Les députés encadrent le pass sanitaire et les confinements locaux

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Une équipe médicale testent une famille au parking de l'hôpital de Laval en Mayenne, où des mesures sanitaires ont été prises le 9 juillet 2020.
par Jason Wiels, le Mercredi 5 mai 2021 à 13:32, mis à jour le Jeudi 6 mai 2021 à 11:28

La commission des lois a adopté mercredi le projet de loi de gestion de sortie de la crise sanitaire. Le texte ouvre la voie au pass sanitaire pour les voyages et les "grands rassemblements". Les députés ont dit non à la possibilité pour le gouvernement de confiner localement des territoires pendant deux mois sans contrôle démocratique.

Déconfiner mais sans se priver des moyens d'imposer des restrictions sanitaires, c'est le difficile équilibre que cherche à préserver l'exécutif dans son texte pour sortir de l'état d'urgence sanitaire. Dès la fin de cet état d'exception - le 2 juin -, le gouvernement se verra privé de la possibilité de prononcer un confinement national ou d'imposer pour plus d'un mois un couvre-feu à la même échelle.

Si les députés de la commission des lois ont voté favorablement le projet de loi mercredi 5 mai, ils ont néanmoins limité la portée de certaines mesures que se réserve le gouvernement, lors des cinq prochains mois, à travers un régime juridique transitoire qui organise la sortie de crise sanitaire. 

Un pass qui divise jusque dans la majorité

L'article 1er du texte donne la possibilité au Premier ministre et aux préfets de continuer à limiter, voire interdire, les déplacements ou l'accès à certains lieux là où il y a une "circulation active" du virus. De plus, il met en place un pass sanitaire par lequel les Français pourront justifier avoir été vaccinés, testés ou être guéris récemment du Covid-19. 

Ce pass, qui va être déployé à l'échelle de toute l'Union européenne, permettra aux voyageurs de montrer patte blanche lors de leur déplacement à l'étranger. Un amendement du gouvernement a étendu son usage aux "grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels".

"On considère que ça pourrait être des grands rassemblements de 1000 personnes", estime Olivier Véran. Le ministre de la Santé assure que l'amendement "exclut de fait tout usage d'un pass sanitaire pour les activités de la vie courante".

Malgré ces garanties, le principe même du pass sanitaire pour se rendre par exemple à un match de football ou à un festival crée des remous jusque dans la majorité, à l'image de Pacôme Rupin (LaREM) qui craint la mise en place dans le droit d'un "précédent"

Je n'imagine pas, en France, que nous demandions l'état de santé de personnes qui veulent se rendre à un grand événement. C'est un dispositif intrusif (...) pour moi cela ressemble à une discrimination. Pacôme Rupin, le 5 mai 2020

La limite à 1000 personnes ne convainc pas plus les élus de l'opposition, comme Éric Coquerel (La France insoumise) : "Ce chiffre arbitraire de 1.000 personnes n'a aucun sens. C'est la densité qu'il faut définir, avec le nombre de personnes par mètre carré", a-t-il suggéré. Élue de l'Hérault, Emmanuelle Ménard (non inscrit) a proposé de monter la jauge : "1.000 personnes c'est très peu dans dans lieux qui peuvent en accueillir 13.000 comme les arènes de Béziers. 5.000 ce serait acceptable d'un point de vue économique."

"La limite à ne pas franchir, ce sont tous les lieux fréquentés dans la vie quotidienne", a jugé la présidente de la commission des lois Yaël Braun-Pivet (LaREM). Elle a fait adopter un sous-amendement "afin d'encadrer davantage le pass sanitaire" et d'empêcher les propriétaires d'un lieu de sortie de "limiter l'accès à leur restaurant, leur cinéma ou leur théâtre à la possession d'un pass sanitaire". L'amendement, qui n'a recueilli qu'un avis de sagesse du gouvernement, pourrait être réécrit en séance. 

Les confinements locaux retoqués

Davantage controversée, l'autre disposition phare du texte à l'article 2 prévoit la possibilité de déclencher des confinements locaux pendant l'été. Cet instrument, censé freiner le développement de foyers de contamination, est assorti de deux limites : il ne devra pas concerner plus de 10% de la population française et sa durée sera de deux mois avant de saisir le Parlement pour une éventuelle prolongation.

Cette question de la durée a provoqué une levée de bouclier au sein de la commission des lois. Philippe Gosselin (LR) mais aussi Philippe Latombe (MoDem) ont proposé avec succès de supprimer un alinéa, vidant l'article de sa substance : "Nous ne voterons pas le texte si ce délai n'est pas revu, a indiqué clairement le député de la majorité. Au bout d'un mois, le Parlement doit être reconvoqué : été ou pas été, les parlementaires ont toujours été présents."

Olivier Véran, qui n'était pas en commission mercredi, n'a pas pu répondre à ce stade aux arguments déployés par les opposants à cette disposition. Mardi soir, il avait expliqué ne pas vouloir "convoquer en urgence le Parlement par exemple un 25 août pour pouvoir prononcer un état d'urgence localisé". Le ministre avait également mis en avant les "fonctionnaires des ministères" qui n'ont "pas pris de vacances depuis 15 mois".

Un argument balayé du revers de la main par Philippe Latombe : "C'est un problème de management du ministre et de son cabinet (...) mais ça ne doit pas être un argument pour nous demander de passer de un à deux mois." Le gouvernement aura l'occasion d'essayer de convaincre les députés de rétablir tout ou partie du dispositif sur les confinements locaux lors de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle à partir du 10 mai.