Pierre Moscovici : "La France est sortie du 'quoi qu'il en coûte', mais pas du 'ça coûte très cher'"

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, à l'Assemblée nationale, jeudi 13 avril 2023
Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, à l'Assemblée nationale, jeudi 13 avril 2023
par Raphaël Marchal, le Jeudi 13 avril 2023 à 18:20, mis à jour le Vendredi 22 septembre 2023 à 14:18

Auditionné à l'Assemblée nationale, le premier président de la Cour des comptes a alerté sur une situation "anormale de dépendance à la dépense publique", jeudi 13 avril. Pierre Moscovici a appelé à la "vigilance", rappelant le poids que représente la charge de la dette pour l'État.

"Un déficit toujours élevé", "une progression continue de l'endettement", "une inflation forte", des "perspectives de croissance amoindries"... Auditionné ce jeudi 13 avril par les députés de la commission des finances, Pierre Moscovici a dressé un constat "inquiétant" devant les élus. Le premier président de la Cour des comptes s'est particulièrement ému de l'augmentation des dépenses publiques, malgré le "net reflux des dépenses sanitaires et de relance".

"La France est sortie du 'quoi qu'il en coûte', parce qu'il y a eu davantage de ciblage, mais elle n'est pas sortie du 'ça coûte très cher'", a-t-il résumé, s'inquiétant d'une "situation anormale de dépendance à la dépense". Les dépenses du budget général ont ainsi augmenté de 19 milliards d'euros en 2022, hors mesures d'urgence et de relance. Tout compris, l'augmentation est de 66,3 milliards d'euros.

Cette hausse de la "dépense ordinaire" de l’État se conjugue à l'augmentation "très marquée" de la charge de l'intérêt de la dette, un "point d'attention essentiel", selon le président du Haut Conseil des finances publiques. En 2022, elle a augmenté de 13,2 milliards d'euros pour atteindre 50,7 milliards d'euros (35 % d'augmentation en un an). Ce qui en fait le deuxième poste budgétaire de l’État. 

"Le désendettement maîtrisé de la France est un impératif catégorique", a insisté Pierre Moscovici, rappelant que le remboursement de la dette est "la dépense publique la plus stupide, la plus inutile et improductive qui soit." En volume, la dette a cru de 24 % en trois ans, passant de 1.823 milliards d'euros fin 2019 à 2.278 milliards fin 2022.

Des recettes fiscales record

Pourtant, l'année 2022 a été marquée par des recettes dynamiques, portées par des recettes fiscales record qui s'expliquent notamment par l'effet de l'inflation, qui entraîne mécaniquement une hausse des rentrées de la TVA.

Néanmoins, du fait de la hausse des dépenses, ce dynamisme n'a pas pas permis d'enrayer le déficit public, qui se maintient à un niveau très élevé en 2022, à hauteur de 151,4 milliards d'euros.

Le risque des lois de programmation

Par ailleurs, Pierre Moscovici a attiré l'attention des députés sur le risque que peuvent revêtir les lois de programmation sectorielles. Selon lui, ces textes, désormais au nombre de cinq, "rigidifient assez fortement la dépense". Ils représentent quelque 20 % de la dépense publique en 2023. "C'est une contrainte, il faut en être conscient."

"L'effort à faire de maîtrise de la dépense est transféré sur le reste, qui n'est pas programmé", a analysé l'ancien ministre de l’Économie et des Finances. "Le choix, c'est donc d'opérer un très fort coup de frein sur les autres dépenses, soit de ne pas respecter les dépenses programmées, ce qui n'est pas très correct, soit de laisser filer encore le déficit et la dette, ce qui n'est pas possible."

L'absence problématique de loi de programmation des finances publiques

Le premier président de la Cour des comptes est enfin revenu sur le rejet du projet de loi de programmation des finances publiques, en octobre dernier. Pierre Moscovici a appelé à l'adoption d'un nouveau texte. "Son absence ferait vraiment peser un risque juridique très sérieux sur la loi de règlement 2022", a-t-il indiqué.

"2022, ça passe, puisqu'on a encore une référence antérieure. 2023, je ne sais pas comment on fait. On n'a plus de points de repères", a-t-il insisté, avant de conclure en forme d'avertissement : "Je n'ose imaginer ce que j'aurai à vous dire, si je reviens dans un an dans une sorte de no man's land juridique.