À l'Assemblée nationale, le président de l'Olympique de Marseille, Pablo Longoria, est revenu sur la crise des droits TV que traverse le football français et s'est dit favorable à la mise en place d'une société commerciale gérée par la LFP. Il estime aussi que le football doit "s'adapter" aux évolutions médiatiques de ces dernières années.
Il est l'une des voix qui compte au sein du football français : Pablo Longoria, le président de l'Olympique de Marseille, a été auditionné à l'Assemblée nationale mercredi 15 septembre. Entendu, comme de nombreux responsables du sport français, dans le cadre de la mission d'information sur les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives, il est longuement revenu sur les derniers épisodes qui ont secoué le football hexagonal et a développé sa vision du futur de l'économie médiatique du monde du ballon rond.
Selon le dirigeant espagnol, "nous sommes en train de vivre une transformation médiatique. Le façon dont est consommée la télévision a changé et le football doit s'adapter." Comment ? "Ça doit être plus adapté aux consommateurs", estime Pablo Longoria. Les supporters regardent tous les matchs, mais nombreux sont ceux à regarder seulement quelques extraits, explique le patron de l'Olympique de Marseille. et pour une raison assez simple, selon lui : "On a un spectacle de 90 minutes. Mais dans beaucoup de matchs, on considère qu'il n'y a d'intéressantes que trois à quatre minutes." "On doit chercher, comme industrie, comment augmenter le niveau d'attractivité", poursuit Pablo Longoria.
Relever l'attractivité du football français ne passera pas par la mise en place d'un salaire maximum, plaide Pablo Longoria. "Je suis favorable au contrôle économique et au fait d'avoir des règles, mais pas dans le concept traditionnel du Salary Cap", dit-il devant les députés. Ce dispositif, déjà existant dans plusieurs ligues sportives, dont la NBA aux États-Unis, est plébiscité par certains patrons de fédérations de football en Europe et par des dirigeants de clubs. Mais pas par le président de l'OM, donc. "Limiter les salaires individuels des joueurs, c'est limiter la stratégie individuelle des clubs", pointe Pablo Longoria, qui invite plutôt à regarder l'économie des clubs "globalement."
En revanche, le président de l'OM dit oui à un renforcement de la gouvernance de la Ligue de football professionnel (LFP), qui regroupe tous les clubs pro et qui assure notamment l'organisation du championnat chaque saison. "Il faut réformer les structures juridiques et il faut avoir une LFP très forte, c'est le véhicule pour faire des réformes", explique-t-il, se disant favorable à la mise en place d'une société commerciale pour la commercialisation et la gestion des droits d'exploitation audiovisuelle.
"Pour faire ça, il faut avoir conscience que la Ligue doit avoir une gouvernance forte pour établir des règles, sans laisser tout l'espace possible à des investisseurs étrangers", dit-il, citant comme exemple des matchs qui pourraient être joués très tôt dans l'après-midi pour s'adapter au marché d'un autre continent, ou directement la délocalisation de matchs à l'étranger, comme cela s'est déjà vu en Italie, où la Supercoupe s'est jouée en... Arabie Saoudite. "Mais la société commerciale n'est que le véhicule. C'est mieux avec, mais il faut aussi changer la structuration du football, améliorer sa compétitivité, sortir de la crise des droits TV", prévient aussi Pablo Longoria.
Interrogé par Cédric Roussel et Régis Juanico sur l'affaire Mediapro, qui a accentué cette crise des droits TV, le président de l'Olympique de Marseille s'est dit "surpris" du comportement du groupe audiovisuel espagnol. Comme nous vous l'expliquions dans cet article, la LFP avait vendu en 2018 à Mediapro pour 795 millions d’euros par an une bonne partie des droits de la Ligue 1 portant sur la période 2020-2024. Une somme importante, mais qui n'a pas été versée. Après plusieurs retards de paiement, le patron du groupe, Jaume Roures, avait expliqué qu'il souhaitait, en raison de la crise sanitaire, renégocier le contrat signé deux ans plus tôt. Après de longues péripéties, les droits TV ont été récupérés par Amazon.
"L'affaire Mediapro a eu lieu dans un moment très particulier, avec la crise du Covid", rappelle Pablo Longoria, qui souligne le sérieux de l'opérateur de l'autre côté des Pyrénnées : "La Liga (ligue professionnelle espagnole) et Mediapro sont des partenaires pour le développement du football. Entre eux, il y a eu beaucoup de travail sur la distribution internationale et nationale des droits tv."
Pour surmonter cette crise, Pablo Longoria préconise notamment le passage à une Ligue 1 à 18 clubs, afin de réduire le nombre de matchs joués chaque saison et donc la fatigue accumulée des joueurs avec à la clé une augmentation de la qualité de jeu sur le terrain. Mais surtout, le patron de l'OM estime qu'il faut avoir une personnalisation de l'offre télévisuelle. "Avoir des matchs gratuits peut être intéressant, mais le débat sur les matchs en clair n'est pas si important", explique-t-il prédisant que lors des prochaines négociations des droits tv en Espagne, "ils vont proposer un pack spécial pour des matchs de clubs." L'idée serait de s'abonner pour avoir seulement les affiches de tel ou tel club et non plus une offre qui propose huit ou dix matchs chaque semaine.