Nitrites dans le jambon : l'Assemblée adopte un texte, mais attend toujours l'avis de l'ANSES

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par Ariel Guez, le Jeudi 3 février 2022 à 19:23, mis à jour le Jeudi 3 février 2022 à 19:25

Les députés ont adopté, en première lecture, la proposition de loi relative à la consommation de produits contenant des additifs nitrés. Ce texte, peu contraignant, reste suspendu à l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation sur ces additifs présents dans la charcuterie, responsables de nombreux cancers colorectaux. 

L'Assemblée nationale a adopté, jeudi 3 février, la proposition de loi relative à la consommation de produits contenant des additifs nitrés, par 93 voix contre 1. Débattu dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe MoDem, ce texte s'attaque aux additifs nitrés. En plus de donner sa couleur rose au jambon, naturellement gris, ces additifs permettent aussi d'utiliser de la viande de moins bonne qualité, moins chère, tout en gagnant du temps dans les procédés de séchage. Mais "l'effet cocktail" peut avoir des conséquences néfastes pour la santé. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérogène (catégorie 1). Elle favoriserait, entre autres, les cancers colorectaux. Les nitrites ingérés sont, quant à eux, considérés comme des cancérogènes probables.  "On les a autorisés parce qu'on les croyait inoffensifs", explique Richard Ramos (MoDem). "Aujourd'hui, le lobby de la charcuterie nitrée voudrait faire croire que les résultats du CIRC seraient erronés", dénonce le député. 

"Il nous faut avoir un avis scientifique indépendant pour éclairer les choix."

La bataille menée par Richard Ramos depuis le début du quinquennat a donc trouvé un début de débouché législatif. Mais sa proposition de loi a été totalement réécrite en commission, la semaine dernière. Car le gouvernement et une très large majorité de députés veulent attendre l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses). De nombreux scientifiques et associations ont déjà établi la responsabilité des additifs nitrés dans le développement de nombreux cancers colorectaux, mais l'Anses n'a toujours pas rendu son avis sur le sujet. Attendu depuis plusieurs mois, il devrait être publié d'ici la fin du mois de juin 2022. "Il ne s'agit en aucun cas de se défausser ou d'éluder le sujet", expliquait en commission le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie. "Mais il nous faut avoir un avis scientifique indépendant pour éclairer les choix."

Malgré tout, Richard Ramos a défendu dans l'Hémicycle un texte, selon lui, "historique." "C'est une réponse concrète à la malbouffe ! Nous serons là pour qu'il n'y ait pas deux alimentations en France : une pour les riches et les bobos qui auraient le droit de manger sans avoir le risque de mourir, et une pour les pauvres. Les pauvres ont eux aussi le droit de bien manger !"

Loic Prud'homme (La France insoumise) a dénoncé les lobbys pro-nitrites et a directement visé l'agence dont le gouvernement attend l'avis. "L'Anses est un haut lieu de pantouflage", a-t-il lancé, annonçant qu'il ne voterait pas la proposition de loi. "Désolé pour mon collègue Richard Ramos. (...) C'est un texte initialement pensé pour protéger la santé des Français, mais qui après avoir été raboté, fini par être vidé de son contenu et de sa portée !"

Si le texte, qui doit maintenant être examiné par le Sénat, est définitivement adopté, le gouvernement devra, au plus tard six mois après sa promulgation, présenter au Parlement "un rapport tirant les conclusions de l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail sur les risques associés à l’ingestion d’additifs nitrés dans la charcuterie en matière de santé publique et décrivant, si nécessaire, les dispositifs d’accompagnement mis en place pour préserver l’activité économique et la compétitivité de la filière de production et de transformation de viande et de charcuterie." Une rédaction qui n'inscrit pas noir sur blanc dans la loi l'interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie, comme le réclament pourtant de nombreux scientifiques, associations et parlementaires dont Richard Ramos.