Narcotrafic : les députés ont commencé l'examen de la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le trafic de stupéfiants

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Bruno Retailleau, le 17 mars 2025. LCP
Bruno Retailleau, le 17 mars 2025. LCP
par Maxence Kagni, le Mardi 18 mars 2025 à 02:55

L'Assemblée nationale a entamé, dans la nuit de lundi à mardi 18 mars, l'examen de la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic". Le texte, qui prévoit notamment la création d'un parquet spécialisé, est inscrit à l'ordre du jour de l'hémicycle toute la semaine, avant un vote solennel prévu mardi 25 mars.

C'est un texte qui doit permettre aux services de l’Etat d'être "beaucoup plus armés, beaucoup plus rapides, beaucoup plus efficaces" contre le trafic de stupéfiants. Lundi 17 mars au soir, les ministres de la Justice, Gérald Darmanin, et de l'Intérieur, Bruno Retailleau, ont pris la parole à la tribune de l'Assemblée nationale pour défendre la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic". Les deux ministres ont lancé l'examen de ce texte, initié par les sénateurs Etienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS), qui prévoit notamment de créer un parquet spécialisé, le parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco).

Limitation de l'usage du téléphone, isolement strict, recours accru à la visioconférence : la proposition de loi crée également un "nouveau régime de détention tout à fait exceptionnel" qui pourrait concerner, selon Gérald Darmanin, "entre 700 et 800 personnes particulièrement dangereuses". "Jamais la France n'avait organisé de prisons de haute sécurité", a souligné le Garde des sceaux, qui entend notamment limiter les risques d'évasion et couper les trafiquants de leur réseau.

Messageries chiffrées : une "nouvelle rédaction" proposée

Lors de son passage en commission des lois, le texte a été expurgé de plusieurs de ses mesures phares. Ainsi, les députés ont supprimé la procédure d'injonction pour "richesse inexpliquée" et la possibilité pour les enquêteurs d'accéder, sous conditions, à des conversations issues de messageries chiffrées. En commission, l'instauration du "dossier-coffre", un procès-verbal distinct destiné à ce que les avocats de la défense n'aient pas accès aux techniques d'enquête utilisées, a aussi été supprimé.

Lundi soir, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a exhorté les députés à réintroduire la possibilité pour les enquêteurs d'accéder aux messageries chiffrées : "L’Etat ne peut pas avoir une guerre de retard", a-t-il lancé. Le ministre présentera une "nouvelle rédaction" du dispositif afin de trouver, en coopération avec les plateformes, des solutions qui devront "concilier la sécurité publique [et] nos libertés".

Le président de la commission des lois, Florent Boudié (Ensemble pour la République), a pour sa part jugé nécessaire de temporiser sur ce sujet pour "approfondir le travail dans les semaines et les mois qui viennent". Il a, en revanche, défendu la création du "dossier-coffre" : "Le procès verbal distinct pourrait nous manquer cruellement si nous devions ne pas le réintroduire", a-t-il fait valoir.

LFI dénonce "l'incurie gouvernementale"

Les députés ont rejeté les deux motions de rejet préalables défendues successivement par La France insoumise, présentées sur la proposition de loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic" et sur la proposition de loi organique qui l'accompagne afin de fixer "le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée". L'occasion pour Ugo Bernalicis (La France insoumise) de mettre en cause "l'incurie gouvernementale" et de dénoncer des articles "extrêmement problématiques du point des vues des libertés fondamentales, voire de l’Etat de droit."

Le député insoumis a jugé que le texte sur le narcotrafic était un "aveu d'échec" de la "politique menée depuis sept ans" et a notamment dénoncé "un manque de moyens dans la police judiciaire". "Finalement, pour sortir du piège du narcotrafic, il vaudrait mieux sortir Darmanin du gouvernement", a raillé Ugo Bernalicis. 

En déposant cette double motion de rejet, ce soir LFI nous fait un double déni de réalité. Agnès Firmin Le Bodo (Horizons)

La France insoumise n'a pas été suivie dans sa volonté de mettre fin d'emblée à l'examen du texte, le groupe Socialistes affirmant notamment par la voix de Colette Capdevielle, qu'il "souhaitait bénéficier d'un débat approfondi et contradictoire". De son côté, Olivier Marleix (Droite républicaine) a accusé LFI de se "préoccuper davantage des droits des trafiquants que de prévenir les drames de la drogue". Et Michaël Taverne (Rassemblement national) a pris la défense d'un texte "ô combien important". Les débats doivent se poursuivre tout au long de la semaine, avant un vote solennel prévu mardi 25 mars.