Orpaillage illégal en Guyane : une catastrophe environnementale et sanitaire ?

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Orpaillage Guyane
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 21 juillet 2021 à 14:54, mis à jour le Mercredi 21 juillet 2021 à 15:31

La commission d’enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, présidée par Lénaick Adam (LaREM), et dont le rapporteur est Gabriel Serville (GDR), présente ce mercredi ses conclusions. Les députés, qui avaient démarré leurs travaux en février dernier, ont cherché les moyens de freiner cette pratique clandestine qui consiste à rechercher de l’or au mépris des règles du code minier.

C'est d'abord un état des lieux qu'ont fait les députés de la commission d'enquête sur l'orpaillage illégal en Guyane. La région possède une tradition aurifère ancestrale. Seulement depuis trois décennies et à la suite de hausses importantes du cours de l’or et de la structuration des pratiques illégales, la Guyane est devenue l’un des lieux privilégiés d’une nouvelle ruée vers l’or. Selon les associations environnementales, sept à dix tonnes d’or seraient illégalement exfiltrées de Guyane chaque année.

Or, cet or a un prix, et il est environnemental et humain. En raison de son caractère fortement nocif pour la planète, l’exploitation aurifère est particulièrement encadrée. C’est notamment l’usage du mercure, nécessaire à la pratique de l’orpaillage, qui pollue et contamine durablement l’eau et les sols. Les personnes qui inhalent les vapeurs de mercure s’exposent par ailleurs à de graves intoxications. La consommation des produits de la pêche par l’ensemble de la population fait également courir un risque sur le plan sanitaire. L'interdiction de l'usage du mercure depuis 2006 était censée remédier à ce problème... Seulement elle n'est pas respectée par les orpailleurs illégaux, causant de graves dommages.

Faciliter la répression des "garimpeiros"

Les députés ont remonté la trace de ces chercheurs d'or. ces Attirant les convoitises de plusieurs pays limitrophes, l’orpaillage illégal est en premier lieu le fait de brésiliens appelés communément "garimpeiros", qui signifie "prospecteurs" en portugais. Selon le rapport, qui s’appuie sur les estimations de la gendarmerie de Guyane, les orpailleurs illégaux seraient au nombre de 8 600, brésiliens pour 97% d’entre eux, originaires d’une des régions les plus pauvres du Brésil, l’État du Maranhão. En situation irrégulière en Guyane, mais également installés dans leur pays d'origine, au Guyana ou encore au Suriname, les garimpeiros seraient, selon l’Observatoire de l’activité minière, au nombre total de 200 000 à 220 000.

Pour lutter contre le phénomène, le rapport plaide pour l’augmentation des moyens humains et nautiques de la police aux frontières afin de faciliter la surveillance des trafics et les reconduites à la frontière. Il évoque également le développement des drones.

Le rapporteur Gabriel Serville (GDR) souhaite également l’établissement d’une convention d’entraide judiciaire avec le Brésil pour gérer l’immigration illégale des garimpeiros.

Les populations amérindiennes d’Amazonie, dont les ressources naturelles sont la principale source de subsistance, étant particulièrement impactées par la pollution au mercure, le rapport propose de confier aux chefs coutumiers un rôle d’informateur, en prévoyant la formation et l’équipement nécessaires.

Autre mesure proposée : l'instauration d'un observatoire transnational de la déforestation avec les pays limitrophes, Brésil et Suriname, afin de rendre compte des ravages de l'orpaillage illégal sur la forêt amazonienne.

Dépister et traiter l’intoxication au mercure

Le rapport reconnaissant la difficulté d'éradiquer l’orpaillage illégal, il préconise avant tout des mesures afin d'en limiter les effets délétères sur la population de Guyane. Parmi elles, la généralisation du dépistage et l’inscription au sein d’un parcours de soins des personnes intoxiquées au mercure. Le rapporteur regrette que l’intoxication au mercure ne fasse pas l’objet d’une déclaration obligatoire, comme c’est déjà le cas concernant l’intoxication au plomb, permettant d’inscrire automatiquement les patients dans un parcours de soins.

Le rapporteur prône la création d’un centre de référence de recherche sur les empoisonnements au mercure, qui coopèrerait avec le Suriname et le Brésil. Il préconise également l’accompagnement des populations pour ce qui est de leurs habitudes alimentaires, en leur déconseillant notamment la consommation de gros poissons carnassiers, qui concentrent des teneurs fortes en mercure.

Enfin, pour les personnes dont l'intoxication n'a pu être évitée, le rapport stipule la nécessité de créer davantage d'hôpitaux de proximité, ainsi que de la prise en charge à 100% par l'Assurance maladie.