Principes républicains : les oppositions contestent le filtre de certains amendements

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Conférence de presse du groupe Les Républicains sur le projet de loi principes républicains (LCP)
par Elsa Mondin-GavaJason Wiels, le Lundi 18 janvier 2021 à 15:26, mis à jour le Mardi 26 janvier 2021 à 11:31

Avant même l'examen en commission du projet de loi sur les principes de la République, les groupes LR et LFI accusent la majorité d'appliquer de manière politique une règle constitutionnelle qui permet de filtrer des amendements sans rapport avec un texte de loi. La majorité assure que le nombre d'amendements rejetés, qui concernent aussi des propositions d'élus LaREM, se situe dans la moyenne.

Irrecevables ! C’est le sort réservé à quelques centaines d’amendements déposé en commission sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Ils n’ont pas franchi le contrôle de recevabilité, une étape décisive entre leur dépôt et leur examen.

Selon l’article 45 de la Constitution, "tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis". L’article 98 du règlement de l’Assemblée nationale précise qu’"en commission, la recevabilité est appréciée lors du dépôt de l’amendement par le président de la commission saisie au fond". Les administrateurs de l’Assemblée nationale fournissent une analyse juridique pour chaque amendement, puis le président de la commission, ici François de Rugy, tranche.

"Irrecevabilité politique"

Le député de Loire Atlantique, qui préside la commission spéciale chargée d'étudier ce projet de loi avant son débat dans l'Hémicycle, a ainsi jugé irrecevable plus de 286 amendements sur un total de 1878. De quoi susciter la colère des Républicains qui dénoncent "une irrecevabilité politique". Selon leur président Damien Abad, "près de 25%" des 626 amendements déposés par les élus groupe ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45. Il assure avoir "toute une liste d'amendements avec un lien indirect ou même direct" avec le texte et annonce avoir saisi le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand ; son groupe fera de même avec le Conseil constitutionnel, à l'issue de l'examen du projet de loi.

Même tonalité du côté des Insoumis, qui déplorent le rejet a priori d'"une grande partie de leurs 104 amendements". Et pour le groupe Libertés et territoiresle député Olivier Falorni se dit "consterné" par l'application de cette règle sur son amendement prévoyant la création d'une "journée de la laïcité".

Pas de zèle dans l'application de la règle selon François de Rugy

François de Rugy précise que le taux d’irrecevabilité des amendements sur ce texte se situe dans la moyenne habituelle, à 15,2% de l’ensemble des amendements. Le filtre pour irrecevabilité a, par exemple, concerné 16,2% des amendements du projet de loi énergie-climat et 14,2% pour la proposition de loi visant à améliorer le système de santé.

La proportion d’amendements déclarés irrecevables sur ce texte n’a rien d’exceptionnel. François de Rugy, le 18 janvier 2021

Par ailleurs, l’opposition n’est pas la seule à avoir vu des amendements frappés d’irrecevabilité. Aurore Bergé, présidente déléguée du groupe La République en Marche, ne pourra pas défendre son amendement visant à interdire le port du voile pour les jeunes filles mineures. Un amendement qui avait provoqué le débat dans son propre camp.

Une application stricte de la Constitution ?

Pour la majorité, cette vigilance se fonde sur un précédent : la censure d’une grande partie de la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP) en décembre dernier. Le Conseil constitutionnel avait censuré près d’un article sur cinq du projet de loi car ils avaient été introduits par des "cavaliers législatifs", c’est-à-dire des amendements sans rapport avec le texte.

Dans un courrier adressé à l’ensemble des députés en décembre dernier, Richard Ferrand avait appelé à "une stricte et vigilante application de l’article 45 de la Constitution". Le président de l'Assemblée avait précisé que, d’après le Conseil constitutionnel, "le lien devait être apprécié non au regard de l’objet ou du titre du projet de loi mais par rapport au contenu des articles". Ici, un amendement qui pourrait avoir un lien avec les principes de la République sera jugé irrecevable s'il n’a pas de lien avec l’article auquel il est rattaché.