Pendant près de trois heures, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont confronté leurs projets durant le débat de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle. Pouvoir d'achat, environnement, Europe... LCP revient sur les principaux sujets abordés lors de ce face à face.
Quatre jours avant de connaître le nom du locataire de l'Élysée pour le prochain quinquennat, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont affrontés au cours du débat de l'entre-deux-tours, ce mercredi 21 avril. Pouvoir d'achat, environnement, invasion de l'Ukraine, Europe, ou encore voile islamique : pendant près de trois heures, le Président-candidat La République en marche et la candidate du Rassemblement national ont opposé leur vision de la France pour les cinq années à venir.
Le débat a commencé sur le sujet attendu du niveau de vie des Français, alors que l'inflation refait surface à haut niveau. Marine Le Pen a dit d'emblée vouloir en faire sa priorité à travers "trois leviers : baisser les dépenses contraintes, soutenir la valeur travail, aider les personnes vulnérables". En plus de vouloir augmenter les salaires par des "baisses de charges", la prétendante à la magistrature suprême veut "conserver le blocage" des prix de l'énergie, mais aussi baisser la TVA sur les produits énergétiques et "revenir à des prix régulés" en sortant du marché européen de l'énergie.
Baisse de la TVA sur les prix de l'énergie : @MLP_officiel défend sa position. "Je conserve le blocage [des prix] et je vais revenir à des prix régulés, ces mesures vont s'accumuler. Ce sera 590 € par an de gagnés pour une cuve de fioul." #Presidentielle2022 #2022LeDébat pic.twitter.com/0CFppxFlw7
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Pour Emmanuel Macron, le "bouclier tarifaire" instauré temporairement pour freiner la hausse des prix de l'énergie est une mesure "deux fois plus efficace qu'une baisse de la TVA". Le Président sortant a aussi mis en avant la hausse de la prime sans charge ni impôt, portée jusqu'à 6000 euros dans les entreprises ayant mis en place un accord de participation et jusqu'à 3000 euros pour les autres entreprises. "Dans la vraie vie quand vous allez chercher un prêt, on vous demande votre salaire", a critiqué son opposante.
pour répondre à ce qu'il a reconnu être "la colère, les caddies qu'on n'arrive plus à remplir, les fins de mois difficiles", Emmanuel Macron a mis l'accent sur son chèque alimentaire, censé aider les plus modestes à acheter des produits locaux et de qualité. Marine Le Pen préfère là encore miser sur une baisse de la TVA à 0% pour "un panier de produits de première nécessité".
Les deux candidats se sont aussi rendus coup pour coup sur la gestion des conséquences économiques de la pandémie. Marine Le Pen a insisté sur le bond de la dette française sous le quinquennat, ironisant sur les performances du "Mozart de la finance", en référence au passé d'ancien banquier d'affaires de son opposant.
- "Vous êtes le Président qui a créé 600 milliards d'euros de dette supplémentaire en 5 ans", accuse @MLP_officiel.- "Qu'est ce que vous auriez fait pendant la crise covid ?", répond @EmmanuelMacron.#Debatmacronlepen #2022LeDébat pic.twitter.com/z3BNKW58D4
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Une addition de 600 milliards d'euros qu'Emmanuel Macron "assume totalement" au nom du "quoi qu'il en coûte" destiné à soutenir l'économie, rappelant par ailleurs que le chômage a baissé dans le même temps :
"La dette Covid, c'est 600 milliards d'euros, je l'assume totalement", martèle @EmmanuelMacron. >> "On a eu une récession trois fois plus lourde que pendant la crise financière (...) C'est pas Gérard Majax ce soir Madame Le Pen". #Debatmacronlepen #2022LeDébat pic.twitter.com/uHojxJTdZX
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Le débat a été l'occasion de revenir sur l'avenir du régime des retraites, Emmanuel Macron compte repousser l'âge de départ légal jusqu'à 65 ans, alors que Marine Le Pen propose d'aménager des départs anticipés dès 62 ans pour les travailleurs ayant débuté jeunes. Chacun s'en est tenu aux mesures déjà dévoilées avant le premier tour de l'élection présidentielle.
Pour le président de la République, la seule "manière de financer" le maintien des pensions des retraités à l'avenir est de "travailler progressivement plus". "La retraite à 65 ans est une injustice insupportable, a tenté de contrecarrer sa rivale. Avec elle, [les Français] partiront à la retraite entre 60 et 62 ans pour avoir une retraite pleine."
Particulièrement attendue sur le sujet du voile islamique, après avoir esquissé un semblant d'infléchissement de sa position au cours de la campagne présidentielle, Marine Le Pen a finalement réitéré sa forte opposition au port de cet attribut dans l'espace public. "Le voile est un uniforme imposé par les islamistes", a asséné la candidate Rassemblement national, désireuse de libérer les femmes du joug de ceux qu'elle identifie comme leurs oppresseurs.
Emmanuel Macron s'est farouchement opposé à cette mesure, y voyant une "trahison de ce qu'est l'esprit français et la République" en matière de laïcité. Surtout, le président de la République a accusé son adversaire de confondre l'islamisme radical et l'islam en s'attaquant au foulard. Mettant en garde son opposante, il a assuré que la mise en place d'une telle interdiction conduirait à "la guerre civile".
"En aucun cas je ne mène de combat contre les musulmans", a précisé Marine Le Pen par la suite, estimant qu'ils étaient eux-mêmes victimes des islamistes. Fustigeant l'inefficacité de la loi "confortant le respect des principes de la République", elle a au contraire mis en avant son projet de fermeture de 570 mosquées radicales. "L'islamisme, je l'ai combattu comme aucun président avant moi", a rétorqué le président-candidat, à même de défendre son bilan et les fermetures d'associations cultuelles suspectées de séparatisme.
Sans surprise, les deux finalistes de l'élection présidentielle ont partagé deux visions très opposées de l'Union européenne. Signe de l'importance accordée au sujet, Emmanuel Macron y a consacré une partie de sa conclusion, voyant dans cette élection un "référendum pour ou contre l'Union européenne". Plus tôt, le candidat avait accusé Marine Le Pen de tenir un agenda caché, affirmant qu'elle souhaitait toujours sortir de l'union sans l'affirmer au grand jour, et que son programme mènerait fatalement à un "Frexit".
En réponse, Marine Le Pen a nié l'existence d'une "souveraineté européenne", en réaffirmant son souhait de piocher parmi les éléments les plus favorables de l'UE en faveur de la France. "L'Europe, ce n'est pas tout ou rien", a-t-elle argué, démentant une quelconque sortie sèche de l'espace européen. Au contraire, elle a plaidé pour une modification en profondeur des règles européennes, notamment concernant le libre échange ou le régime des travailleurs détachés.
La divergence des candidats les a poussé à un échange vif, Marine Le Pen fustigeant le tropisme européen de Macron et sa vision de "rabougrir la France". "Vous êtes nationaliste, c'est vous qui êtes plutôt sur le rabougrissement des frontières nationales", a répondu du tac au tac le président sortant.
Mise en cause par ses adversaires pour sa proximité avec la Russie de Vladimir Poutine, Marine Le Pen a affirmé clairement son soutien au peuple ukrainien, vantant les sanctions prises à l'encontre des oligarques et du régime à la suite de l'invasion de l'Ukraine, allant même jusqu'à saluer le bilan du Président sortant dans ce dossier. Comme son opposant, elle a appelé à la poursuite des livraisons de nourriture et d'armes au peuple ukrainien. Elle a toutefois alerté contre l'impact qu'aurait l'interdiction des importations de pétrole et de gaz, envisagé par l'Union européenne : "On ne peut pas se faire hara-kiri."
Cette posture n'a pas empêché Emmanuel Macron de l'attaquer sur son indépendance. "Vous dépendez du pouvoir russe. [...] Vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie", a-t-il lancé. En retour, la candidate Rassemblement national a assuré de sa totale liberté, assurant que le prêt contracté avec une banque russe en 2015 avait été rendu nécessaire par la frilosité des établissements français. "Nous sommes un parti pauvre, ce n'est pas déshonorant", a-t-elle complété.
Le débat a aussi eu lieu entre les deux finalistes sur les questions écologiques, qui se sont résumées pour l'essentiel au modèle énergétique français. Le différend a moins porté sur le fond, l'un comme l'autre souhaitant poursuivre dans le développement du nucléaire, que sur leur posture réciproque. Pour Emmanuel Macron, qui a été le premier à frapper, Marine Le Pen est d'abord et avant tout une "climatosceptique" :
Environnement : "Vous êtes climatosceptique", accuse @EmmanuelMacron. Il fustige le programme "sans queue ni tête" de @MLP_officiel : "Vous avez proposé une baisse pérenne de la TVA sur les hydrocarbures, énergies fossiles très polluantes."#Debatmacronlepen #2022LeDébat pic.twitter.com/lgJaUskk32
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Une critique que récuse l'accusée, qui a répliqué sur le manque d'ambition environnemental prêté au Président sortant, repeint en "climatohypocrite" :
"Je ne suis absolument pas climatosceptique, mais vous, vous êtes un peu climatohypocrite", répond @MLP_officiel, avant d'accuser @EmmanuelMacron d'incarner "le pire de l'écologie punitive". #Debatmacronlepen #2022LeDébat pic.twitter.com/BApGqTIrYW
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Emmanuel Macron a tenté de faire valoir sa différence sur le développement des énergies renouvelables, qui n'est pas la priorité de Marine Le Pen. Il a accusé sa concurrente de vouloir "démanteler les éoliennes", préférant lui "dépenser autrement l'argent des Français". La candidate du Rassemblement national a, quant à elle, rappelé que la hausse de la taxe carbone avait précipité le mouvement des Gilets jaunes, et a estimé que "la hausse de la trajectoire pouvait reprendre" sous une nouvelle présidence Macron.