Maltraitances dans les crèches : l'IGAS pointe "un impensé pour les parents comme pour les responsables"

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par Zacharie LEGROS, le Jeudi 4 mai 2023 à 09:15, mis à jour le Mardi 9 mai 2023 à 12:01

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en avril, avait alerté sur le phénomène des maltraitances dans les crèches. Mercredi 3 mai, la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale a auditionné les auteurs du  rapport "Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches". 

Des professionnels qui ne changent pas les couches des enfants”, "des bébés de 4 mois qui hurlent de faim", "la seule chose à laquelle on pense c’est faire du chiffre, la vraie usine"... Ces témoignages sont autant de témoignages issues du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) intitulé "Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches" que Nicole Bohic, Jean Baptiste Frossard et Christophe Itier ont présenté, mercredi 3 mai, aux députés de la délégation aux droits des enfants. 

La maltraitance : "un impensé"

Missionnés après la mort, en juin dernier, d'un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon, les inspecteurs ont visités 36 établissements dans 8 départements et interrogé des directeurs d’établissement (5.275), des professionnels assurant l’accueil des enfants (12.545), ainsi que des parents (27.671).

Parmi les professionnels interrogés , un quart estime avoir déjà travaillé dans un établissement qu'il considérait comme "maltraitant à l'égard des enfants". Ces données "ne signifient pas qu'un quart [de l'ensemble] des établissements connaîtraient des faits de maltraitance : une telle interprétation serait abusive et erronée", tempère le rapport. L'Igas insiste cependant sur une qualité d'accueil "très disparate" en fonction des établissements. 

"S'agissant de jeunes enfants, [...] quand les critères de qualité se dégradent, les effets sur le développement des enfants peuvent être extrêmement importants", met en garde Jean-Baptiste Frossard, pointant "des conséquences qui peuvent être importantes sur le développement" lors des 1.000 premiers jours des enfants, lorsque leurs cerveaux sont particulièrement plastiques et sensibles.

Pour le docteur Nicole Bohic, ces "risques de maltraitance" sont inhérents à "tout établissement qui accueille des personnes vulnérables". Mais elle regrette "un impensé" lorsqu'il s'agit des enfants, la présence en nombre des adultes donnant l'illusion de la sécurité.

"La logique quantitative d’accroissement de l’offre a devancé les objectifs qualitatifs d’une réponse adaptée aux besoins de l’enfant", indique le rapport. "Il faut mettre les besoins de l'enfant et l'intérêt de l'enfant comme un objectif prioritaire", l'approche actuelle étant jugée trop peu "suffisante".

Des professionnels plus nombreux et mieux formés

L'Igas propose des solutions applicables rapidement. D'abord, "sur le plan des normes", en abaissant "progressivement la taille moyenne des groupes d'enfants". Les inspecteurs rappellent que le chiffre d'un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas, ou pour huit enfants qui marchent, doit être un minimum, non un objectif en soi.

Le rapport propose, en outre, de "monter progressivement le niveau d'encadrement et de qualification des professionnels". En particulier pour les titulaires du CAP Accompagnement petite enfance, pour lesquels la formation est "très courte, dans des conditions inégales, et qui composent jusqu’à 60 % du personnel d’une crèche". Mais les auteurs insistent sur la progressivité au risque de devoir face à des "pénuries de professionnels".

Sur les contrôles, Jean-Baptiste Frossard indique que les normes fixées "ne sont pas respectées". Et il insiste sur le levier que peut représenter le financement des structures, aujourd'hui effectué à l'activité, indépendamment de la qualité des structures.

Notre rapport peut paraître accablant, mais c’est important de dire que les professionnels sont motivés. Christophe Itier

"Notre rapport peut paraître accablant, mais c’est important de dire que les professionnels sont motivés" nuance Christophe Itier. D'abord parce que le secteur est déjà fortement sensibilisé au problème des maltraitances, ensuite parce que les professionnels se sont montrés volontaires lors du travail d'enquête effectué par l'Igas et ont fait preuve d'ouverture quant à l'évolution de leurs pratiques.