Femmes de ménages : la majorité réécrit la proposition de loi de François Ruffin

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Femmes de ménages : la majorité réécrit la proposition de loi de François Ruffin
par Maxence Kagni, le Mercredi 27 mai 2020 à 10:45, mis à jour le Vendredi 29 mai 2020 à 15:05

A l'occasion de la niche parlementaire de La France insoumise, François Ruffin a proposé de "surpayer" de 50% les femmes de ménage travaillant entre 18h et 9h du matin. La majorité, qui préfère dans un premier temps favoriser le dialogue social, a réécrit en commission le texte du député LFI, provoquant la colère de ce dernier.

François Ruffin a défendu mercredi matin sa proposition de loi visant à "encadrer la sous-traitance et à cesser la maltraitance" des femmes de ménage.

Le texte, qui proposait notamment de "surpayer" de 50% le travail effectué entre 18 heures et 9 heures, a été réécrit par la majorité, qui souhaite favoriser dans un premier temps le dialogue social.

La proposition de la France insoumise, désormais intitulée "loi visant à améliorer les conditions de travail des agents d'entretien", a été adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée. Elle l'a été contre l'avis de François Ruffin lui-même, qui a dénoncé un texte "vidé" de sa substance, un "zéro absolu".

"Salaires de misère"

François Ruffin souhaitait profiter de la prise de conscience liée à la crise du coronavirus pour améliorer les conditions de travail des femmes de ménages, qui ont "des vies de galère" et des "salaires de misère".

Il n'y a pas de commission parlementaire sans le passage des femmes de ménage dans cette salle, l'hôpital d'Amiens, si les femmes de ménage arrêtent, il ferme en 48 heures.François Ruffin

Prenant l'exemple de l'Assemblée nationale, qui "n'est pas une exception", le député a évoqué le sort des personnels qui effectuent le ménage au Palais Bourbon.

L'élu de la Somme a détaillé la journée de "Patricia et ses collègues", "la plupart du temps en temps partiel sous le Smic", qui travaillent de 6 heures du matin jusqu'à 9 heures avant d'occuper un autre emploi en fin de journée.

"D'après la fédération des entreprises de propreté, 97% de leurs salariés travaillent en horaires décalés, entre 6 heures et 9 heures du matin", a martelé le député, qui juge que "cette maltraitance n'est pas une fatalité".

Horaires majorées

François Ruffin voulait, avec son texte, "inciter économiquement au travail de nettoyage en journée" et faire en sorte que "la sous-traitance ne rime plus avec maltraitance".

Ce qui était effectué par un agent en interne pendant sept à huit heures, cela va devenir deux ou trois heures ou quatre au maximum en externalisation.François Ruffin

L'élu proposait donc que les femmes de ménage, même employées par des sous-traitants, soient traitées "comme des salariées du donneur d'ordre" avec le même taux horaire, les mêmes primes et la prise en compte de l'ancienneté.

Le député de la Somme proposait également que les horaires de travail effectués dans une entreprise de propreté entre 18 heures et 9 heures du matin soient majorées de 50% à partir du 1er janvier 2021.

LaREM préfère le dialogue social

La proposition de loi de La France insoumise a été soutenue par Pierre Dharréville (PCF) et Boris Vallaud (PS). Mais elle n'a pas convaincu les députés Les Républicains, qui ont souligné l'absence d'étude d'impact : "Les réponses que vous apportez nous paraissent aller à l'encontre des solutions", a expliqué Stéphane Viry. L'élu a toutefois reconnu qu'il fallait "probablement rendre moins attractif la sous-traitance".

La République en Marche, par la voix de Charlotte Lecocq, a appelé à "agir concrètement" en favorisant plutôt le "dialogue social". "Nous voulons que les partenaires sociaux conduisent une négociation pour aboutir à de réels progrès", a souligné la députée de la majorité.

"Nous ne pourrons traiter individuellement la situation de tous les corps de métier que nous souhaiterions voir reconnus", a ajouté Michèle de Vaucouleurs (MoDem). La députée estime aussi, au même titre qu'Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble), que ce sujet relève d'une "négociation paritaire".

"Il faut la loi"

Face à ces réserves, François Ruffin a interpellé les députés : "Qu'est-ce que vous mettez sur la table en face [de ma proposition] ? Pour l'instant j'entends beaucoup de vide."

"Ca va continuer si on en passe par la négociation", a déploré l'élu, qui a affirmé "qu'entre le fort et le faible, il faut la loi".

Mais les députés de la majorité avaient bien une contre-proposition : ils ont préféré réécrire le texte. La commission des affaires sociales a adopté un amendement qui impose "dans les six mois" suivant l'entrée en vigueur de la loi la tenue de négociations au sein de chaque branche professionnelle.

Les conditions de travail des salariés des entreprises sous-traitantes est un sujet qu’il appartient aux partenaires sociaux de traiter par des accords collectifs.Amendement de Charlotte Lecocq

"Cela ne va pas du tout", a réagi François Ruffin, qui a dénoncé un "évidement du texte", désormais dépourvu "d'obligation de résultat". "Les salariés [concernés] ne peuvent pas intervenir au point essentiel", à savoir lors des négociations entre "le donneur d'ordre et le sous-traitant", a ajouté le député LFI.

"Renforcer l'obligation"

Un deuxième amendement de La République en Marche a fixé, par principe, de 9 heures à 18 heures l'horaire de travail d'un salarié à temps partiel d'une entreprise extérieure "fournissant un service dans une entreprise utilisatrice".

Cet horaire, qui interviendra en cas d'absence de convention ou d'accord collectif, pourra être refusé par l'employeur, qui devra justifier son choix.

"C'est du bidon", a commenté François Ruffin, qui a déploré que le dispositif de la majorité ne soit pas contraignant. De son côté, Charlotte Lecocq (LaREM) s'est dite prête à "échanger et travailler" avec les députés de La France insoumise afin de "renforcer l'obligation" créée par l'amendement de la majorité.