La commission d'enquête sur "les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance" a adopté à l'unanimité, ce mardi 1er avril, la rapport présenté par Isabelle Santiago (Socialistes). Contactée par LCP, la députée estime que "l'enfance est un impensé des politiques publiques". Son rapport sera rendu public la semaine prochaine, mardi 8 avril.
Adopté à l'unanimité à l'issue de sa présentation aux députés de la commission d'enquête "sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance", le rapport d'Isabelle Santiago (Socialistes) sera rendu public la semaine prochaine. Comme le veut la procédure, celui-ci a d'abord été examiné à huis clos et ne pourra être publié que dans les prochains jours. A l'occasion de l'adoption de ce rapport et dans l'attente de sa publication, LCP - qui a suivi les travaux de la commission d'enquête présidée par Laure Miller (Ensemble pour la République) - est néanmoins en mesure de faire état des premiers enseignements issus des nombreuses auditions menées par les députés.
Dernière à être auditionnée, le 19 février, la ministre chargée du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Famille, Catherine Vautrin, s'était engagée à initier une "refondation" de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont relèvent aujourd'hui près de 400 000 enfants et jeunes majeurs. Lyes Louffok, Diodio Metro et Anne-Solène Taillardat, tous passés par l'ASE et désormais engagés dans la lutte contre ses défaillances, avaient d'ailleurs eux-mêmes été auditionnés par la commission d'enquête le 14 mai 2024. Lyes Louffok, faisant part de son expérience d'enfant placé, avait notamment relaté dix-huit années "de carences, de ruptures, de violences et d’injustices [ayant] laissé des cicatrices profondes".
Après avoir commencé ses travaux sous la précédente législature, la commission d'enquête avait été interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, avant de reprendre ses travaux à l'automne dernier. Un an de travail "émotionnellement très difficile", a confié Isabelle Santiago (Socialistes) à LCP. D'autant que la rapporteure de la commission, engagée de longue date sur les questions liées à la protection de l'enfance, estime que depuis dix ans, la situation n'a pas évolué, "voire empiré".
L’État, depuis plus d'un siècle, ne s'est jamais occupé des enfants. Historiquement il a délégué à la charité, puis aux associations. Isabelle Santiago (Socialistes)
Tout en se réjouissant d'une "convergence de vues" avec Catherine Vautrin, Isabelle Santiago déplore que, jusqu'à la loi du 7 février 2022, relative à la protection des enfants, dite "loi Taquet", l’Etat ait été déficient. "L’Etat, depuis plus d'un siècle, ne s'est pas occupé des enfants. Historiquement il a délégué à la charité, puis aux associations", explique la députée, selon laquelle les nombreux dysfonctionnements de l'ASE sont la résultante de cet "impensé des politiques publiques".
Isabelle Santiago décrit ainsi des enfants placés qui, pour nombre d'entre eux, développent une myriade de traumas complexes. "Ce sont des enfants qui vont très mal, qui ne peuvent pas grandir correctement", souligne-t-elle aussi, évoquant notamment des troubles du lien d'attachement. Elle pointe notamment le fait qu'en France, un enfant qui relève de la protection de l'enfance n'en sort généralement pas avant ses 21 ans, se retrouvant la plupart du temps ballotté de foyer en foyer. Un cadre collectif que la députée n'estime pas adapté pour des enfants qui présentent, pour la plupart, des psycho-traumas qui ne sont pas toujours détectés.
Parmi les lacunes de la protection de l'enfance qu'Isabelle Santiago juge urgent de combler, figure le manque de formation des éducateurs. L'un des symptômes de l'insuffisance des moyens, en termes de fonds dédiés, mais aussi d'ambition. Alors que le pilotage de l'ASE relève des départements, Isabelle Santiago déplore que ces derniers n'aient pas la capacité de produire des données sur ces enfants, pourtant en situation de grande vulnérabilité.
"Il n'y a aucun enfant qui va bien. On créé des bombes à retardement", alerte aussi la rapporteure, évoquant un "enjeu de santé publique". Face à l'ampleur du désastre, dont elle estime qu'il s'agit d'une spécificité bien française, et pour répondre au besoin de continuité que requiert une politique de l'enfance digne de ce nom, la députée préconise notamment une loi pluriannuelle, sur cinq ans, afin de "changer de paradigme". Autre priorité : "arrêter de penser en silos", l'élue regrettant que la justice n'ait, selon elle, jamais véritablement travaillé avec la protection de l'enfance.
Catherine Vautrin a annoncé lors de son audition la mise en œuvre de plusieurs priorités, parmi lesquelles la fixation de normes et de taux d’encadrement dans les pouponnières, structures d'accueil relevant de l'ASE pour les enfants de 0 à 3 ans. Lors d'une visite de l'un de ces établissements à Clermont-Ferrand, en mai 2024, Isabelle Santiago avait constaté qu'"une seule personne" était présente de nuit pour s'occuper de trente bébés, et relaté que "des petits finissent par repartir en service de néonatologie parce qu'ils se laissent mourir", faute d'être régulièrement pris dans les bras ou de voir la lumière du jour.
La ministre a, par ailleurs, dit la nécessité de procéder à une évaluation psychologique de tout enfant entrant dans un parcours de protection de l'enfance, et évoqué le lancement d’une réflexion afin de favoriser l'adoption des personnes placées. Une solution qu'Isabelle Santiago appelle également de ses vœux, pour remédier aux troubles de l'attachement et offrir un cadre de vie stable à ces enfants. Catherine Vautrin s'est, en outre, engagée à ce que les cinq décrets manquants pour garantir l’application pleine et effective de la "loi Taquet" puissent être publiés.