Éducation prioritaire : un rapport parlementaire préconise une "refondation"

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par Soizic BONVARLET, le Lundi 17 juillet 2023 à 09:21, mis à jour le Lundi 17 juillet 2023 à 10:33

La mission d’information "chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire", a présenté son rapport devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Sa rapporteure, Agnès Carel (Horizons), préconise notamment de "recentrer la notion d’éducation prioritaire sur les actuelles REP+, tout en instaurant dans l’ensemble du système éducatif une allocation progressive des moyens". 

À l'issue de travaux amorcés en octobre dernier, la mission d’information "chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire", composée de 19 députés issus des différents groupes de l'Assemblée nationale, a adopté à l'unanimité le rapport rédigé par Agnès Carel (Horizons). Cette mission d'information était composée de 19 députés issus de tous les groupes politiques de l'Assemblée, et était présidée par Roger Chudeau (Rassemblement national).

Dans l'avant-propos de son rapport, Agnès Carel estime nécessaire qu'"une grande réflexion soit menée avec toutes les parties prenantes autour d’Assises de l’éducation prioritaire pour débattre, ensemble, de l’avenir de cette politique dans le cadre d’une refonte totale du système, car elle ne saurait se contenter d’une simple énième réforme". Et devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mercredi 12 juillet, la rapporteure de la mission d'information a plaidé pour "recentrer la notion d’éducation prioritaire sur les actuelles REP+, tout en instaurant dans l’ensemble du système éducatif une allocation progressive des moyens" qui prendrait en compte les "caractéristiques sociales des établissements (…), ainsi que leur situation géographique".

Le dédoublement de classes, un dispositif qui fait ses preuves

Destinée à réduire les écarts de résultats entre les élèves qui bénéficient de cette politique et le reste de la population scolaire, l'éducation prioritaire concerne aujourd'hui 1, 7 million d’élèves de l'enseignement public. Créée en 1981, Agnès Carel a rappelé que cette politique publique englobait aujourd'hui 730 collèges et 4 174 écoles en REP, ainsi que 362 collèges et 2462 écoles en REP+. La députée est également revenue sur l'un des aspects majeurs de l'éducation prioritaire de ces dernières années, à savoir le dédoublement des classes de CP et de CE1 mis en place en 2017, étendu aux classes de grande section en 2020, visant à un objectif de 12 élèves par classe et par enseignant. Et elle a indiqué que le coût de l’éducation prioritaire était estimé par le ministère de l'Education nationale à 2,3 milliards d’euros en 2021, contre 1,6 milliard d’euros en 2016, hausse significative liée en grande partie à la politique de dédoublement des classes.

C'est surtout la corrélation entre la baisse significative du nombre d'élèves par classe et l'amélioration des résultats scolaires qui impose que ce dispositif soit maintenu. Agnès Carel (Horizons)

Évoquant des "résultats encourageants" et le début d'"une diminution des écarts en français et en mathématiques", la rapporteure a estimé que le dispositif de dédoublement des classes, "propice à l'innovation pédagogique", devait être maintenu. "Nous allons même jusqu'à proposer sa généralisation et son extension aux classes de petite et de moyenne sections afin de lutter contre les inégalités scolaires au moment où elles se cristallisent", a-t-elle aussi indiqué.

Pour réduire les écarts d'apprentissage scolaire, Agnès Carel a également évoqué "la prise en compte des très jeunes enfants, des tout-petits par l'école de la République", soulignant l'importance de l'apprentissage des fondamentaux avant 3 ans. Prônant l'accueil dans une structure collective dès 2 ans, le rapport se prononce en faveur de la création de "classes d'enseignement précoce" et de leur généralisation dans les zones d'éducation prioritaire.

Si a contrario, Agnès Carel a jugé que le collège n'était "peut-être pas la meilleure unité de référence pour l'organisation de cette politique" qu'est l'éducation prioritaire, elle a considéré que cette étape de la vie scolaire revêtait une importance particulière en termes d'orientation professionnelle, le collège pouvant s'avérer le lieu "où l'ambition des élèves a tendance à être étouffée par une forme de déterminisme social". 

Parmi les propositions du rapport figure la préconisation de "revoir la carte scolaire à la lumière d'indicateur sociaux, dans l'objectif de renforcer la mixité scolaire et sociale". 

Un "régime plus adapté d'allocation des moyens"

Pour faire en sorte de la rendre plus efficiente, Agnès Carel propose de "recentrer la notion d'éducation prioritaire sur les actuelles REP +, tout en instaurant dans l'ensemble du système éducatif une allocation progressive des moyens". En effet, considérant que la carte de l’éducation prioritaire ne s'avèrerait pas entièrement cohérente avec l’origine sociale des élèves concernés, la rapporteure a précisé que ce constat s'appliquait plus particulièrement aux REP. Elle a, par ailleurs, regretté une "absence d'évaluation systématique de cette politique soumise à des évolutions répétées", avant d'appeler de ses vœux la mise en place d'un suivi régulier, ainsi que l'organisation d'"Assises de l'éducation prioritaire", le rapport évoquant un "besoin de refondation". 

Lors de la présentation des conclusions de la mission d'information, son président Roger Chudeau (Rassemblement national) a repris à son compte certaines des 52 propositions émises par le rapport. Il a ainsi estimé souhaitable de "créer en loi de finances un programme spécifique dédié à l’éducation prioritaire avec obligation de résultats", ainsi que de "resserrer tout le dispositif d’éducation prioritaire sur les seuls REP+, qui disposeraient ainsi de moyens puissants et concentrés". Enfin, il s'est dit favorable à l'"extension des doublements [de classes] ou de modalités proches du dédoublement".

Réputée absente durant les travaux de la mission, la politique a repris ses droits durant la séquence de questions-réponses en commission, Roger Chudeau évoquant une "archipellisation des territoires" et estimant que l'école avait vocation à "arracher les enfants à l'emprise du séparatisme", avant de louer l'"intuition intelligente" du président de la République, qui avait fait part de sa volonté, le 27 juin dernier à Marseille, que les collèges puissent rester ouverts de 8 heures à 18 heures.

Du côté des autres groupes politiques, Iñaki Echaniz (Socialistes) a regretté que le rapport "évoque peu la mixité scolaire". Léo Walter (La France insoumise) a cependant parlé d'un rapport "équilibré", tandis que Fabrice Le Vigoureux (Renaissance) a salué dans les conclusions de la mission une "forme de sacralisation des REP+".