Football : un rapport parlementaire propose de diffuser en clair des matchs de Ligue 1

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Jaak Moineau / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence Kagni, le Mercredi 15 décembre 2021 à 08:46, mis à jour le Mercredi 15 décembre 2021 à 12:57

La mission d’information sur "les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives" a présenté, mercredi 15 décembre, une série de propositions visant à tirer les conclusions du fiasco Mediapro, mais aussi à rendre plus accessibles les évènements sportifs faisant l'objet d'une diffusion télévisée. 

La mission d’information sur les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives a rendu ses conclusions mercredi 15 décembre. "Le rôle de cette mission est d'établir un juste équilibre entre les règles économiques de la concurrence (...) qu'il s'agit d'aménager et l'accessibilité au plus grand nombre du spectacle sportif", écrit dans l'avant-propos le président de la mission Régis Juanico (apparenté "Socialistes"). Le rapport, rédigé par Cédric Roussel (La République en marche), propose notamment de diffuser un match de Ligue 1 en clair lors de chaque journée de championnat.

Lancée en mai 2021, la mission avait pour but de tirer les conséquences du fiasco Mediapro : ce groupe sino-espagnol a obtenu en 2018 la majorité des droits télé du foot français sur la période 2020-2024 pour une somme de 820 millions d'euros par an. Mais l'aventure s'est arrêtée brusquement : la chaîne créée pour l'occasion n'aura diffusé ses programmes que pendant six mois, Mediapro se trouvant dans l'incapacité de payer ce qu'il devait à la Ligue de football professionnelle (LFP). 

Aujourd'hui, c'est Amazon qui détient 80% des droits télé de la Ligue 1 de football pour une somme de 250 millions d'euros, tandis que Canal+ diffuse le reste contre un montant de 332 millions. Le football français ne touche donc que la moitié de la somme un temps espérée (1,153 milliards d'euros). Un raté qui "a eu un impact significatif sur le sport amateur" en France, puisque les droits de diffusion du foot français financent celui-ci par le biais de la taxe sur la retransmission audiovisuelle des évènements sportifs (dite taxe Buffet). "C'est tout le mouvement sportif qui a été affecté", a résumé mercredi Cédric Roussel, évoquant un manque à gagner de 20 millions d'euros en 2022.

Meilleure visibilité

Le rapport contient 27 propositions qui ont pour but, écrit Cédric Roussel, de "participer à ramener nos couleurs, nos clubs, nos sportifs au plus haut, là où le besoin se fait sentir, en apportant des réponses concrètes à des éléments qui limitent leur compétitivité". C'est ainsi que l'élu propose d'allonger la durée d'exploitation des droits télé : aujourd'hui d'une durée maximale de quatre ans, ils pourraient à l'avenir être de cinq ans afin de "sécuriser l'acheteur des droits" et de favoriser la concurrence entre les acteurs économiques. Cédric Roussel propose également d'autoriser la création d'une société commerciale par la Ligue de football professionnelle (LFP) "en vue de l'exploitation et la gestion des droits".

Pour permettre une meilleure visibilité de la Ligue 1 de football, dont les matchs sont diffusés sur des chaînes payantes (Canal+ et Amazon), le rapport propose de diffuser un match en clair lors de chaque journée. Il s'agirait, écrit Cédric Roussel, de matchs dits "non-premiums", c'est-à-dire des matchs qui ne font pas partie des premiers choix des diffuseurs. Cela pourrait être des "matchs 'd'intérêts régionaux' comme des 'derbys' n'ayant pas tous vocation à être valorisés au niveau national" : "On peut imaginer des rencontres entre deux clubs bretons", a expliqué mercredi le député.

L'arrivée d'Amazon sur le marché des droits télé du foot français a eu une conséquence inattendue pour les téléspectateurs qui ne disposent pas d'un abonnement à l'opérateur américain. La Ligue 1 a été, d'août à octobre, presque invisible à leurs yeux : auparavant, Canal+ diffusait en clair (et donc gratuitement) les résumés de match dans son émission du dimanche soir. Amazon n'a pas fait ce choix. 

Ce n'est que depuis le 25 octobre 2021 que l'émission Téléfoot de TF1, qui s'est mise d'accord avec le géant américain, diffuse gratuitement ces résumés. Pour éviter ce problème, le rapport propose de "créer un lot 'highlights' (temps forts, ndlr) pour la diffusion en clair d'images de matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 et d'images d'archives".

Une critique de la LFP

Le rapport présente aussi des solutions visant à éviter la survenue d'un nouveau fiasco du type Mediapro. Tout d'abord, il propose de renforcer le poids des "critères qualitatifs" dans le cahier des charges de l'appel d'offres de la Ligue de football professionnelle. On devine, en creux, une critique des dirigeants du foot français, qui ont préféré en 2018 un opérateur inconnu mieux-disant financièrement à l'expertise de Canal+ : "L'offre qualitative était clairement sous pondérée (...) alors même que nous sommes bien dans une démarche d'exploitation d'un produit commercial pour laquelle la notion de rapport qualité/prix est fondamentale", écrit Cédric Roussel. Devant ses collègues de la mission d'information, Régis Juanico a été plus explicite : "Les présidents de clubs et la Ligue à l'époque ont été subjugués par le mirage de Mediapro (...) Il y a eu une forme de légèreté, voire une défaillance."

Selon le rapport, la LFP devra à l'avenir avoir "plus d'attention et d'exigence quant au niveau de la garantie et son appréciation". Les dirigeants du foot français n'avaient exigé qu'un cautionnement solidaire à Mediapro, qui avait été émis par "l'actionnaire de référence" du groupe (Joy Media SL), "lui-même détenu par plusieurs actionnaires dont le fonds souverain chinois Orient Hontai Capital". Une demande jugée insuffisante par Cédric Roussel. Le député recommande donc à l'avenir de favoriser une garantie bancaire émanant "d'un établissement bancaire de premier rang" mais aussi "d'instaurer un corollaire entre le niveau de garantie apporté et le montant de l'acompte exigé".

Autre recommandation : instaurer une clause prévoyant une période de 45 jours après l'attribution des droits télé pour que le candidat retenu puisse fournir les "éléments constitutifs et d'appréciation de sa garantie". Selon Cédric Roussel, il faudrait également "prévoir systématiquement le versement d'un acompte de 10% à la conclusion de l'appel d'offre". La LFP devrait également souscrire une assurance permettant de couvrir le risque de défaut de paiement.

Le rapporteur soupçonne par ailleurs Mediapro d'avoir acheté à prix élevés les droits du football français pour pouvoir les sous-licencier ou les céder dans un second temps : "Ma conviction, à titre personnel, est que Mediapro n'avait initialement pas l'intention de lancer une chaîne et de diffuser les matchs par ses propres moyens", a-t-il expliqué, estimant que l'opérateur voulait "rétrocéder" les matchs à Canal+ et BeinSports. Pour empêcher tout "risque spéculatif", le député souhaite désormais "inclure systématiquement" dans les appels d'offre une clause permettant à la ligue de s'opposer à la sous-licence des droits.

Télé-dépendance

Les clubs devront à l'avenir "maîtriser et diversifier [leurs] ressources financières pour sortir leur modèle économique d'une trop forte télé-dépendance", a aussi souhaité mercredi Régis Juanico, citant notamment une meilleure "exploitation des enceintes sportives" et le "développement des recettes de billetteries et de sponsoring". Pour éviter la "fuite" des meilleurs jeunes joueurs, il est proposé d'allonger la durée du premier contrat professionnel de trois à cinq ans et de "réduire le taux des cotisations sociales de l'employeur pour les premiers contrats professionnels".

Il est également proposé de limiter la masse salariale des clubs français à 60 ou 70% de leur budget total et d'imposer un plafond de 25 joueurs sous contrat. Pour préserver leur compétitivité au niveau européen, les grands clubs comme le PSG pourraient "assumer une forme de pénalité financière" via une "luxury tax qui serait redistribuée aux autres clubs du championnat".

Le rapport propose aussi de mieux lutter contre le streaming illégal, de "mettre en place un service public audiovisuel minimum de diffusion du sport sur les chaînes publiques" et enfin d'autoriser la pub après 20 heures sur les chaînes du service public lors de la retransmissions d'évènements sportifs. Cédric Roussel espère pouvoir intégrer certaines propositions du rapport dans la proposition de loi "visant à démocratiser le sport en France", qui sera examinée en janvier 2022 par le Sénat.