Hausse des dépenses assumée, baisse anticipée des recettes fiscales et déficit public qui se creuse... Pour répliquer aux lourdes conséquences économiques et sanitaires de l'épidémie, l’exécutif a décidé de mettre de côté l'orthodoxie budgétaire à travers un budget rectificatif d'urgence débattu jeudi à l'Assemblée nationale.
Les chiffres donnent le tournis. En trois jours, le gouvernement aura présenté, puis va faire débattre et adopter un projet de loi de finances rectificative qui entérine un alourdissement du déficit budgétaire de l'État de 15,4 milliards d'euros. Après sa présentation en Conseil des ministres mercredi, le texte sera examiné à l'Assemblée nationale jeudi puis au Sénat vendredi pour son adoption définitive.
La mesure la plus spectaculaire est la mise en place d’une garantie bancaire de 300 milliards d'euros. Présentée comme "exceptionnelle et inédite", "cette garantie devra faciliter l’octroi de prêts par les banques pour soutenir toutes les entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire", explique l'exposé des motifs de la future loi.
Concrètement, tous les nouveaux prêts octroyés au secteur privé par les banques entre le 1er mars et le 31 décembre 2020 seront concernés. Même les entreprises "parfaitement viables avant le choc lié au covid-19" pourraient en effet disparaître note Bercy, alors même que plusieurs pans de l'économie sont à l'arrêt ou fortement ralentis par le confinement général.
L'objectif est donc de prévenir les difficultés de trésorerie temporaires des entreprises, qui sinon pourraient conduire à des licenciements ou à des faillites durant la crise sanitaire. Dans un second temps, le gouvernement espère que ces entreprises pourront "rebondir une fois le choc passé, avec le moins de pertes en capital physique et humain possible".
Comme annoncé par la ministre du Travail, le dispositif de chômage partiel va être élargi à travers "un dispositif exceptionnel de financement de l’activité partielle". Dans une nouvelle ligne budgétaire, l'État compte ainsi débloquer jusqu'à 5,5 milliards d'euros.
Ces crédits vont permettre que les allocations versées par l’Etat aux entreprise soient "proportionnelles aux revenus des salariés placés en activité partielle, dans la limite d’un plafond de 4,5 smic", contre un smic en temps normal. Le but est de préserver l'emploi en limitant le reste à charge des entreprises qui sont confrontées à une baisse de leur activité et mettent leurs salariés le chômage technique.
Cette ligne budgétaire prévoit également un milliard d'euros supplémentaire - financé au trois quarts par l'État et à un quart par les régions - qui sera dédié à la création d'un fonds de soutien aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros. Des aides financières seront versées à ces PME qui subiront "une très forte baisse de leur chiffre d'affaires" et qui sont concernées "par des mesures de fermeture".
En tout, les hausses de dépenses porteront principalement sur l’Etat, pour un montant de 6,25 milliards d'euros. Alors que beaucoup d'entreprises vont bénéficier d'un report de charges le temps de la crise, la Sécurité sociale est aussi mise à contribution. Le projet de loi prévoit 2 milliards d'euros supplémentaires dans le domaine de la santé pour les "achats de matériel (masques), l’augmentation des indemnités journalières et la reconnaissance de l'engagement des personnels hospitaliers".
La chute anticipée des recettes fiscales finit d'alourdir la facture : 10,7 milliards d'euros devraient manquer dans les caisses de l'État par rapport aux estimations initiales du Budget 2020. Au total, le déficit public devrait s'établir à - 3,9% du PIB contre - 2,2% prévus à l'origine. C'était avant que le virus qui touche la France et le monde vienne tout remettre en cause.