Éducation : une politique volontariste, mais un bilan contesté

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Salle de classe école élémentaire
par Maxence KagniSoizic BONVARLET, le Jeudi 10 mars 2022 à 12:50, mis à jour le Vendredi 11 mars 2022 à 11:20

Les lois relatives à l'éducation ont souvent été vantées par la majorité comme constituant l'un des marqueurs de progrès social du mandat d'Emmanuel Macron. Et ce malgré les critiques venues du monde enseignant qui ont jalonné le quinquennat. Du dédoublement des classes de CP et CE1 à Parcoursup, revue de détail des lois qui ont marqué la législature. 

Il s'agit, sans conteste, de la mesure la plus valorisée par Jean-Michel Blanquer : à la rentrée 2017, le gouvernement a entamé le dédoublement des classes de CP et CE1 en zones d'éducation prioritaire (REP et REP+). La disposition a été financée dans les différents projets de loi de finances et est désormais progressivement étendue aux classes de grande section de maternelle. "C'est la mesure la plus sociale que vous puissiez imaginer", a affirmé en septembre 2021 le ministre de l'Education nationale, qui défendait son bilan lors de la séance des questions au gouvernement. Selon lui, "le niveau des élèves s'améliore et c'est dans les milieux les plus défavorisés que cela arrive".

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Autre modification emblématique : la réforme du lycée et du baccalauréat, qui a mis fin aux filières L, ES et S. Désormais, les élèves doivent choisir en classe de première trois enseignements de spécialité, et deux parmi ces trois en terminale. Des changements qui ont eu pour effet de provoquer une chute de l'enseignement des mathématiques, qui peut être abandonné par les lycéens dès la fin de la seconde. Un aspect de la réforme sur lequel Jean-Michel Blanquer et Emmanuel Macron ont annoncé leur intention de revenir en réintégrant cette matière au tronc commun de la première et de la terminale. 

L’accès à l’enseignement supérieur a également été l’un des tout premiers chantiers lancés sous la présidence d’Emmanuel Macron. Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), porté par la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a été définitivement adopté le 15 février 2018. La loi a instauré un nouveau dispositif, Parcoursup, pour les demandes d’inscription dans les formations d'enseignement supérieur, se substituant ainsi à la plateforme Admission Post-Bac (APB).

Les formations, historiquement ouvertes à tous (principalement à l’université), peuvent désormais opérer un classement entre les candidats, en fonction de leurs capacités d’accueil. Des modalités nouvelles de sélection qui ont concentré la plupart des critiques contre Parcoursup, outre des bugs répétés et un problème de lisibilité du système. La ministre, elle, a toujours défendu sa réforme, en ce qu'elle aurait réintroduit les notions de "mérite" et d'égalité dans l'accès aux cursus.

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Lire, écrire compter

En 2019, l'Assemblée nationale a définitivement adopté la loi "pour une école de la confiance", qui abaisse l'âge de l'instruction obligatoire de six à trois ans. Cette loi a fixé les grandes orientations voulues par Jean-Michel Blanquer, donnant notamment à l'école primaire l'objectif de "transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves : lire, écrire, compter et respecter autrui". Elle rend également obligatoire la formation pour les jeunes jusqu'à 18 ans. Le texte a par ailleurs modifié la formation des professeurs, et transformé les conditions d'embauche des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) : ceux-ci doivent désormais être recrutés "par contrat de trois ans, renouvelable une fois", puis en CDI.

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D'autres textes, pas spécifiquement axés sur l'école, comportent des dispositions relatives à l'éducation. C'est le cas de la contestée loi Avia "visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet", promulguée en 2020. Ce texte prévoit que les élèves devront désormais être formés à la "lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne", être sensibilisés à "l'interdiction du harcèlement commis dans l'espace numérique" mais aussi "au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux".

En 2021, les députés ont adopté la proposition de loi "relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion" du député "Libertés et Territoires" Paul Molac. Ce texte contraint notamment la commune de résidence d'un élève à contribuer à ses frais de scolarité s'il suit un enseignement en langue régionale dans une école privée sous contrat, si cette commune ne propose pas elle-même un tel enseignement.

Une mesure et un texte soutenus par la plupart des députés "La République en marche" mais contestés par un nombre non négligeable d'élus de la majorité. Résultat, le texte a été adopté définitivement avec le soutien de 137 députés LaREM-MoDem-Agir, mais il a fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel par 61 parlementaires issus de ces mêmes groupes. Les Sages ont maintenu la disposition. Ils ont, en revanche, supprimé l'article sur l'enseignement "immersif" en langue régionale : cette méthode, qui consiste à utiliser la langue en question comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement, a été jugé inconstitutionnelle.

Quelques mois plus tard, les députés ont davantage encadré l'instruction à domicile lors de l'adoption du projet de loi "confortant le respect des principes de la République". L'instruction en famille, qui était auparavant régie par un système de déclaration, sera soumise à la rentrée 2022 à un régime d'autorisation, au grand dam de la droite parlementaire. Les familles qui recourent déjà à l'instruction en famille bénéficieront d'une autorisation quasi automatique jusqu'en 2024.

Harcèlement

En dehors du champ scolaire, mais concernant les enfants, l'interdiction de la fessée, portée par une proposition de loi de Maud Petit (MoDem), a été adoptée en juillet 2019. Autre texte visant à protéger les jeunes : la proposition de loi issue du Sénat qui interdit la vente et l'offre de protoxyde d’azote aux mineurs, adoptée définitivement par les deux Chambres le 25 mai 2021. Une proposition de loi à l'initiative du président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée, Bruno Studer, (La République en marche), adoptée en octobre 2020, a permis par ailleurs d'encadrer le travail des "enfants influenceurs" sur les plateformes.

A la fin de la législature, les députés se sont penchés sur la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire, portée par Erwan Balanant (MoDem). Votée à l’unanimité des députés le 1er décembre 2021, elle prévoit la création d'un nouveau délit dans le Code pénal : celui-ci punit jusqu'à dix ans de prison et 150.000 euros d'amende les actes considérés comme du harcèlement scolaire lorsque ces agissements ont conduit la victime à mettre fin à ses jours ou à tenter de le faire. En cas d’incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, la sanction s’élèverait à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Mais le Sénat préfère faire du harcèlement scolaire une circonstance aggravante du délit de harcèlement, déjà présent dans le droit : députés et sénateurs n'ont pas trouvé de terrain d'entente lors de la commission mixte paritaire réunie le 1er février 2022, ce qui empêche, pour l'instant, l'adoption définitive du texte.