Premier feu vert pour introduire la préservation de l'environnement à l'article 1er de la Constitution

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par Soizic BONVARLETJason Wiels, le Mardi 16 février 2021 à 18:47, mis à jour le Vendredi 16 juillet 2021 à 14:37

Les commissions du développement durable et des lois ont examiné le projet de loi constitutionnelle destiné à compléter l’article 1er de la Constitution. Les députés se sont prononcés en faveur de l'inscription de "la préservation de l’environnement et de la diversité biologique" et de la "lutte contre le dérèglement climatique", parmi les grands principes de la République. 

C’était l’une des propositions majeures de la Convention citoyenne pour le climat à l’issue de ses travaux, engagés en octobre 2019 : inscrire le principe de la sauvegarde de l'environnement à l’article 1er de la Constitution, aux côtés des valeurs liées à la démocratie et à la laïcité, ou encore à l’égalité de tous devant la loi. Déjà en 1999, sur un tout autre sujet, une loi constitutionnelle avait inscrit dans cet article le principe de favoriser "l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives".

Emmanuel Macron s’était engagé le 29 juin dernier à ce que l’inscription du principe de sauvegarde environnementale dans la Constitution soit soumise aux parlementaires et, si le projet de loi est adopté dans des termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, devant les Français par voie référendaire.

Des débats juridiques et sémantiques

L’examen du texte a démarré lundi 15 février, par l’audition du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, puis les députés ont poursuivi leurs débats mardi en se penchant sur les 38 amendements déposés en commission du développement durable. Parmi eux, celui de Delphine Batho (non inscrite) a proposé d’aller plus loin dans l’inscription de l’écologie parmi les valeurs fondamentales de notre pays en mentionnant dans la Constitution le fait que la France soit une République "écologique" en sus d’être "indivisible, laïque, démocratique et sociale". L’amendement n’a pas été adopté.

Nous vous proposons d’imposer une obligation constitutionnelle à la charge des pouvoirs publics. C’est ce que signifie l’emploi des termes ‘garantir’ et ‘lutter’, que nous introduisons à l’article 1er de la Constitution. Éric Dupond-Moretti

Un autre amendement, rejeté également et porté par Emmanuel Maquet (Les Républicains), a proposé de remplacer le terme "garantir" par celui de "préserver". Le député a motivé sa requête par l’avis du Conseil d’État sur le texte, qui avait lui-même émis des réserves sur ce terme, au motif qu’il risquait de faire peser une obligation de résultat trop lourde pour l’État.

Une forme de contrainte assumée par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, qui, lors de son audition, a souhaité apporter un éclaircissement sémantique. "Nous vous proposons d’imposer une obligation constitutionnelle à la charge des pouvoirs publics. C’est ce que signifie l’emploi des termes ‘garantir’ et ‘lutter’, que nous introduisons à l’article 1er de la Constitution", a déclaré le ministre de la Justice, avant d’ironiser : "D’habitude je me promène avec un code de procédure pénale, je me promènerai au banc avec un dictionnaire. Et je rappellerai à ceux qui l’ont oublié, ou qui feignent de ne plus le savoir, que ‘garantir’ c’est assurer, sous sa responsabilité, l’exécution de quelque chose dans des conditions parfaitement définies. C’est le mot juste. Cela ne doit pas susciter je ne sais quel fantasme, ou je ne sais quelle peur".

Une manière de répondre à ceux pour qui l’ambition pourrait paraître démesurée, mais aussi à l’argument d’une redondance des termes avec ce qui est déjà inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004, ajoutée au préambule de la Constitution, qui stipule un objectif vers lequel tendre, et non une obligation de résultat. Le rapporteur du texte pour la commission du développement durable, Christophe Arend (La République en marche), a quant à lui considéré que la formulation proposée par le projet de loi assurait avant tout "une obligation de moyens renforcés" dans la défense de l’environnement et de la diversité biologique.

"Le référendum n’aura pas lieu", selon plusieurs députés

Les députés sont en outre revenus sur le calendrier du référendum. "C’est un mensonge que de faire croire qu’il peut y avoir un référendum avant la fin du quinquennat", a ainsi déclaré Matthieu Orphelin (non inscrit), évoquant Pieyre-Alexandre Anglade (La République en marche), rapporteur pour la commission des lois, qui avait déclaré qu'il pourrait avoir lieu en septembre. "L’automne n’est pas la bonne saison pour faire un scrutin national", a poursuivi le député de Maine-et-Loire, "la conduite d’une campagne électorale pendant les mois d’été n’a aucun sens".

Le rapporteur Arend a concédé que "comme nous sommes dans une réforme constitutionnelle, elle n’ira au référendum que si l’Assemblée nationale et le Sénat tombent d’accord sur la même formulation, et le nombre de navettes n’est pas limité". Et Matthieu Orphelin de conclure : "Je comprends de ce que vous dites, que vous ne pouvez pas répondre à la question de savoir si le référendum aura lieu à l’automne (…) Donc il n’y aura pas de référendum".

Loïc Prud’homme (La France insoumise) a abondé dans le même sens, considérant que lui et ses collègues parlementaires étaient invités à "faire de l’occupationnel" et à "perdre du temps pour une opération de communication gouvernementale".

Aux lois, le texte ne bouge pas

Saisie au fond, la commission des lois a examiné à son tour le texte mercredi matin. Aucun des 77 amendements n'a été adopté. "C'est notre choix que l'intention du président de la République soit respectée", a justifié Pacôme Rupin (LaREM) devant l'absence de toute évolution de la réforme.

Le groupe Les Républicains a tenté de supprimer la mention du verbe "garantir", craignant une "explosion des contentieux" selon Julien Aubert (LR) voire un "risque de blocage de la France, qui serait le premier pays au monde à s'autoparalyser", selon Philippe Gosselin (LR). "Maintenant, la parole est aux actes : il y a véritablement une rupture entre avant et demain", a assumé Éric Dupond-Moretti sur le choix de ce verbe. Le débat en séance débutera le mardi 9 mars.