L'Assemblée nationale adopte définitivement la proposition de loi sur les langues régionales

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Le député Paul Molac (LT)
Le député Paul Molac (Libertés et territoires) à l'Assemblée nationale, en janvier 2021. (Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 8 avril 2021 à 09:03, mis à jour le Vendredi 9 avril 2021 à 11:20

Les députés ont définitivement adopté la proposition de loi relative à la protection des langues régionales, en votant un texte conforme à celui transmis par le Sénat. Ils ont notamment validé le principe de l'enseignement immersif, malgré la forte opposition du ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Les débats ont toutefois été ralentis par l'obstruction de plusieurs députés Les Républicains, bien décidés à retarder l'examen de la proposition sur la fin de vie qui suivait à l'ordre du jour de l'Assemblée.

Un texte "historique" pour la Ve République. C'est ainsi que Paul Molac a décrit la portée de sa proposition de loi, "relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion". Examiné ce jeudi en deuxième lecture dans l'hémicycle, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Libertés et Territoires, le texte a été définitivement adopté par les élus, car voté sans modification par rapport à la version validée par le Sénat.

L'obstruction de députés Les Républicains

Sur la forme, les débats ont été artificiellement rallongés par plusieurs députés Les Républicains, désireux de retarder l'examen du deuxième texte inscrit à l'ordre du jour, sur la fin de vie. Marc Le Fur, Frédéric Reiss, Raphaël Schellenberger et Fabien Di Filippo notamment, ont multiplié les amendements identiques, ou défendus puis retirés, voire les rappels au règlement.

Pas dupe, le président de la séance, Hughes Renson (LaREM), s'est décidé à limiter le nombre d'orateurs pouvant prétendre à prendre la parole, et à appliquer strictement les limites de temps imparti. Sans pouvoir véritablement empêcher la manœuvre des députés de droite résolus à ralentir la discussion, dans une ambiance parfois tendue. "Vous voulez gagner du temps pour ne pas aborder le vrai sujet sur lequel nous voulons débattre", a protesté Émilie Chalas (LaREM), dénonçant une "provocation". La proposition de loi a finalement été adoptée aux alentours de 16 heures.

"Une richesse nationale"

De fond, il en a tout de même été grandement question au cours de la séance. La nécessité d'adopter un texte conforme à celui du Sénat a été clairement affichée par plusieurs groupes, afin d'accélérer sa mise en œuvre. Quitte à écarter plusieurs tentatives d'améliorer le texte ou sa rédaction pour défendre au plus vite les 82 langues régionales de la métropole et des Outre-mer. "Une richesse nationale en grand danger d'extinction", a alerté Paul Molac.

Le Sénat avait procédé à quelques ajustements lors de l'examen de la proposition de loi, par rapport à la version validée par l'Assemblée nationale en première lecture. Parmi les éléments restant en discussion, la question de l'enseignement immersif -en une seule langue-, sans garantie de la maîtrise du français en contrepartie, a figuré au centre des débats.

Le ministre de l'Éducation nationale s'est opposé à cette disposition introduite par le Sénat, la jugeant déséquilibrée. Selon Jean-Michel Blanquer, un enfant né de parents parlant uniquement une langue régionale pourrait ainsi être privé de l'enseignement du français, y compris à l'école. Il a même établi un paradoxe entre cette mesure soutenue par Les Républicains, et leurs "postures sur le séparatisme". Des arguments balayés du revers de la main par plusieurs députés, qui ont plutôt mis en avant l'urgence à sauvegarder des langues de moins en moins répandues.

Le forfait scolaire, "une double peine"

Autre mesure contre laquelle Jean-Michel Blanquer a ferraillé : l'obligation pour une commune de financer la scolarisation d'un enfant dans un établissement privé pour qu'il puisse y apprendre une langue régionale, à condition que cette commune ne dispose pas elle-même d'une telle école. Supprimé lors de l'examen en commission, ce "forfait scolaire" risque de faire peser "une contribution très importante" sur certaines communes, a estimé le ministre. Tout en vidant leurs écoles au bénéfice de celles des villes voisines, aboutissant, selon lui, à une "double peine".

Ce que vous faites, c'est la marchandisation des langues régionales. (...) Le forfait scolaire est une méthode supplémentaire donnée aux riches pour déserter l'école publique. Bastien Lachaud, député LFI

Sur ce point, Jean-Michel Blanquer a été rejoint par les députés de La France insoumise, qui ont déploré un "financement de l'école privée par des fonds publics". Bastien Lachaud a notamment fustigé un "recul grave" de l'école publique. "Sous couvert de la défense des langues régionales, vous vous apprêtez à approuver un transfert massif d'argent public dans les caisses des écoles publiques", a-t-il affirmé. D'après lui, le "forfait scolaire" sera responsable de "l'aggravation de la ségrégation sociale, du séparatisme scolaire et le contournement de la carte scolaire". Malgré ces avertissements, le dispositif a été rétabli par les députés.