Justice patrimoniale au sein de la famille : l'Assemblée adopte à l'unanimité la proposition de loi du MoDem

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par Soizic BONVARLET, le Jeudi 18 janvier 2024 à 19:20, mis à jour le Jeudi 18 janvier 2024 à 20:09

À l'occasion de la journée d'initiative parlementaire du groupe Démocrate, les députés ont adopté à l'unanimité, en première lecture, la proposition de loi visant à "assurer une justice patrimoniale au sein de la famille". Le texte comble notamment un vide juridique, en excluant un époux coupable de meurtre conjugal des avantages qu'il peut retirer du contrat de mariage préalablement conclu avec sa victime.

Réparer des injustices en comblant une lacune béante du droit : tel est l'objectif de la proposition de loi des députés MoDem "visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille". Présentée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe Démocrate, jeudi 18 janvier, elle a été adoptée à l'unanimité, soutenue par l'ensemble des groupes, de la France insoumise au Rassemblement national, en passant par la majorité présidentielle. "C'est la fin de la prime au crime", s'est félicité le premier signataire du texte, Hubert Ott (Démocrate), à l'issue du vote. 

Corriger un état du droit "ubuesque"

Et pour cause, à ce jour, si l'un des époux tue son conjoint ou sa conjointe, ces circonstances n'ont aucune incidence sur les avantages que l'auteur du meurtre peut retirer du contrat de mariage conclu avec sa future victime. C'est ainsi que la clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant, laquelle permet de léguer tous les biens du patrimoine conjugal au survivant, peut persister, en dépit d'une forme d'invraisemblance juridique.

"Disons-le, cette situation est anormale du point de vue du droit et de la morale", a ainsi déclaré la rapporteure de la proposition de loi, Perrine Goulet (Démocrate). "C'est proprement intolérable, ubuesque, injuste évidemment", a renchéri le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti. "Le crime ne peut pas payer", a-t-il aussi ajouté.  

Des mécanismes existent déjà pour faire face à des situations similaires s'agissant de donations ou de successions, caractérisés par les termes juridiques d'"ingratitude" et d'"indignité" successorales. L'article 1er de la proposition de loi vise à étendre ce principe en créant une déchéance matrimoniale, afin que le coupable d'un meurtre commis au sein du couple ne puisse pas tirer bénéfice de son crime.

"Le dispositif est centré sur les cas où le conjoint victime est décédé" a précisé Perrine Goulet, expliquant que "dans le cas où il est encore vivant [suite à des violences ou à une tentative de meurtre], le Code civil prévoit déjà que le divorce emporte révocation des avantages matrimoniaux". Aussi, comme pour le régime de l'indignité successorale, cette déchéance ne pourra intervenir qu'à l'issue d'une condamnation pénale. 

Prémunir les conjoints séparés de dettes fiscales dont ils ne sont pas responsables

L'article 2 du texte vise, par ailleurs, à mieux protéger les conjoints en cas de séparation, en traitant "les cas sensibles de contribuables, souvent des femmes, solidairement contraintes au paiement de dettes fiscales qui ont été contractées au titre des années de vie en commun avec leur ex-conjoint", a indiqué le Garde des Sceaux. Le conjoint qui n'a pas été complice de fraude fiscale, pourra se voir accorder l’application du système de décharge de solidarité fiscale prévu à l'article L247 du livre des procédures fiscales (dans les cas d'impossibilité matérielle de payer notamment), afin de ne pas avoir à s'acquitter d'une dette contractée à son insu.

Ce texte vient réparer des injustices de notre droit civil et de notre droit fiscal. Mais surtout, c'est une nouvelle pierre dans le soutien inconditionnel de notre groupe à la lutte contre les violences faites aux femmes. Perrine Goulet (Démocrate)

"Le groupe Démocrate rappelle ainsi clairement son attachement viscéral au principe de la justice fiscale, et tout autant à une lutte sans merci contre toutes les formes de violence intra-familiale", a estimé Hubert Ott.

Un constat partagé par l'ensemble des groupes, Caroline Yadan (Renaissance) se réjouissant d'un texte apte à remédier à "une injustice bien souvent genrée", quand Christian Baptiste (apparenté Socialistes) a salué un texte "de bon sens", comblant des "lacunes évidentes" et "visant à corriger des incohérences législatives", dont les femmes sont les premières victimes. La proposition de loi a ainsi été adoptée à l'unanimité, par 78 voix "Pour," 0 "Contre". Après cette première lecture à l'Assemblée nationale, elle doit maintenant être examinée au Sénat, afin de poursuivre son parcours législatif.