La commission des lois a adopté mercredi une proposition de résolution tendant à "modifier le règlement de l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'organisation des travaux parlementaires en période de crise". En cas de crise affectant de manière "significative" le fonctionnement de l'institution, les députés pourraient être invités à voter à distance.
Les députés pourront-ils bientôt voter un projet de loi depuis leur domicile ou leur permanence parlementaire ? La commission des lois a adopté mercredi la proposition de résolution "tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise".
En cas d'adoption définitive, cette résolution créera un nouvel article 49-1 B du règlemen et donnera à la conférence des présidents la possibilité d'"adapter temporairement les modalités de participation des députés" aux travaux parlementaires "en cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter significativement le fonctionnement de l’Assemblée nationale". Parmi ces "adaptations" figurent le recours à la visioconférence mais aussi le vote à distance.
L'objectif est de tirer les "leçons de l'expérience que nous avons vécu lors de la crise du Covid et lors des confinements", a expliqué mercredi l'auteur de la proposition de résolution, Sylvain Waserman (MoDem).
"Nous avons tous en tête les centaines de milliers de mètres carrés de locaux de l'Assemblée nationale désespérément vides, quelques [députés] présents ici et là, mais très disséminés dans l'hémicycle", a déclaré Philippe Gosselin (Les Républicains). Selon lui, "le Parlement, en temps de crise, ne peut être réduit à une simple existence théorique".
La résolution prévoit donc un fonctionnement "hybride", inspiré de l'organisation mise en place depuis le début de l'épidémie de Covid-19 : certains députés pourront être invités, en cas de crise, à se rendre dans l'enceinte du palais Bourbon, tandis que d'autres pourront être amenés à participer aux réunions de commissions et aux séances publiques par le biais d'outils de "travail à distance", comme la visioconférence. "Ce texte a l'avantage [de s'appuyer] sur les avancées technologiques pour gommer les obstacles auxquels étaient confrontés certains de nos collègues, et notamment les ultramarins", a commenté mercredi Dimitri Houbron (Agir ensemble).
La répartition des députés présents à l'Assemblée nationale devra tenir "compte de la configuration politique de l’Assemblée". Cette précision, vue comme un garde-fou par certains députés, n'a pas été jugée "entièrement satisfaisante" par Bertrand Pancher (Libertés et Territoires), selon qui "personne ne peut interdire à un député d'entrer dans l'hémicycle ou de siéger dans sa commission".
Autre innovation : les députés pourront, lors de certains scrutins, voter à distance. Cela sera possible pour les votes sur l'ensemble d'un texte ou ceux tenus sur des déclarations du gouvernement effectuées en application de l’article 50‑1 de la Constitution. "Une véritable révolution", s'est félicité Dimitri Houbron.
Le vote à distance sera, en revanche, interdit pour les votes sur les amendements ainsi que sur les articles de loi. Les votes à bulletins secrets et les votes engageant la responsabilité du gouvernement seront eux aussi exclus.
Ces nouvelles règles seront mises en oeuvre par la conférence des présidents "après que le président de l’Assemblée nationale a préalablement informé les présidents de groupe politique".
L'opposition, craignant d'être soumise à la seule volonté des groupes majoritaires, souhaite mieux encadrer le dispositif : Philippe Gosselin (LR) a proposé que son déclenchement se fasse par un vote à la majorité qualifiée, tandis que Cécile Untermaier (Socialistes) voudrait donner un droit de veto aux présidents de groupe. Michel Zumkeller (UDI et indépendants) a fait des propositions analogues.
"Notre institution est fondée sur le fait majoritaire, ce n'est pas nier le rôle des oppositions que d'affirmer ce fait majoritaire", a répondu Sylvain Waserman. Pour rassurer les oppositions, la résolution comporte néanmoins une clause de "revoyure" : tous les quinze jours, la conférence des présidents devra se prononcer sur le maintien, ou non, des dispositions.
La résolution reprend certaines conclusions du groupe de travail transpartisan chargé en mai 2020 de proposer des pistes pour "anticiper le mode de fonctionnement des travaux parlementaires en période de crise". Elle a été signée et déposée par le président de ce groupe, Sylvain Waserman (MoDem), par le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, ainsi que par les présidents de plusieurs groupes politiques : Christophe Castaner (La République en marche), Damien Abad (Les Républicains), Patrick Mignola (MoDem), Olivier Becht (Agir ensemble) et Bertrand Pancher (Libertés et Territoires).
C'est donc sans surprises que la plupart des députés qui se sont exprimés mercredi ont soutenu le texte, à l'exception notable de Michel Larive (La France insoumise), qui y a vu "une nouvelle étape dans la volonté de remise en cause de l'institution" par la majorité.
La résolution sera examinée le 1er mars dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Si elle est adoptée en séance publique, elle sera ensuite soumise au Conseil constitutionnel, avant d'entrer en vigueur en prenant en compte les éventuelles réserves du Conseil.