Les annonces d'Emmanuel Macron, qui veut introduire plus de différenciation dans l'Education nationale, pourraient remettre l'éducation au centre de la campagne présidentielle.
Emmanuel Macron l'a annoncé devant la presse : il veut désormais "adapter les solutions aux réalités de terrain". S'il est réélu, le chef de l'Etat promet de "changer de méthode" en donnant "plus de libertés aux équipes pédagogiques". Les établissements pourront "expérimenter d'autres organisations, avec une continuité éducative différente, des nouvelles démarches pédagogiques et renforcer le soutien scolaire avec des moyens nouveaux"... Le président de la République sortant, qui s'appuie sur l'expérimentation lancée à Marseille, souhaite aussi donner aux chefs d'établissements la possibilité de "récuser parfois des profils et participer à la décision" lors de la constitution des équipes pédagogiques. "On garde au niveau national nos objectifs, les évaluations demeurent nationales, les programmes sont nationaux, mais on doit assumer plus de liberté", a-t-il résumé. Emmanuel Macron a également promis devant la presse davantage de "transparence" en rendant publiques les "résultats de toutes les évaluations" des élèves par classe et par établissement.
Valérie Pécresse est dans la même logique : la candidate des Républicains souhaite offrir "plus de liberté aux écoles, collèges et lycées pour innover et mener à bien leurs projets pédagogiques". La présidente de la région Île-de-France veut également créer un "nouveau type d'école publique innovante" qui serait "100% autonome et gratuite, notamment dans les quartiers populaires et les territoires ruraux". Dans ces écoles, le chef d'établissement aurait notamment une "liberté totale de recrutement de ses équipes" mais ne "pourra pas sélectionner ses élèves". A l'inverse de ces logiques, Jean-Luc Mélenchon entend "associer aux décisions des établissements les personnels, les parents et les élèves".
Alors que le gouvernement a annoncé un dégel du point d'indice de la fonction publique "avant l'été", Emmanuel Macron propose un "pacte nouveau pour les enseignants" dans lequel il annonce vouloir "poursuivre de manière significative l'augmentation des rémunérations". A une condition : que les professeurs acceptent de "nouvelles missions, par exemple le remplacement des professeurs absents" ou un "suivi plus individualisé des élèves, notamment pour l'aide aux devoirs".
Les candidats de gauche proposent tous, pour leur part, une hausse des salaires, sans condition. C'est le cas d'Anne Hidalgo qui, après avoir voulu "multiplier par deux au moins" leur rémunération sur un quinquennat, propose désormais de la porter "au niveau de celle des cadres, en commençant par les débuts de carrière". C'est également le cas de Yannick Jadot, qui souhaite une hausse de 20% sur le quinquennat, et de Fabien Roussel, qui propose "+30%" et un "dégel" du point d'indice. Jean-Luc Mélenchon veut, lui aussi, "rattraper le gel du point d'indice" et envisage de "revaloriser les grilles salariales en engageant une négociation avec les organisations syndicales". Les candidats de gauche souhaitent également embaucher plus de professeurs : Jean-Luc Mélenchon propose un plan pluriannuel de recrutement, Nathalie Arthaud aimerait "embaucher massivement", tout comme Yannick Jadot (+65.000 enseignants) et Fabien Roussel (+90.000). De l'autre côté de l'échiquier politique, Marine Le Pen veut "revaloriser les salaires des enseignants, du primaire au lycée, de 3% par an pendant cinq ans". Quant à Jean Lassalle, il entend "revaloriser le salaire et le statut des enseignants".
D'autres candidats sont davantage dans une logique de donnant-donnant. Valérie Pécresse souhaite recruter 10.000 "personnels" (enseignants et surveillants) sur une période de cinq ans et revaloriser les salaires des enseignants en début de carrière. Les autres professeurs, s'ils veulent une augmentation, devront "accepter des missions supplémentaires ou enseigner dans des établissements difficiles". Nicolas Dupont-Aignan propose, quant à lui, une hausse de 20% pour tous les professeurs et une autre de 20% "en contrepartie d'heures de soutien scolaire auprès des élèves en difficulté". Eric Zemmour souhaite, de son côté, "recruter et former de manière plus exigeante les professeurs, multiplier les primes et accélérer la progression des carrières au mérite".
"Je n'exclus pas de réduire la durée des vacances (...) et de revoir, par conséquent, les obligations de service des enseignants", a quant à lui expliqué Yannick Jadot dans un entretien à La Croix. Fabien Roussel, lui aussi, veut augmenter le temps scolaire, mais "sans augmenter le temps de travail des enseignants". Dans une lettre adressée à la Société des agrégés, Nathalie Arthaud explique, quant à elle, qu'elle ne veut pas, en tant que candidate, mener "une réflexion sur les missions des enseignants, les conditions de la réussite au lycée dans certaines matières (...) sans exiger, au préalable, que l'État consacre à l'enseignement les sommes nécessaires".
A droite, tous les candidats se mettent dans les pas d'Emmanuel Macron et de sa volonté de se concentrer sur la transmission des "savoirs fondamentaux" à l'école, c'est-à-dire "lire, écrire, compter et respecter autrui". C'est le cas d'Eric Zemmour, de Nicolas Dupont-Aignan, de Jean Lassalle, mais aussi de Valérie Pécresse, qui veut donner deux heures de français et une heure de mathématiques supplémentaires par semaine à l'école primaire. Marine Le Pen souhaite aussi augmenter "significativement" le nombre d'heures de cours en primaire et donner la "priorité absolue" au français, aux mathématiques et à l'histoire de France.
Avec une philosophie différente, Yannick Jadot envisage de "consacrer plus de temps aux savoirs pratiques", comme la réparation, la cuisine, le jardinage, la construction, "avec un minimum de deux heures par semaine". Jean-Luc Mélenchon, lui aussi, souhaite "intégrer l'enjeu écologique dans les programmes de la maternelle au lycée et introduire de nouveaux enseignements pratiques". Fabien Roussel propose, pour sa part, de donner la même place à la culture, à l'art et au sport que celle dévolue à l'enseignement littéraire et aux sciences.
Plusieurs candidats souhaitent élargir la logique du dédoublement des classes, initiée pendant le quinquennat d'Emmanuel Macron. Marine Le Pen veut un "dédoublement programmé des classes de grande section et de cours préparatoire", alors que Valérie Pécresse veut instaurer des classes avec "deux enseignants présents là où les besoins l'exigent". Marine Le Pen propose aussi de plafonner à 20 le nombre d'élèves par classe, une proposition assez proche de celle de Fabien Roussel (15 en petite section, 20 en maternelle et primaire, 25 dans le secondaire). Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud et Jean Lassalle proposent aussi une réduction du nombre d'élèves par classe en priorisant les réseaux d'éducation prioritaire.
Deux candidats prônent explicitement la fin du collège unique : il s'agit de Marine Le Pen, qui le qualifie de "machine à échec", et d'Eric Zemmour, qui souhaite créer au collège des classes de niveaux et veut "rétablir le certificat d'études à la fin du primaire". Valérie Pécresse entend aussi instaurer un examen avant l'entrée au collège afin de créer des "6e de consolidation" pour les élèves en difficulté. Marine Le Pen, elle, entend faire du brevet un "examen d'orientation post 3e".
La réforme du lycée et du baccalauréat, menée sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, fait presque l'unanimité contre elle : Marine Le Pen, Fabien Roussel, Philippe Poutou, Jean Lassalle, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour proposent de la supprimer afin de redonner au bac son "statut d'examen terminal national". Trois candidats proposent d'amender la réforme : il s'agit de Valérie Pécresse et d'Emmanuel Macron lui-même, qui souhaitent ajouter les mathématiques au tronc commun, tout comme Yannick Jadot, qui propose, en plus des maths, les sciences de la vie et de la terre.
Une autre réforme du quinquennat d'Emmanuel Macron est dans le viseur des candidats : Parcoursup, la plateforme d'inscription dans l'enseignement supérieur, est décriée pour son opacité. Fabien Roussel et Anne Hidalgo promettent sa suppression, tandis que Jean-Luc Mélenchon promet son "démantèlement" et "l'accès sans sélection" des étudiants à la formation de leur choix. Philippe Poutou, lui aussi, refuse toute sélection à l'entrée à l'université. Yannick Jadot souhaite remplacer Parcoursup par un nouveau système composé d'algorithmes "mais avec plus de transparence, une hiérarchisation des vœux par les candidats" qui recevront "une réponse positive sur au moins un de [leurs] choix". Valérie Pécresse et Nicolas Dupont-Aignan, eux, souhaitent plutôt réformer ce système.
Lors de son allocution, Emmanuel Macron a également promis de "mener une réforme du lycée professionnel pour en faire une voie d'excellence en répétant le succès de l'apprentissage" et en ouvrant les filières "davantage sur l'entreprise". Dans la même veine, Valérie Pécresse envisage de "confier aux régions tout l'enseignement professionnel pour rapprocher [les filières] des besoins des entreprises". De son côté, Yannick Jadot souhaite créer des filières professionnelles "pour tous les métiers et toutes les branches" alors que Fabien Roussel veut créer des CAP pour "toutes les filières". Jean-Luc Mélenchon propose, lui, d'"augmenter le nombre de classes et de lycées professionnels" et de "structurer les filières professionnelles qui répondent aux besoins en main d’œuvre de la bifurcation écologique".
Concernant l'enseignement supérieur, Emmanuel Macron souhaite "renforcer l'autonomie des universités". Valérie Pécresse, qui avait porté, en tant que ministre de Nicolas Sarkozy, une réforme sur l'autonomie des universités, veut elle aussi continuer ce mouvement. A l'inverse, Jean-Luc Mélenchon souhaite abroger les lois relative aux libertés et responsabilité des universités et relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Quant à Eric Zemmour, il veut notamment sélectionner les étudiants étrangers au mérite et augmenter "sensiblement" leurs droits d'inscription.
Sur un plan plus social, plusieurs candidats proposent une refonte de la carte scolaire : c'est le cas de Yannick Jadot et de Jean-Luc Mélenchon, qui veut "mettre fin à la ségrégation scolaire". Le député La France insoumise des Bouches-du-Rhône désire également offrir une "garantie d'autonomie au dessus du seuil de pauvreté" à chaque étudiant détaché du foyer fiscal de ses parents. Anne Hidalgo propose de son côté un "plan mixité" dans chaque département pour "mettre fin aux collèges-ghettos", tandis que Valérie Pécresse souhaite ouvrir jusqu'à 20 heures des "externats d'excellence" en zone prioritaire. Marine Le Pen, elle, propose des "programmes de renforcement en français et en histoire dans les réseaux d'éducation prioritaire".
Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon propose d'"abolir les privilèges" des écoles privées, tandis que Yannick Jadot veut les encourager à davantage de mixité sociale avec un système de bonus-malus financier. A l'inverse, Eric Zemmour veut "garantir à l'école privée la liberté dans les programmes comme dans les méthodes". A droite, de Valérie Pécresse à Eric Zemmour, en passant par Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen, une proposition fait consensus : suspendre les allocations des parents d'élèves perturbateurs ou absentéistes. Enfin, deux candidats sont favorables à l'instauration de l'uniforme en primaire et au collège : Marine Le Pen qui veut le rendre obligatoire et Nicolas Dupont-Aignan qui veut donner la possibilité de l'instaurer dans les établissements. Eric Zemmour, lui, se prononce pour le port de la blouse en primaire.