Endométriose : la proposition de loi du Rassemblement national embarrasse les autres groupes

Actualité
Image
Illustration femme souffrant d'endométriose
par Soizic BONVARLET, le Mardi 3 octobre 2023 à 08:55, mis à jour le Mardi 3 octobre 2023 à 10:10

Une proposition de loi visant à "soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose" figure parmi les textes qui seront défendus par le groupe Rassemblement national le 12 octobre, lors de sa journée d'initiative parlementaire à l'Assemblée nationale. Plusieurs représentants de la majorité et de la Nupes dénoncent de la part du groupe présidé par Marine Le Pen une instrumentalisation du sujet à des fins de "normalisation".

Un texte à la visée consensuelle, qui cacherait par ailleurs un autre objectif, celui-là stratégique : c'est l'un des reproches que formulent la Nupes et certains membres de la majorité présidentielle à l'encontre de la proposition de loi visant à "soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose", portée à l'Assemblée par le groupe Rassemblement national. 

Statut d'ALD et possibilité de déclaration de handicap

Le texte, qui sera soumis au crible de la commission des affaires sociales mercredi 4 octobre, avant d'être examiné dans l'hémicycle lors de la journée d'initiative parlementaire des députés RN le 12 octobre, propose de "créer un statut d’ALD (Affection Longue Durée) exonérante en faveur des femmes souffrant d’endométriose".

"Compte tenu de la gravité de la situation et des douleurs invivables qui résultent de l’endométriose, nous vous proposons de permettre aux femmes d’être complètement exonérées de tous frais de Sécurité sociale", indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, dont le rapporteur est Emmanuel Taché de la Pagerie. À ce jour, l'endométriose peut être reconnue en tant qu'ALD dite "hors liste" et ouvrir à des prises en charge tout en facilitant les arrêts maladie, si la pathologie répond à certains critères cumulatifs, tels qu'une qualité de vie dégradée, un traitement prévisible au-delà de six mois, et un panier de soins coûteux.

En modifiant l’article L. 5213‑1 du Code du travail, l’endométriose diagnostiquée sera, de fait, reconnue comme légitime à une motivation d’un caractère handicapant dans la vie professionnelle. Proposition de loi du RN

Le texte du Rassemblement national propose donc de faciliter cette prise en charge en la systématisant, tout en permettant, par ailleurs, à certaines femmes souffrant d'endométriose et qui en exprimeraient le besoin, d'être reconnues en tant que travailleuses handicapées. Il s'agirait concrètement d'adapter la vie professionnelle de ces femmes, voire de les accompagner vers un changement d'emploi.

Un "piège" tendu aux autres groupes ?

Alors que le Rassemblement national fait valoir que Marine Le Pen s'était déjà emparée du sujet durant la dernière campagne pour l'élection présidentielle, ses adversaires l'accusent de s'en saisir à des fins de tactique politicienne, afin de pousser le plus grand nombre de députés à voter pour un texte de son groupe. C'est notamment le cas des élus de la Nupes, qui refusent de voter en faveur de toute proposition de loi émanant du RN, alors que La France insoumise a été à l'origine d'une proposition de résolution "visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée". Le texte, non contraignant, a été voté à l'unanimité à la fin de la précédente législature sans être, à ce jour, suivi d'effets.

Rapporteure de cette proposition de résolution, Clémentine Autain (La France insoumise) a dénoncé "un écran de fumée pour tenter de brouiller la position idéologique du RN", et appelé le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, à "prendre ses responsabilités". "Il a le pouvoir de couper l’herbe sous le pied du RN et peut émettre un décret conformément à la résolution adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier 2022", a aussi expliqué la députée dans les colonnes de L'Obs.

Tweet URL

"Ce sont des textes qui sont susceptibles de faire consensus ou d'obtenir une majorité si les autres groupes politiques étaient cohérents avec les valeurs et les propositions qu'ils affichent" avait déclaré, comme pour anticiper les critiques, le député Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), en présentant les propositions de loi inscrites au programme de la journée d'initiative parlementaire de son groupe, le 19 septembre.  

La ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, s’est dite le 26 septembre, "totalement" favorable à un décret, après que le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a assuré que l’exécutif n’interviendrait pas sur ce sujet avant que le Rassemblement national ne défende son texte dans l'hémicycle.

Pour l'heure, certains députés de la majorité, des groupes Démocrate et Horizons plus particulièrement, indiquent qu'ils ne s'opposeront pas aux textes du Rassemblement national par principe. Une position affinée lors de la réunion du groupe Démocrate, le 26 septembre dernier, durant laquelle il a été décidé de "se concentrer sur le fond", indique Elodie Jacquier-Laforge. La députée MoDem explique que cette position assumée d'examiner les textes en fonction de leur contenu relève également d'une volonté de "ne pas victimiser le RN".

Elle ajoute cependant que son groupe a estimé que le dispositif proposé sur l'endométriose n'était pas pertinent, préférant une facilitation et une amélioration de la prise en charge au cas par cas, plutôt qu'une automaticité de la reconnaissance en ALD. Des associations relèvent, par ailleurs, des approximations dans la proposition de loi, qui sera examinée mercredi matin par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.