Les députés veulent simplifier le débat budgétaire

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Bercy (AFP)
par Jason Wiels, le Jeudi 15 juillet 2021 à 13:47, mis à jour le Jeudi 18 novembre 2021 à 15:38

Le budget occupe un rôle central au Parlement, mais son examen est souvent l'affaire des spécialistes. Les députés ont voté lundi en séance un texte transpartisan pour en dépoussiérer le calendrier et la présentation, mais aussi mieux cerner l'évolution des dépenses prévues à moyen terme par le gouvernement.

Chaque année, l'automne marque le coup de d'envoi de l'examen de la loi de finances, dont le vote en fin d'année est suivi d'une multitude de rendez-vous jusqu'à l'été pour en assurer la bonne application. Un rituel central et décisif dans le fonctionnement du pays (niveau des impôts, choix des dépenses prioritaires, dette publique, etc.), mais à la présentation peu lisible pour le commun des mortels.

Afin de dépoussiérer le cadre des discussions budgétaires, qui est régi depuis vingt ans par la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), le président de la commission des finances Éric Woerth (LR), et le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (LaREM), ont fait voter deux propositions de loi (une organique et une ordinaire) qu'ils ont cosignées.

"Je ne suis pas certain que cette proposition de loi aurait pu aboutir sans la crise Covid", a souligné Laurent Saint-Martin. Pour le député, qui a jonglé avec quatre budgets rectificatifs en 2020 et débloqué des centaines de milliards d'euros pour mettre l'économie française sous perfusion, la pandémie a été "un accélérateur de la nécessité de réviser la LOLF, pour se doter d'outils à même de mieux gérer, mieux contrôler, mieux programmer nos finances publiques que la crise a fortement impactées".

Des projections plus claires

Faciliter le pilotage des dépenses de l'État, rendre plus transparents les documents budgétaires et améliorer la place du Parlement dans les discussions des lois de finances, c'est la mission que s'est donné le duo, qui a tenu à ce que cette réforme soit une initiative parlementaire, et non un projet de loi du gouvernement.

La proposition de loi organique ne "définit pas combien il faudra dépenser à l’avenir, s’il faut baisser ou augmenter la pression fiscale ou quelle doit être la stratégie française de maîtrise de l’endettement", préviennent les auteurs, mais doit permettre de "modifier le contenant pour mieux maîtriser le contenu"

Ainsi, le texte prévoit que les lois de finances et de programmation exprimeront à l'avenir les objectifs de dépenses "en milliards d'euros", avec une évolution en pourcentage, plutôt qu'en points de PIB. Chaque programme présenté par les ministères, censé décliner leurs grandes missions, devra se doter d'une trajectoire de performance sur trois ans. Et le gouvernement devra justifier les "déviations" à ses propres objectifs de dépenses devant le Haut conseil aux finances publiques, avant le dépôt de son projet de budget.

Autre changement important à la "Constitution financière", les deux députés veulent une meilleure lisibilité des ressources employées par chaque ministère. La présentation des crédits budgétaires, mais aussi des prélèvements sur recettes, taxes affectées et autres niches fiscales, devra être unifiée dans les documents budgétaires. Objectif : mieux comprendre ce que financent nos impôts et par quel biais. 

Enfin, la présentation des grands équilibres budgétaires devra désormais faire la distinction entre les charges d'investissement et de fonctionnement, que les parlementaires pourront amender directement. Cette démarcation entre type de dépenses, parfois sujette à interprétation, permettra de "renforcer la dimension politique de cette discussion", assument les parlementaires.

Un calendrier revu

En aval du vote de la loi de finances, le texte remplace la loi de règlement par une loi de fin de gestion, qui exclura toute disposition fiscale nouvelle. Une vieille habitude abandonnée en pratique depuis 2018, qui permettait d'offrir aux gouvernements l'occasion de faire passer des mesures fiscales, parfois rétroactives.

La future loi propose aussi de simplifier le calendrier des rendez-vous budgétaires. Le débat d’orientation des finances publiques qui se tient début juillet à l’Assemblée sera fusionné avec le débat relatif au programme de stabilité, envoyé par Bercy chaque année à Bruxelles à la mi-avril. Le temps libéré pourrait permettre de consacrer un débat annuel à la dette et à son financement, "sujet capital s’il en est dans les années à venir", insiste le duo.

Le Printemps de l'évaluation est, quant à lui, inscrit dans la loi pour en pérenniser la tenue. Ce rendez-vous a été instauré sous la législature actuelle pour offrir aux rapporteurs spéciaux un autre moment - en plus de l'automne budgétaire - pour contrôler les actions et dépenses des ministères.

De nouvelles règles consensuelles

Tout ces changements, qui constituent selon les auteurs eux-mêmes plus "une évolution plutôt qu'une révolution", ont été bien accueillis par les commissaires aux finances. "Il était urgent de réformer le cadre des finances publics, le budget doit être le plus lisible possible pour nos concitoyens", a salué Charles de Courson (Libertés et Territoires), fort d'une expérience de 28 ans à la commission des finances.

À gauche, Éric Coquerel (LFI) comme Jean-Paul Dufrègne (PCF) ont acté des avancées dans la transparence, mais ont fustigé la création de la nouvelle norme fixant un objectif de dépenses publiques à chaque loi de finances. Ce dernier dénonçant même "un fantasme de libéraux" qui "stigmatise la dépense publique". "Fixer un plafond ne revient pas à interdire d'augmenter les dépenses", a assuré Laurent Saint-Martin, réfutant tout caractère contraignant.

S'il est voté par le Sénat, ce nouveau cadre budgétaire prendra effet le 1er septembre 2022, soit à temps pour le premier budget du prochain quinquennat.

Un nouveau cadre pour le budget de la "Sécu"

Les députés ont aussi adopté deux propositions de loi, portées par le marcheur Thomas Mesnier, afin de rénover le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le rapporteur général du budget de la Sécu a proposé d'améliorer l'information donnée aux parlementaires sur l'ensembles des administrations publiques de la sécurité sociales (maladie, retraite, famille, accidents du travail et dépendance), présentées aujourd'hui de manière "disparate".

Le rapporteur a aligné la date de dépôt du PLFSS sur celle du PLF, pour laisser le temps d'approfondir le travail des amendements, limité aujourd'hui en pratique à "deux jours". Une loi d'approbation des comptes de la Sécu sera désormais débattue, et les exonérations de charges pérennes (au-delà de trois ans), qui représentent un manque à gagner de 60 milliards d'euros, ne pourront être votées que dans le cadre du PLFSS.