enfoncer le clou : "Qui a donné les contrats d'association à des lycées musulmans, celui de Lille, celui de Lyon ? C'est bien le gouvernement de Nicolas Sarkozy." Puis de conclure : "Je ne dis pas que le voile, le foulard ou tout vêtement religieux n'est pas un moment de prosélytisme ou d'asservissement, je dis qu'il ne l'est pas à 100%."

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En réponse au ministre, Eric Ciotti a exhumé à son tour des déclarations de Gérald Darmanin, datées de juin 2016 :  "Je pense que les femmes qui portent des vêtements très amples, qui laissent juste le visage, ce n'est plus tout à fait acceptable dans la République." Le député Les Républicains a également estimé que la prise de position de Nicolas Sarkozy avait été faite dans "contexte qui était différent" : "Depuis 2012, aussi, 270 de nos concitoyens sont décédés, victimes du terrorisme islamiste, 900 ont été blessés."

Une prise de parole qui a mis en colère Eric Coquerel (La France insoumise) : "Nous sommes en train de discuter d'amendements sur les mamans voilées accompagnatrices dans les écoles et vous faites le lien mécanique avec le terrorisme..." L'élu a mis en garde Eric Ciotti, estimant que ses propos mettaient en cause "la paix civile" et pouvaient même "se transformer", chez certains concitoyens, "en actes criminels". Son collègue Adrien Quatennens (LFI) a pour sa part reproché aux députés LR d'avoir une "vision de la laïcité à géométrie variable" : "Vous ne parlez que de ça, le voile, le voile, le voile..."

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"Tribunal contre l'islam"

"Le voile, comme une obsession pour Les Républicains", a commenté Sacha Houlié (La République en marche), jugeant l'argumentaire venant des bancs de la droite "grossier, stigmatisant, inutile". "Nous refusons l'esprit de fracture que vous portez", a ajouté le rapporteur général du texte, Florent Boudié (La République en marche), estimant que "le droit existant répond (déjà) aux préoccupations" des députés LR. "Les collaborateurs occasionnels du service public sont tenus à des règles strictes", a argumenté le député LaREM, expliquant qu'ils "ne doivent pas faire acte de prosélytisme" et ne peuvent prononcer "des discours qui contreviendraient au bon fonctionnement du service public".

"J'ai l'impression d'être depuis tout à l'heure devant un tribunal, le tribunal contre l'islam et les musulmans", a quant à elle regretté Souad Zitouni (La République en marche). "Le 'vivre ensemble', ce n'est pas le 'vivre pareil'", a ajouté l'élue.

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"Il est des débats qu'il faut manier avec prudence pour ne pas monter nos concitoyens les uns contre les autres", a indiqué Olivier Becht (Agir ensemble), qui a rappelé qu'il y a "quelques décennies encore" l'abbé Pierre et le chanoine Kir ont siégé "en soutane" sur les bancs de l'Assemblée nationale.

La députée socialiste Cécile Untermaier a quant à elle refusé de faire de la question du voile "une question majeure qui va déterminer ceux qui sont pour la sécurité et ceux qui, parce qu'ils autorisent le voile, sont des laxistes et des angéliques". Défendant "la liberté", l'élue a estimé qu'"il est peut-être plus utile d'autoriser le voile que de l'interdire". Comme son collègue, le communiste Hubert Wulfranc, Cécile Untermaier a par ailleurs souligné la nécessité de mieux "aider les enseignants" face aux questions liées à la laïcité : "Ils nous le disent, ils se sentent seuls.