Nouveau Front populaire : évalué à 106 milliards par Valérie Rabault (PS), le chiffrage du programme fait débat à gauche

Actualité
Image
"Il faut augmenter les stocks de certains médicaments essentiels", Valérie Rabault. LCP
"Il faut augmenter les stocks de certains médicaments essentiels", Valérie Rabault. LCP
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 19 juin 2024 à 21:30, mis à jour le Mercredi 19 juin 2024 à 22:03

Alors que le gouvernement et la coalition présidentielle tirent à boulets rouges sur le programme du Nouveau Front populaire, qu'il estiment à 287 milliards d'euros, Valérie Rabault (Parti socialiste) a répondu en le chiffrant à 106 milliards sur trois ans. Une évaluation critiquée par La France insoumise qui évoque "une vision personnelle". Le Nouveau Front populaire devrait présenter le chiffrage de son programme d'ici à la fin de la semaine.  

Face aux critiques du camp présidentiel sur le coût que représenteraient les propositions du Nouveau Front populaire, la députée sortante Valérie Rabault (Parti socialiste) a contre-attaqué. "Le programme du Nouveau Front populaire représente 106 milliards d'euros de dépenses nouvelles" a-t-elle indiqué, mardi 18 juin, dans un entretien aux Echos, après avoir fustigé un chiffrage "fantaisiste et mensonger" estimé, il y a quelques jours, à 287 milliards par le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire.

Tweet URL

Des dépenses chiffrées à 106 milliards, sans tenir compte de "l'objectif" de la retraite à 60 ans 

L'ancienne rapporteure générale du Budget à l'Assemblée nationale (de 2014 à 2017) chiffre à 106 milliards d'euros de dépenses nouvelles les mesures prévues par le programme commun du Nouveau Front populaire "sur la période 2024-2027".

Les principaux postes sont constitués par des mesures permettant de relancer la croissance par les salaires pour 23 milliards, par la construction de 200 000 logements publics par an aux meilleurs critères environnementaux (10 milliards) et par la garantie autonomie (5 milliards). Valérie Rabault

Au-delà de l'abrogation de la réforme des retraites effectuée l'an dernier, cette estimation ne prend cependant pas en compte "l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans" mentionné dans le programme du Nouveau Front populaire, Valérie Rabault évoquant "des différences d'interprétation" au sein de l'alliance de gauche. "La retraite à 60 ans est un horizon, et nous lancerons des négociations pour voir si cet objectif peut se réaliser", indique-t-elle aussi aux Echos, la France insoumise étant la seule composante de la coalition à en avoir fait explicitement la promesse. En 2022, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, avait déjà émis des doutes sur le retour à 60 ans pour tous et chiffrait la mesure à "72 milliards". Selon le président sortant de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), cette réforme qui serait progressive coûterait environ 50 milliards d'euros et serait notamment amortie par "les entrées de cotisations, le cercle vertueux et le choc de la demande".

Pour financer le programme du Nouveau Front populaire, Valérie Rabault met en avant une "relance [qui] doit doper la croissance" et le "levier fiscal", notamment au travers d'"une vraie taxation des superprofits". "L'impôt sur la fortune sera rétabli", indique-t-elle également, "avec un poids supérieur à celui d'avant 2017 pour financer la transition climatique". Au total, le gauche évalue cette taxation supplémentaire des grandes enteprises et des plus aisés à 15 milliards d'euros par an

Le jour-même, La France insoumise a répondu par voie de communiqué à l'interview de Valérie Rabault, évoquant "une vision personnelle" du chiffrage du programme. "Cette contribution est intéressante et utile pour le travail de fond que nous sommes en train de réaliser avec économistes et hauts-fonctionnaires", est-il écrit dans le communiqué, qui précise qu'"un travail de chiffrage précis" est en cours et qu'il "sera présenté dans les jours qui viennent en conférence de presse commune". Tout en assumant en substance des dépenses plus importantes qu'annonncées par la vice-présidente sortante de l'Assemblée, La France insoumise défend un changement de logique. Le programme de gouvernement du NFP indique d'ailleurs "refuser le pacte de stabilité budgétaire" européen.

L'équipe de campagne du camp présidentiel évoque 287 milliards

Rapidement, la camp présidentiel s'est livré à un chiffrage des mesures de la gauche, estimant qu'elles coûteraient 287 milliards d’euros par an. "Ensemble pour la République", qui regroupe les formations politiques de la majorité sortante, évoque notamment la "garantie d’autonomie" qui pourrait être versée aux ménages situés sous le seuil de pauvreté, l'évaluant à 14,8 milliards d’euros par anAutre chiffre avancé, le coût de l’augmentation du traitement des fonctionnaires de 10 points, évalué à 20 milliards d’euros par an.

Pour la retraite à 60 ans, dont l'objectif est inscrit dans le programme sans que les modalités n'en soient définies, la dépense supplémentaire est estimée à 53 milliards d’euros par anL’instauration d’une sixième semaine de congés payés est quant à elle estimée à 30 milliards d’euros. Sauf que cette mesure présente dans un document préparatoire du Nouveau Front populaire, n’a finalement pas été retenue par la coalition de gauche.

Outre ce chiffrage, Bruno Le Maire s'est saisi du débat en cours à gauche pour redoubler de critiques : "Donc si je comprends bien, une experte économique du Nouveau Front Populaire chiffre son programme à 106 milliards €. Mais les autres trouvent que cela fait vraiment petit bras et maintiennent un chiffrage à 300 milliards €, le tout sur fond de croissance nord-coréenne à 3 %. Aux fous !", a-t-il écrit sur X.

L'alliance de gauche devrait tenir une conférence de presse d'ici à la fin de la semaine pour préciser son chiffrage et sa stratégie, afin de répondre aux critiques et d'accorder ses violons.