Les spécialistes du développement durable de l'Assemblée nationale ont multiplié les interdictions et les restrictions sur l'utilisation du plastique dans la vie quotidienne. Retour sur les principales mesures votées sur ce sujet, en commission, dans le cadre de l'examen du projet de loi anti-gaspillage.
Il est partout et fait partie de notre quotidien. Le plastique, symbole de notre dépendance au pétrole et à ses dérivés, pourrait pourtant bientôt disparaître ou en tout cas être drastiquement réduit dans notre vie de tous les jours. Étudié toute la semaine par la commission du Développement durable de l'Assemblée, le projet de loi de lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire a été largement enrichi en ce sens par les députés.
Les parlementaires ont confirmé l'objectif instauré au Sénat de diviser par quatre la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique en 2040. Dans un relatif consensus, les élus ont aussi et surtout multiplié les interdictions de l'utilisation du plastique et imposé des restrictions sur les emballages à usage unique.
Si on considère que les petites rivières font les grands fleuves alors plusieurs mesures votées - à l'impact certes limité en apparence - pourraient changer nos habitudes de consommation. C'est le cas de l'interdiction de l'impression des tickets de caisse à partir de 2022 dans les magasins. Cette mesure s'appliquera par défaut pour les montants jusqu'à 30 euros, sauf demande contraire du client. Les tickets de carte bancaire sont aussi concernés.
Dans les étals des supermarchés, les étiquettes en plastique sur les fruits et légumes seront interdites en 2022. Omniprésentes sur certaines marques de bananes ou de pommes, "elles n'ont qu'un but marketing et nuisent au compostage des déchets", justifie l'auteur de la proposition François-Michel Lambert (Libertés et Territoires).
Sur le même sujet, il sera interdit de conditionner les fruits et légumes frais dans du plastique dès 2021 pour les lots inférieurs à 1,5 kg :
Alors qu’un tel conditionnement peut avoir du sens pour certains fruits et légumes particulièrement fragiles, par exemple les framboises, celui-ci apparaît comme étant une aberration dans une majeure partie des cas.Amendement au projet de loi anti-gaspillage
Ils relâchent des milliards de microparticules aux conséquences incertaines pour la santé : les sachets de thé en plastique (nylon ou polypropylène) seront bannis du marché français en 2022. Le même interdit entrera en vigueur en 2021 pour les confettis en plastique, soupçonnés de boucher les égouts et de polluer les cours d'eau.
Dans la même veine, le consommateur ne trouvera plus en rayon de produits estampillés "biodégradable", "respectueux de l’environnement" ou "toute autre mention équivalente". Des termes non-scientifiques ou jugés trompeurs par le député Jimmy Pahun (MoDem), qui a réussi à faire passer son amendement.
La distribution de prospectus non désirés, en particulier dans les boîtes aux lettres qui arborent une étiquette "Stop pub", sera punie par une amende. Ces imprimés contiennent des huiles minérales "qui représentent en effet un risque pour la santé et occasionnent un suremballage des imprimés à l’aide de plastique supplémentaire", plaident les auteurs de cette mesure.
Les députés ont aussi frappé un grand coup contre les fast-food, qui ont de longue date pris l'habitude de servir leurs repas dans des emballages et des gobelets à usage unique. Cette pratique sera interdite dans la restauration à partir de 2023 pour tous les repas pris sur place. Les principaux acteurs du secteur devront donc s'organiser pour faire la vaisselle en offrant à leurs clients de véritables verres, couverts et assiettes. Ce sont potentiellement des dizaines de milliers de tonnes de déchets qui ne finiront plus à la poubelle chaque année.
Autre "amendement McDonald's", en référence au champion de la restauration rapide : les jouets en plastique ne pourront plus accompagner les menus destinés aux enfants. Cette mesure s'appliquera pleinement en 2022.
Pour éviter l'utilisation des bouteilles d'eau en plastique, les députés ont aussi voté l'obligation d'installer des fontaines à eau dans tous les lieux recevant du public. Les lieux visés seront précisés par décret et devraient concerner ceux dont la capacité d'accueil dépasse les 300 personnes.
Enfin, certaines professions sont invitées à changer leurs pratiques, comme les pharmaciens. À partir du 1er janvier 2022, les médicaments pourraient être vendus à l'unité dans les officines, limitant de fait les emballages et le gaspillage de comprimés.
Une des propositions phares du projet de loi, l'instauration d'une consigne pour le recyclage des bouteilles, est en revanche au point mort. Les sénateurs ont supprimé la disposition, estimant que les ressources des collectivités qui ont déjà mis en place en place des systèmes de recyclage auraient pu être pénalisées. L'esprit du texte initial prévoyait en effet la participation des entreprises dans la chaîne de la consigne, lesquelles auraient ainsi pu capter une partie de la manne du recyclage.
Alternative à l'enfouissement et à l'incinération, le débat sur le recyclage a permis d'illustrer les différences entre les régions françaises :
Le député breton @JimmyPahun pointe les régions à la traîne dans le recyclage des bouteilles plastique. Interpellé, le député corse @JF_Acquaviva lui répond.#DirectAN #LoiAntiGaspillage pic.twitter.com/erba7Kd7mF
— LCP (@LCP) November 28, 2019
En commission, les députés ont d'abord réintroduit de justesse la possibilité d'instaurer une consigne pour recyclage par un amendement de La République en marche (9 voix contre 8). Mais la commission a ensuite voté contre l’ensemble de l’article 8 bis, qui comprend cette disposition.
Avant ces votes, la secrétaire d’Etat Brune Poirson s’était dite "consciente des réserves" autour de la consigne et a appelé à poursuivre la "concertation" avec les acteurs locaux. Le débat sera tranché lors de l'examen du projet de loi en séance à partir du lundi 9 décembre.