Principes de la République : une loi "contre le terreau du terrorisme", selon Gérald Darmanin

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Photo d'illustration (AFP)
par Jason Wiels, le Jeudi 17 décembre 2020 à 13:04, mis à jour le Mardi 26 janvier 2021 à 11:38

Transparence sur le financement des cultes, contrôle des associations, lutte contre les mariages forcés et la polygamie... Le ministre de l'Intérieur a défendu, jeudi devant la commission spéciale de l'Assemblée, les points clés du projet de loi "confortant le respect des principes de la République".

Loi d'affichage ou texte salvateur ? Jeudi matin, Gérald Darmanin a détaillé les mesures contenues dans le projet du gouvernement destiné à lutter contre le "séparatisme" en confortant le respect des principes de la République.

Pour en définir les contours, le ministre de l'Intérieur a d'abord dit ce que le projet de loi - rebaptisé plusieurs fois avant son dépôt au Parlement - n'était pas :

Ce texte n'est pas un texte contre la radicalisation ou le terrorisme, mais contre le terreau du terrorisme. Gérald Darmanin, le 17 décembre 2020

Sans le formuler aussi directement, il vise à renvoyer la sphère religieuse à sa juste place, c'est-à-dire hors des services publics. Toutes les religions sont concernées "sans exception", a tenu a rappeler le ministre.

Le principe de neutralité renforcé

La charte de la laïcité dans les services publics le dit déjà, "tout agent public a un devoir de stricte neutralité". Cependant, la situation des délégations de service public (par exemple, une entreprise privée qui opère un réseau de transport pour une collectivité) peut parfois poser des problèmes d'application de ce principe.

C'est en tout cas l'exemple retenu par Gérald Darmanin :

Ainsi, l'article 1er prévoit qu'un prestataire qui "a pour objet l'exécution d'un service public" devra désormais "[veiller] à ce que ses subalternes ne manifestent pas leurs opinions et convictions religieuses".

L'assassinat de Samuel Paty, plus jamais ça 

Les fonctionnaires seront par ailleurs mieux protégés dans l'exercice de leur mission. Dans l'article 4, toute tentative d'intimidation sur les agents publics "afin d’obtenir pour soi‑même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service" sera sanctionnée par un nouveau délit (5 ans de prison et 75 000 € d'amende).

Sans prétendre que cette disposition aurait pu sauver la vie de Samuel Paty, assassiné lors d'un attentat islamiste, Gérald Darmanin estime que ce nouveau délit aurait permis "à la police d'intervenir dès la connaissance des faits", le professeur d'histoire ayant subi des "pressions communautaires" sur les réseaux sociaux de la part  d'un parent d'élève.

Une seconde mesure, logée dans l'article 18, aurait, selon lui, pu changer la donne. Elle punit par la création, là encore d'un nouveau délit, toute "mise en danger de la vie d'autrui" en publiant des informations "permettant de l’identifier ou de la localiser" dans le but de porter "atteinte à son intégrité ou à ses biens". C'était le cas dans les commentaires d'une autre vidéo diffusée contre l'enseignant par un militant islamiste.

Ce que le ministre assimile à une "fatwa", ou mise en pâture, sera désormais punissable de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende (5 ans et 75 000 € contre les fonctionnaires). 

Le monde associatif sous surveillance

Le robinet à subventions devrait se tarir dans les prochains mois pour les associations qui ne "respectent pas les principes républicains". Sans chiffrer le nombre de structures concernées, Gérald Darmanin a rappelé qu'il n'y a "pas de droit à être subventionné"

La création même d'une association en vertu de la loi de 1901 sera conditionnée au "respect d'un contrat d'engagement républicain", dont le détail sera connu dans un décret présenté avant le vote de la loi. 

Enfin, le ministère de l'Intérieur se donne avec son texte davantage de latitude pour dissoudre les associations aux "engagements anti-républicains".

Le financement des cultes revu et contrôlé

Serpent de mer du débat sur la laïcité, le financement des cultes va revenir au premier plan à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Dans le viseur de l'exécutif, les financements étrangers des associations cultuelles qui devront être déclarées à l'autorité administrative au-delà de 10 000 euros. "Il ne s'agit pas d'interdire mais de contrôler", a assuré Gérald Darmanin.

Si l'administration estime qu’il existe "une menace réelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société", elle pourra s'opposer au versement des sommes et contraindre à leur restitution.

Polygamie et mariages forcés

D'autres articles plus médiatiques sur la polygamie (article 14), les certificats de virginité (article 16) et les mariages forcés (article 17) devraient également faire parler d'eux lors de l'examen du texte lui-même en commission spéciale à partir du 18 janvier et dans l'hémicycle à partir du 1er février.

Le projet de loi prévoit le retrait du titre de séjour et l'expulsion des personnes étrangères polygames. Cette pratique, interdit par la loi et que le ministre présente comme "une protection pour les femmes", compte-t-il de nombreux adeptes ? "Le nombre d’étrangers potentiellement concernés est difficile à évaluer, en l’absence de statistiques relatives à cette pratique", note l'étude d'impact du texte.

La demande de certificats de virginité serait elle monnaie courante selon un sondage du Quotidien du médecin, cité par Gérald Darmanin.

La délivrance d'un tel document par le corps médical va en tout cas être interdite et punie d'un an de prison et 15 000 € d'amende.

Enfin, les officiers d'état civil (par exemple les maires) auront désormais l'obligation, et plus seulement la possibilité, de dénoncer les mariages qu'ils soupçonnent de ne pas faire l'objet d'un consentement mutuel. 

Le ministre a avancé le chiffre de "200 000 mariages forcés", une évaluation qu'on ne retrouve guère dans l'étude d'impact, qui juge "difficile d’évaluer précisément le phénomène des mariages frauduleux ou forcés, compte-tenu de leur caractère clandestin et de l’absence fréquente de saisine des juridictions".