Lutte contre les violences conjugales : les députés veulent aller plus loin

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 15 janvier 2020 à 00:00, mis à jour le Mercredi 3 février 2021 à 12:57

Les députés ont adopté en commission, mercredi, la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, portée par Bérangère Couillard (LaREM). Le texte, qui contient des mesures venant compléter l’arsenal législatif existant, a été accueilli favorablement par les parlementaires, même si certains ont regretté des moyens insuffisants et un manque de lisibilité dans la méthode, alors qu’une proposition sur le même sujet, initiée par le groupe LR, a été adoptée en fin d'année dernière.

Alors que cent quarante-neuf femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint en 2019, et que cinq féminicides ont déjà été commis depuis le début de l’année, les députés, nombreux en commission des lois, ont montré leur volonté de prendre le sujet des violences faites aux femmes à bras le corps, et de sortir de la "société du silence", selon les termes du député LaRem Guillaume Gouffier-Cha. La plupart des mesures présentées ont fait l'objet d'un large consensus. A quelques exceptions près, dont la possibilité de lever le secret professionnel des médecins en cas de constat par ces derniers de violences conjugales.

Des mesures dans l’ensemble consensuelles

Parmi les dispositions visant à améliorer la législation existante, le texte dont Bérangère Couillard, membre de la commission des lois, est la rapporteure, prévoit notamment de décharger de leur dette alimentaire les enfants et les petits-enfants d’un parent condamné pour violences conjugales. Il vise également à renforcer la lutte contre le harcèlement au sein du couple, en consacrant le terme d’« emprise » dans la loi, et en pénalisant davantage les comportements d’espionnage et de cybercontrôle, au moyen notamment de logiciels mouchards. Enfin, il est question de la lutte générale contre le sexisme, ayant été établi par la rapporteure désignée par la délégation aux droits des femmes Nicole Le Peih (LaREM), que les violences conjugales s’inscrivaient dans « un continuum ». L’article 11 vise ainsi à renforcer la protection des plus jeunes contre l’exposition à la pornographie, en actant que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas un critère suffisant pour les mineurs.

La question de la levée de l’obligation de confidentialité des médecins a en revanche largement nourri les débats de la matinée. Pour l’opposition de droite comme de gauche, cette disposition risquerait de mettre les femmes dans une position de vulnérabilité, en les dissuadant de consulter leur médecin, et en rompant le « lien de confiance » qui peut s’exercer. La députée de La France insoumise Clémentine Autain, appuyée par son collègue Ugo Bernalicis, a également déploré une forme d’« infantilisation » des femmes au travers de cette mesure. Bérangère Couillard a insisté sur le fait que cette disposition était le fruit d’échanges permanents avec l’Ordre des médecins, et qu’elle « ne prescrira pas » aux médecins de parler, mais leur permettra de le faire, en cas de « danger vital » et en se basant sur leur « intime conviction ».

Une méthode contestée

Certains parlementaires ont, par ailleurs, critiqué le manque de lisibilité de la stratégie de la majorité, qui a tour à tour organisé un Grenelle gouvernemental des violences conjugales, puis produit une proposition de loi, alors qu’un texte portant sur le même thème, initié par l'opposition, avait été proposé aux députés il y a quelques mois et adopté en fin d'année dernière. L’examen de la proposition de loi de Bérangère Couillard a d’ailleurs été inauguré par l’adoption d’un amendement de suppression de l’article 1, émanant de la rapporteure elle-même, tant cet article était redondant avec la proposition de loi du député Les Républicains Aurélien Pradié. Cet article concernait la suspension de l’autorité parentale en cas de poursuite pour meurtre ou violences avérées. Aurélien Pradié, présent en commission, a cependant suggéré de parachever le dispositif par la mise en place d’une rétroactivité de la mesure en matière civile.
Philippe Gosselin, également membre du groupe LR, n’a pas manqué de rappeler qu’« un certain nombre de collègues de la majorité s’étaient pincé le nez au moment du dépôt de la proposition de loi Pradié ».
Le député communiste Stéphane Peu est quant à lui revenu sur le Grenelle des violences conjugales, qui s’était tenu du 3 septembre au 25 novembre dernier, sous l’égide du Premier ministre et de la Secrétaire d’État Marlène Schiappa, dénonçant « l’immense supercherie des moyens annoncés ».
La proposition de loi portée par Bérangère Couillard a été adoptée par la commission des lois, et sera débattue dans l’hémicycle à partir du mardi 28 janvier.