IVG : le Parlement reconnaît le préjudice subi par les personnes condamnées, et par "toutes les femmes", avant 1975

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Marietta Karamanli dans l'hémicycle, le 18 décembre 2025
Marietta Karamanli dans l'hémicycle, le 18 décembre 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 18 décembre 2025 à 16:47, mis à jour le Jeudi 18 décembre 2025 à 17:05

L'Assemblée nationale a définitivement adopté, ce jeudi 18 décembre, la proposition de loi "visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement, et par toutes les femmes avant la loi de janvier 1975". Souhaitant que la loi entre rapidement en vigueur, les députés n'ont pas apporté de modification à la version du texte précédemment votée par les sénateurs. 

En cette année de 50e anniversaire de la loi Veil, le Parlement a choisi de réhabiliter toutes les personnes qui ont été condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l’avortement jusqu'en 1975. Et de reconnaître le préjudice subi par "toutes les femmes", celles pour lesquelles le libre choix de disposer de leur corps n'a pas existé, celles qui ont avorté clandestinement, ainsi que celles et ceux qui les y ont aidées.

Car la co-rapporteure du texte, la députée Marietta Karamanli (Socialistes), l'a rappelé : "Entre 1870 et 1975, on estime que plus de 11 660 personnes ont été condamnées pour avortement". Et la ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, de louer au travers de la proposition de loi examinée "un acte de justice envers ces milliers de vies brisées par des lois injustes et trop souvent oubliées de notre mémoire collective".

"Regarder en face notre propre histoire"

"Oui, la République doit reconnaître, oui la France doit se souvenir", a aussi martelé la ministre, convoquant le souvenir de l'avortement clandestin de sa propre mère, qu'elle avait déjà relaté lors des débats sur la constitutionnalisation de l'IVG, en 2022. Aurore Bergé s'est également félicitée qu'au travers du texte - dont l'initiative revient à la sénatrice Laurence Rossignol (Socialistes), à laquelle elle a rendu hommage pour son engagement féministe constant -, il s'agisse de "regarder en face notre propre histoire".

L'histoire de l'avortement est en réalité l'histoire du corps des femmes, qui est et a toujours été un corps politique, que la loi et la médecine des hommes ont examiné sous toutes les coutures. Aurore Bergé, ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes

"Ce choix, je l'ai fait fait, et je peux affirmer avec certitude que je ne me tiendrai pas devant vous, ni à cette tribune aujourd'hui, si je n'avais pas pu le faire", a pour sa part témoigné la députée Anaïs Belouassa-Cherifi (La France insoumise), avant de remercier les militantes du droit à l'IVG présentes dans les tribunes de l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Si l'ensemble des groupes politiques du Palais-Bourbon ont soutenu la proposition de loi, des amendements de La France insoumise et des Ecologistes avaient été déposés, puis retirés, afin de ne pas entraver l'adoption "conforme" de la proposition de loi. Ceux-ci visaient à adjoindre à la reconnaissance mémorielle une indemnisation financière.

Un peu plus tôt dans la journée, une proposition de loi "portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982" a également été adoptée, et avec elle un dispositif d'indemnisation des personnes concernées. Mais contrairement au texte sur l'IVG, cette proposition n'a pas achevé son parcours législatif. Son contenu, et notamment la question de la réparation financière, ne faisant pas à ce stade l'objet d'un accord entre les deux Chambres du Parlement.

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"Nous sommes convaincus qu'un jour, il faudra aller plus loin en garantissant une réelle réparation [du] préjudice" subi par les personnes condamnées avant la légalisation de l'avortement, a déclaré le co-rapporteur de la proposition de loi, Guillaume Gouffier Valente (Ensemble pour la République). Tout en qualifiant le texte, en l'état, d'"acte mémoriel important", il a estimé que celui-ci constituait "le point de départ de futurs travaux".

La proposition de loi définitivement adoptée ce jeudi prévoit la création d'une "commission nationale indépendante de reconnaissance des souffrances et traumatismes subis par des femmes ayant avorté et des personnes ayant pratiqué des avortements avant 1975". Cette instance, qui sera chargée de "contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire des atteintes aux droits subies par les femmes et reconnues par la Nation", pourra aussi contribuer à la réflexion autour des modalités d'une éventuelle réparation financière.