Auditionné lundi matin par les députés, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a affirmé sa volonté de "combattre l'extrémisme" et de lutter contre les "pratiques coutumières dégradantes". Il a également proposé de permettre aux fidèles d'acheter ensemble des immeubles dans le but de les louer et de financer ainsi le fonctionnement de leur mosquée.
Mohammed Moussaoui enjoint les députés à ne pas "se laisser entraîner dans le piège de l'amalgame". Le président du Conseil français du culte musulman était auditionné lundi par la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi "confortant le respect des principes de la République".
"Le combat contre l'extrémisme se réclamant de l'Islam est aussi notre combat", a d'emblée souligné Mohammed Moussaoui.
De nombreux jeunes ont pu être sauvés des griffes de l'extrémisme grâce aux efforts des imams de France. Mohammed Moussaoui, le 11 janvier 2021
Mais le "séparatisme" n'a pas qu'une seule dimension, a affirmé le président du CFCM : "Le tueur de Christchurch, qui a assassiné des dizaines de fidèles dans deux mosquées, avait déclaré être inspiré par des promoteurs français de la théorie du grand remplacement."
L'universitaire redoute que le débat à venir sur ce projet de loi n'entretienne une "confusion entre Islam et extrémisme". Mohammed Moussaoui évoque ainsi la "recrudescence des actes anti-musulmans" observée en 2004 lors de l'examen de la loi "encadrant le port de signes manifestant une appartenance religieuse, dans les écoles, collèges et lycées publics".
Le président du CFCM n'estime d'ailleurs pas "judicieux" d'utiliser le mot "islamisme" pour désigner l'ennemi à combattre. "Jusqu'aux années 1970, ce terme était synonyme d'Islam", a-t-il expliqué. "De nombreux malentendus" avec le monde arabo-musulman découlent de "ce décalage dans le langage" : il propose donc d'accoler systématiquement les termes "radical" ou "extrémiste" au mot "islamisme".
Malgré ces réserves sémantiques, Mohammed Moussaoui a listé plusieurs mesures qui vont, selon lui, dans le bon sens : notamment la consécration du principe de neutralité dans les services publics et la protection des agents du service public. Le président du CFCM est également favorable à la lutte contre les "ingérences étrangères" et au contrôle des financements venant de l'étranger : mais certaines de ces dispositions devront être "proportionnées au but recherché", estime-t-il.
Mohammed Moussaoui se félicite aussi de la mise en cause par le projet de loi des "pratiques coutumières dégradantes" comme "les mariages forcés, l'excision, les certificats de virginité" : il s'agit de "pratiques prétendument musulmanes qui portent atteinte à la dignité de la femme".
Elles sont prohibées par l'Islam car en totale contradiction avec ses principes et ses valeurs. Mohammed Moussaoui
Le président du CFCM soutient également les mesures "essentielles" qui visent à lutter contre la haine en ligne, ainsi que celles relatives à l'instruction à domicile. Ces dernières sont jugées "nécessaires pour lutter contre des formes d'endoctrinement dont sont victimes les enfants". Et il juge "utiles" les "mesures de protection des associations contre les entrismes et les putschs dont elles peuvent être victimes".
Le projet de loi prévoit par ailleurs que les associations cultuelles pourront à l'avenir "posséder des immeubles acquis à titre gratuit qui ne sont pas directement nécessaires à leur objet, afin de pouvoir en tirer des revenus". Ceux-ci serviront "à financer des activités" liées au culte.
Une possibilité insuffisante, selon Mohammed Moussaoui : "Les anciennes générations des musulmans ont en général des revenus modestes et n'ont pas constitué un patrimoine immobilier à léguer aux associations." Le président du CFCM propose donc de "permettre aux fidèles de cotiser ensemble afin d'[acheter des immeubles] qu'ils vont louer". "La rente de cette location permettrait de payer le salaire de l'imam, etc.", a-t-il expliqué, avant d'ajouter que le dispositif pourrait être plafonné.
Mohammed Moussaoui propose également une défiscalisation des dons à 75% (contre 66% aujourd'hui).
A travers ce projet de loi, Le gouvernement souhaite obliger les nombreuses associations gestionnaires de mosquées, créées sous l'égide de la loi de 1901, à adopter le statut d'association cultuelle, prévu par la loi de 1905. L'objectif est de "s’assurer qu’une association qui a en réalité pour objet l’organisation de l’exercice public du culte le déclare (et) respecte les prescriptions légales qui s’attachent à cet exercice".
Mohammed Moussaoui est favorable "à titre personnel" à cette volonté de dissocier les activités culturelles, gérées dans des associations "loi 1901", et les activités cultuelles, gérées par des associations "loi 1905". Mais "cette évolution souhaitée doit être progressive", a-t-il indiqué. Et elle devra être accompagnée par l'Etat : ces contraintes nouvelles pourraient en effet "faire fuir les plus intègres du milieu associatif et laisser le champ libre aux aventuriers", analyse l'universitaire.
Mohammed Moussaoui a également évoqué les "inquiétudes" des associations musulmanes, qui craignent la multiplication annoncée des contrôles administratifs. Selon lui, il y aura "probablement des délits de faciès comme il en existe déjà pour les personnes physiques".
Le président du CFCM juge enfin nécessaire un "contrôle de constitutionnalité" du texte : toute censure prononcée par le Conseil constitutionnel à la suite d'une contestation portée par "des justiciables" risquerait selon lui "d'affaiblir notre État de droit" et de "renforcer les ennemis de la République".