Fin de vie : les députés ont commencé l'examen du projet de loi dans l'hémicycle, le gouvernement prône un retour à "l'équilibre" initial du texte

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Catherine Vautrin lors de la discussion générale sur le projet de loi consacré à la fin de vie - 27 mai 2024
Catherine Vautrin lors de la discussion générale sur le projet de loi consacré à la fin de vie, le 27 mai 2024 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Lundi 27 mai 2024 à 22:15, mis à jour le Lundi 27 mai 2024 à 23:58

L'examen en première lecture du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie" a commencé, ce lundi 27 mai, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Le texte - qui vise à instaurer une "aide à mourir" - transcende les clivages politiques, entre doutes et convictions affirmées. C'est un débat intense qui s'engage, alors que le projet de loi est inscrit pour deux semaines à l'ordre du jour du Palais-Bourbon. 

Ni "modèle euthanasique", ni "autorisation à se suicider" : au premier jour de l'examen du projet de loi relatif "à l'accompagnement des malades et de la fin de vie" dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a rappelé les fondamentaux du texte qui vise à instaurer une "aide à mourir" strictement encadrée. 

Lors de la discussion générale du projet de loi, ce lundi 27 mai après-midi, des députés ont porté la ligne majoritaire de leurs familles politiques respectives, mais au sein même des groupes qui composent l'Assemblée nationale, des sensibilités différentes se sont exprimées sur ce texte qui touche à l'intime et aux convictions. Certains députés assumant, en outre, d'être encore dans une phase de réflexion et susceptibles d'évoluer au fil des débats.

Le gouvernement prône le retour à "l'équilibre" initial du texte

"Le gouvernement est foncièrement attaché aux cinq critères cumulatifs initialement proposés comme garants du bon équilibre du texte", a martelé la ministre de la Santé lors de son discours introductif, réaffirmant la nécessité, selon elle, que figure parmi ces critères celui du "pronostic vital engagé à court ou moyen terme". Et pour cause, en commission spéciale, les députés avaient remplacé, contre l'avis du gouvernement, cette notion par celle d'affection "en phase avancée ou terminale", afin d'évacuer la définition complexe du "moyen terme", et plus concrètement pour permettre aux patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA), communément appelée maladie de Charcot, de ne pas être exclus de la possibilité d'avoir recours à l'aide à mourir.

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"On peut soutenir les soins palliatifs et défendre l'aide à mourir", a fait valoir le rapporteur du projet de loi, Olivier Falorni (Démocrate). "Nous avons aujourd'hui à écrire et à voter une grande loi de liberté. La liberté de disposer de sa mort, à l'image de la liberté de disposer de son corps", a-t-il ajouté avant que sa collègue Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance) défende le choix des députés d'avoir substitué à la notion de "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" celle de "phase avancée ou terminale" d'une affection. "Cette rédaction apparaît davantage opérationnelle, et n'obligera pas les malades à endurer les souffrances dans l'attente d'un moyen terme aléatoire", a estimé la rapporteure thématique sur les articles consacrés à la définition et aux critères de l'aide à mourir, estimant que "la commission n'[avait] pas remis en cause l'équilibre du texte".

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"Le choix de légaliser l'aide à mourir demeure résolument une façon de défendre la vie", a pour sa part considéré l'ancienne ministre et présidente de la commission spéciale Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons), évoquant une "grande loi de fraternité", tout en plaidant depuis plusieurs jours, comme Catherine Vautrin, pour un retour à l'équilibre du texte présenté par le gouvernement. 

Certains députés, tout en disant leur soutien à l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir, ont souligné l'importance d'une application effective de la partie du projet de loi consacrée au développement des soins palliatifs pour rendre le critère du libre choix véritablement opérant. "L'aide à mourir ne doit évidemment pas se penser comme une solution à des soins palliatifs insuffisants", a ainsi fait valoir Laurent Panifous (LIOT), quand Sandrine Rousseau (Ecologiste) a défini "le droit aux soins palliatifs" comme "le frère siamois du droit à l'aide à mourir".

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"Bénéficier des meilleurs traitements, obtenir une aide à mourir parfois clandestine, partir à l'étranger abréger ses douleurs, nul n'est à égalité", a en outre considéré Hadrien Clouet (La France insoumise), assimilant les conditions de la fin de vie en France à "une jungle sauvage". Patrick Hetzel (Les Républicains) et Sandrine Dogor Such (Rassemblement national) ont d'une même voix dénoncé une "rupture anthropologique" au travers de l'instauration d'une aide à mourir.

"C'est un homme de gauche qui vous parle, un communiste qui a longuement médité sur la fin de vie, et je suis saisi d'un vertige sans fond devant l'admission de l'assistance au suicide et de l'euthanasie au rang des gestes de la République", a pour sa part déclaré Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) avant d'évoquer le franchissement d'une "barrière éthique".

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Des députés en proie aux doutes

Plusieurs députés ont, par ailleurs, confié que les débats en commission spéciale avaient, plutôt que renforcé leurs intuitions initiales ou permis d'affirmer une conviction claire, suscité en eux davantage de doutes. Geneviève Darrieussecq (Démocrate) a ainsi évoqué "plus de questions que de réponses" à l'issue de cet examen préparatoire. "Je pense pouvoir affirmer que je ne suis pas le seul ici qui, au fil des témoignages et des discussions, a interrogé ses certitudes, a mis en doute ses intuitions et finalement revu certaines de ses positions. Je ressors, je dois vous le dire, de la semaine d'examen de la commission spéciale avec de vrais doutes", a pour sa part indiqué Jérôme Guedj (Socialistes) tout en redisant son adhésion "au principe d'une liberté nouvelle (...) qui permette d'introduire le droit à l'aide à mourir". Le député a aussi fait part de la "vigilance" dont il ferait preuve tout au long de l'examen du texte.

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"Permettez-moi de douter avec humilité sur ce sujet si intime, si douloureux, qui nous renvoie tous à notre propre finitude", a déclaré un peu plus tard Blandine Brocard (Démocrate). "Je doute que nous ayons vraiment tout mis en œuvre avant d'envisager l'euthanasie", a-t-elle aussi poursuivi, faisant valoir une application insatisfaisante de la loi Claeys-Leonetti de 2016.

Des doutes qui devraient continuer de s'exprimer pour certains, tendre à s'estomper pour d'autres, tout au long des débats inscrits à l'ordre du jour de l'hémicycle pour les deux semaines à venir. Ce lundi soir, les députés poursuivent l'examen du projet de loi en débattant de la partie consacrée aux "soins d'accompagnement".