Invité de "Lundi C'est Politique", ce lundi 10 février, le premier président de la Cour des comptes a prévenu que la situation des finances publiques allait nécessiter plusieurs années d'efforts. Sans austérité, mais en réalisant des économies sur les dépenses de l'Etat, a soutenu Pierre Moscovici.
"Pendant 5 ans, il va falloir faire des efforts comparables à ceux qui ont été faits cette année." Invité de l'émission "Lundi, c'est politique" sur LCP, ce lundi 10 février, Pierre Moscovici a douché les espoirs d'une rémission rapide des finances publiques du pays. "Il ne faut pas laisser penser que c'était un coup comme ça, difficile", a soutenu le premier président de la Cour des comptes. Qui a, en outre, appelé à une méthode différente par rapport à celle privilégié par le gouvernement cette année : en appuyant davantage sur les dépenses de l'Etat que sur la fiscalité ou sur la méthode du rabot. "Il faudra regarder dépense publique par dépense publique, là où c'est efficace", a-t-il professé, appelant à une large revue des dépenses.
Pas question cependant de tomber dans une "austérité" qui serait délétère à moyen terme, a mis en garde le haut fonctionnaire. "On peut améliorer la qualité de la dépense publique dans tous les secteurs, et l'Etat, et les collectivités locales, sans réduire la qualité du service public", a-t-il estimé. Avant de reprendre quelques exemples de dépenses de l'Etat susceptibles d'être soupesées : bonus écologique pour des véhicules lourds, gardes d'enfants sans conditions de revenus, aides à l'apprentissage dans l'enseignement supérieur...
Comme il l'avait déjà dit récemment devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre Moscovici a répété que la dérive des finances publiques s'était notoirement aggravée "ces toutes dernières années". A la sortie de la crise sanitaire du Covid-19, nos voisins européens ont ralenti sur le déficit public, tandis que la France a continué d'accélerer, a-t-il pointé.
L'ancien ministre de l'Economie et des Finances du quinquennat Hollande est également revenu sur l'audit que rendra la Cour des comptes le 19 février sur les régimes de pension, commandé par le gouvernement dans le cadre de la réouverture du chantier sur les retraites. "Je suis certain qu'il sera indiscutable, parce que nous faisons un travail parfaitement objectif, et qu'il sera objectivé", a-t-il assuré.
Le rapport qui sera dévoilé la semaine prochaine dressera l'état du financement des retraites aujourd'hui, mais aussi le besoin de financement dans les vingt prochaines années en se basant sur des projections. L'institution listera également les différents leviers d'action et leurs effets : diminution ou augmentation de l'âge de départ à la retraite, durée de cotisation, montant des cotisations...
"Est-ce que sera indiscuté ? Non, mais chacun pourra se saisir d'une option pour dire 'je suis d'accord avec ça, et pas avec ça', 'je joue sur ce levier et pas sur celui-là'", a avancé Pierre Moscovici. Avant de confier qu'en cas d'accord entre les partenaires sociaux, il n'estimait pas nécessaire qu'on "rouvre le dossier" au Parlement.
Le premier président de la Cour des comptes a, par ailleurs, été invité à réagir à la proposition d'Emmanuel Macron de nommer Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel, un peu avant que celle-ci soit rendue officielle par un communiqué de l'Elysée ce lundi soir. La semaine prochaine, l'ex-président de l'Assemblée nationale sera auditionné par les députés et les sénateurs qui siègent au sein de la commission des lois de chacune des Chambres du Parlement. Et sa nomination sera validée sauf si trois cinquièmes des commissionnaires s'y opposent.
"Il a beaucoup de qualités, à lui de les montrer aux commissions parlementaires", a commenté Pierre Moscovici de Richard Ferrand. Tout en rappelant que ce ne serait pas le premier profil politique à diriger l'institution, deux anciens présidents de l'Assemblée s'étant succédé depuis 2007 : Jean-Louis Debré et Laurent Fabius. "L'Etat de droit peut être menacé dans les années qui viennent, par les assauts de la démocratie illibérale", a souligné le haut fonctionnaire, ajoutant que "dans les années qui viennent, le Conseil constitutionnel va être extrêmement important et sensible".