"Les Républicains" veulent faciliter l'expulsion des étrangers menaçant l'ordre public et des étrangers délinquants

Actualité
par Maxence Kagni, le Mercredi 23 novembre 2022 à 10:26, mis à jour le Vendredi 24 novembre 2023 à 17:01

La commission des lois de l'Assemblée nationale a rejeté deux propositions de loi, examinées à l'initiative des députés LR, visant à assouplir les conditions d'expulsion des étrangers qui menacent gravement l'ordre public et à créer une juridiction spécialisée dans l'expulsion des étrangers délinquants. Les deux textes seront cependant examinés dans l'hémicycle, lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Les Républicains", le 1er décembre. 

Le groupe Les Républicains a présenté mercredi 23 novembre, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, deux propositions de loi sur des thèmes concernant l'expulsion de certains étrangers : la première "visant à assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public", la seconde "portant création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants".

Une façon de répondre, selon le député LR Mansour Kamardine, au "lien statistique qui existe aujourd'hui entre la présence d'étrangers sur notre sol et l'insécurité". Les deux textes ont été rejetés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, mais seront examinés en séance publique, le jeudi 1er décembre, dans le cadre de la journée réservée au groupe Les Républicains. 

Supprimer des "exceptions"

La journée a commencé par l'examen de la proposition de loi visant à assouplir les conditions d'expulsion des étrangers menaçant gravement l'ordre public. Le texte, rédigé par le président des députés LR, Olivier Marleix, prévoit de supprimer plusieurs "exceptions", prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceséda), qui protègent certaines catégories de personnes d'une expulsion administrative.

Dans l'exposé des motifs, Olivier Marleix écrit par exemple qu'"un étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française" ou "une personne résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans ne peuvent pas être expulsés même s’ils présentent une menace pour la sécurité publique". Car, explique l'élu, "seule une décision de justice 'spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger' ou une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’au moins 5 ans, permettent respectivement au juge et à l’autorité administrative d’éloigner un étranger 'protégé'".

Le texte des Républicains propose donc de ne plus protéger que :

  • Les étrangers père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, sous certaines conditions,
  • les étrangers qui résident habituellement en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de 13 ans,
  • les étrangers résidant actuellement en France si leur état de santé le justifie.

"Pour les autres catégories, la conviction sous-jacente est la suivante : même lorsqu'un étranger dispose de forte attaches avec la France et qu'il y séjourne depuis un nombre significatif d'années, celui-ci doit respecter l'ordre public s'il souhaite pouvoir se maintenir sur notre territoire", a précisé le rapporteur Mansour Kamardine (Les Républicains). 

La proposition de loi a reçu un soutien mitigé de la part du Rassemblement national, Laurent Jacobelli évoquant un texte "timoré même s'il va dans le bon sens". 

"Suspicion généralisée"

Le député Renaissance Guillaume Gouffier-Cha a proposé de "réécrire le texte" en vue de son examen en séance publique. L'élu prône un "assouplissement plus proportionné" des règles protégeant de l'expulsion certains étrangers : "Il ne nous apparaît pas de bonne méthode de supprimer sèchement les réserves d'ordre public les unes après les autres", a-t-il indiqué.

Selon Guillaume Gouffier-Cha, "la protection des mineurs contre l'éloignement ne doit pas être remise en cause". L'élu propose aussi que l'assouplissement des règles soit conditionné à des "quantums de peine, sous le contrôle du juge et sans remise en cause du droit à la vie privée et familiale".

La gauche a, pour sa part, dénoncé la "dérive" d'une "droite républicaine" accusée de "se mettre à la remorque de l'extrême droite". "Une odeur nauséabonde se dégage de ce texte (...) celle du congrès des Républicains", a ainsi dénoncé Andrée Taurinya (La France insoumise). "Nous devenons les instruments de politiciens peu scrupuleux", a encore critiqué la députée LFI.

"Votre texte alimente la défiance, pour ne pas dire la méfiance de l'étranger", a réagi Hervé Saulignac (Socialistes), Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) évoquant une "suspicion généralisée à l'égard des étrangers". Benjamin Lucas (Ecologiste) a quant à lui mis en cause les "absurdités" et les "ignominies" de la proposition des Républicains. Le groupe "Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires" n'a pas non plus soutenu le texte, Paul Molac trouvant le droit actuel "proportionné".

"Une sorte Guantanamo à la française"

Les députés ont également rejeté la proposition de loi d'Eric Ciotti (Les Républicains) "portant création d’une juridiction spécialisée dans l’expulsion des étrangers délinquants". Le but du texte était de permettre une expulsion "plus rapide" par l'autorité administrative de "personnes étrangères ayant pris part à des actions terroristes, les ayant encouragés d’une manière quelconque".

"La France a perdu sa pleine capacité à décider qui elle voulait accueillir ou non sur son territoire", a affirmé Eric Ciotti devant les députés de la commission des lois. La nouvelle juridiction administrative spécialisée proposée par le député LR aurait été nommée "cour de sûreté de la République".

Le texte a fait l'objet de très vives critiques, Jean Terlier (Renaissance) dénonçant un texte mettant en œuvre un "tribunal d'exception", une "sorte de Guantanamo à la française". "Cette proposition de loi ne serait-elle pas en réalité un tract de campagne ?", a demandé l'élu, rappelant ainsi qu'Eric Ciotti est candidat à la présidence du parti Les Républicains.

"Le congrès vaut bien la démagogie", a lui aussi ironisé Andy Kerbrat (La France insoumise), qui a dénoncé un "amalgame abject", alors que Jérémie Iordanoff (Ecologiste) a déclaré que cette loi lui inspirait un "profond dégoût". Le député Démocrate Philippe Latombe a, de son côté, dénoncé le "nom retenu pour cette cour" : "La référence explicite à la cour de sûreté de l’État, juridiction spécialisée chargée de statuer sur les crimes et délits politiques créée dans le contexte de la guerre d'Algérie, revêt une certaine forme de provocation."