PLFSS 2020 : le coût des mesures d’urgence "gilets jaunes" sera en partie supporté par le budget de la Sécurité sociale

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par Maxence Kagni, le Mercredi 23 octobre 2019 à 02:17, mis à jour le Lundi 9 mars 2020 à 14:43

Les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi l'article 3 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Celui-ci acte la non-compensation financière de l'Etat à la Sécurité sociale des mesures d'urgence économiques et sociales, dites "mesures gilets jaunes" décidées en décembre 2018 par Emmanuel Macron.

Le coût des mesures d'urgence "gilets jaunes" sera, finalement, bien supporté par le budget de la Sécurité sociale.

Dans la nuit de mardi à mercredi, les députés ont voté, dans une ambiance parfois houleuse, en faveur de l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (89 voix pour, 42 contre).

Loi Veil de 1994

En pleine crise des gilets jaunes, le gouvernement avait notamment décidé à la fin de l'année 2018 d'annuler la hausse de la CSG pour près de 4 millions de foyers de retraités. Il avait également choisi d'avancer au 1er janvier 2019 l'exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires.

Le coût de ces mesures, évalué à près de 3 milliards d'euros, pèse sur le budget de la sécurité sociale. Or, selon un principe instauré en 1994 par la loi Veil, l'Etat devrait "compenser" ces pertes en prenant en charge le coût des mesures sur son budget propre.

Mais le gouvernement ne souhaite pas le faire dans ce PLFSS 2020.

"Insincérité politique"

Très opposée à cette décision, l'opposition s'était coalisée en commission des affaires sociales et avait réussi à faire adopter un amendement supprimant cette non-compensation.

Déplorant l'heure à laquelle a eu lieu le débat sur l'article 3, elle a tenté mardi soir d'en faire de même. Sans succès toutefois (ses amendements ont été rejetés par 93 voix contre 51).

"Vous faites peser (...) sur le mouvement des gilets jaunes, le futur déficit de la sécurité sociale", a dénoncé la présidente du groupe "Socialistes et apparentés" Valérie Rabault, fustigeant au passage "l'insincérité politique" du gouvernement.

L'élu Les Républicains Jean-Pierre Door a affirmé quant à lui craindre "la disparition de la sécurité sociale comme nous l'avons connue" et dénoncé la remise en cause de "l'autonomie de la sécu comme elle a été construite en 1945".

"Vous prenez dans la poche des moins aisés pour distribuer des miettes dans les poches des autres", a ajouté Caroline Fiat (La France Insoumise).

Nous sommes en train de vendre notre sécurité sociale au diable.Caroline Fiat

"Vous faites payer aux gilets jaunes ce que vous leur avez donné il y a quelques mois", a pour sa part déploré Philippe Gosselin (Les Républicains).

Francis Vercamer (UDI, Agir et Indépendants), Charles de Courson (Libertés et Territoires), Sébastien Jumel (PCF) ou encore Boris Vallaud (Socialistes et apparentés) ont eux aussi critiqué l'article 3 du texte.

Pas de volonté de "fusionner" les budgets

"Quand bien même nous aurions retiré cette non-compensation (du projet de loi), il n'y aurait pas eu la [résorption] du trou de la sécurité sociale", leur a répondu le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, qui estime que l'article 3 du PLFSS "ne remet pas en cause le fonctionnement de la sécurité sociale".

Car si le déficit de la sécurité sociale devrait être de 5,4 milliards d'euros en 2019 et de 5,1 milliards en 2020, le coût des mesures "gilets jaunes" est de 3 milliards d'euros : une autre partie du "trou" est due à la "dégradation de la conjoncture économique", a expliqué le ministre.

Gérald Darmanin a par ailleurs nié toute volonté de "fusionner les textes financiers". Il a été rejoint sur ce point par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a affirmé qu'elle restera "vigilante" à ce que les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale demeurent "séparés".

"Pompier pyromane"

Les débats de la nuit ont été marqués par l'échange musclé entre cette dernière et le député socialiste Boris Vallaud : l'élu des Landes a, aussi bien en commission qu'en séance publique, dénoncé les nouvelles économies que devront réaliser les hôpitaux publics.

Agnès Buzyn, lui a répondu, niant tout "lien" entre "la situation de l'hôpital" et la non-compensation prévue par l'article 3 du texte : "Il y a un lien entre les politiques qui ont été menées depuis 20 ans et la situation de l'hôpital public", a lancé la ministre, renvoyant Boris Vallaud à son passé de conseiller de François Hollande. Avant de le qualifier de "pompier pyromane".