Le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, a tenté d'expliquer à l'Assemblée nationale, ce mardi 6 mai, la proposition faite par François Bayrou dans le Journal du dimanche d'un référendum sur un plan de réduction des dépenses de l'Etat, du déficit et de la dette. "Une telle consultation ne sera évidemment pas un projet de loi de finances" en tant que tel, a-t-il indiqué, évoquant un texte de "programmation pour les quatre ans qui viennent".
"On est vraiment dans le flou. Or, vous savez ce que disait la grand-mère de Martine Aubry..." La célèbre formule ["Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", ndlr.], revenue ce mardi 6 mai dans la bouche du rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Charles de Courson (LIOT), résumait l'état d'esprit de nombre de députés, deux jours après la proposition faite par François Bayrou dans le JDD de soumettre aux Français un référendum sur "un plan d'ensemble" de réduction des déficits. Interpellé à ce sujet lors des questions au gouvernement, le Premier ministre, qui était retenu au Sénat pour un débat sur la souveraineté énergétique de la France, n'a pas pu, personnellement, lever un coin du voile.
Une telle consultation ne sera évidemment pas un projet de loi de finances soumis aux Français. Ça, c'est le rôle du Parlement. Patrick Mignola, ministre des Relations avec le Parlement
C'est donc son ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, qui s'en est chargé. "Une telle consultation ne sera évidemment pas un projet de loi de finances soumis aux Français. Ça, c'est le rôle du Parlement", a-t-il répondu à Kévin Pfeffer (Rassemblement national), alors que le gouvernement est accusé de vouloir contourner le Parlement. Avant de poursuivre : "Mais elle pourrait être un 'porter à connaissance' précis et transparent de la situation et une programmation pour les quatre ans qui viennent des mesures pour accroître la richesse du pays et pour maîtriser ses dépenses." Le tout, "sous réserve du choix du Président" auquel reviendra, conformément à la Constitution, la décision d'un éventuel référendum.
Quelques heures plus tôt, lors du traditionnel petit déjeuner hebdomadaire de la majorité, qui se tient chaque mardi matin à Matignon, François Bayrou avait, selon les informations de LCP, dit vouloir, avec cette proposition, "faire entrer le sujet des finances publiques dans les foyers français" et évoqué, d'après un participant à la réunion, la possibilité d'un futur projet de loi référendaire associé à une loi-cadre pluriannuelle, qui fixerait, par exemple, un seuil de déficit. Sachant que l'actuel gouvernement s'est engagé à faire revenir le déficit public sous la barre des 3% à l'horizon 2029.
"La vision globale, pluriannuelle et de long terme, avec des caps que l'on définit, me semble être une bonne idée. Et si ces caps peuvent être validés par la souveraineté du peuple, via un référendum, ça me semble être une très bonne idée", développait, salle des Quatre-Colonnes, le député Erwan Balanant (MoDem).
Pour ce dernier, "ce n'est pas outrepasser le Parlement", mais simplement "donner un cap" qui sera, "chaque année", "piloté" par les élus des deux Chambres. L'Assemblée nationale "ne sera pas dessaisie", insistait peu après son collègue Philippe Vigier (MoDem) au micro de LCP, en guise de service après-vente. Concrètement, quelle question pourrait être posée aux Français ? "Tout ça est en train de turbiner, il n'y a pas de texte du référendum encore. Et je ne sais pas s'il y aura un référendum d'ailleurs, l'honnêteté m'oblige à le dire", avait déclaré Erwan Balanant lors du point presse hebdomadaire du groupe "Les Démocrates".
Dans la matinée également, revenant sur le "flou" de la proposition de François Bayrou, Charles de Courson (LIOT) envisageait, pour sa part, deux pistes ; la première semblant désormais évacuée par la réponse de Patrick Mignola dans l'hémicycle. "Si c'est soumettre au référendum une loi de finances, ça n'a pas de sens. (...) Si l'idée du Premier ministre est de faire voter une loi organique pour obliger les gouvernements successifs à revenir à l'équilibre budgétaire, ça peut éventuellement avoir un sens", commentait le rapporteur général du budget, citant l'exemple allemand.
"Est-ce qu'il veut imposer la règle d'or ? L'interdiction de boucler un budget s'il n'est pas à l'équilibre", se questionnait, quant à elle, Marie-Christine Dalloz (Les Républicains).
C'est fouillis, c'est bancal, c'est confus, c'est du François Bayrou. Un député du parti présidentiel
Du côté du groupe du parti présidentiel "Ensemble pour la République", l'heure était plutôt au scepticisme. Certains, à l'image de Maud Bregeon (Renaissance), mettent en garde contre toute volonté de "jouer le peuple contre les parlementaires", ce qui "serait délétère pour le bon fonctionnement démocratique". "Sur le principe, solliciter le peuple pour lui faire trancher des décisions majeures pour l'avenir de la Nation, j'y suis nécessairement favorable. Il faut voir ce qu'il y a dans ce projet de référendum", poursuit l'ancienne porte-parole du gouvernement, tout en rappelant que "le vote du budget est une prérogative" du Parlement. "C'est fouillis, c'est bancal, c'est confus, c'est du François Bayrou", déplorait un autre député du groupe présidé par Gabriel Attal.
Une critique pas très différente de celles venues des oppositions... "Un texte budgétaire ne peut pas se résoudre à 'oui' ou 'non', ce qui est quand même le propre d'un référendum", s'offusquait, ce mardi, le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), qui fustigeant une "idée saugrenue" et appelant plutôt le gouvernement à présenter un projet de loi de finances rectificative et à "s'engager à ne pas utiliser le 49.3" sur le budget 2026. "Ils ont tellement oublié que l'Assemblée devait débattre et voter des budgets que le Premier ministre annonce désormais qu'on pourrait adopter un budget par référendum", commentait, amère, Léa Balage (Ecologiste et social), tandis que Béatrice Bellay (Socialistes) critiquait un "concours Lépine des propositions farfelues" et un Premier ministre "qui ne sait plus quoi faire pour exister".
La proposition de François Bayrou ? "Baroque", a également déclaré la présidente du groupe du "Rassemblement national", Marine Le Pen. "Ce qui commence à devenir assez désagréable, c'est qu'on a le sentiment que le Premier ministre et le Président jouent au tennis : ils se lancent la balle (...). Chacun son référendum, chacun sa proposition", a-t-elle déclaré. Avant d'ironiser, face aux journalistes qui l'interrogeait sur le sujet : "S'ils pouvaient se voir de temps en temps, ça éviterait que vous me posiez des questions sur des choses qui probablement ne verront jamais le jour."
Emmanuel Macron sera mardi prochain, le 13 mai au soir, sur TF1 pour répondre en direct aux questions sur l'actualité nationale et internationale, ainsi qu'à celles de "plusieurs personnalités issues de la société civile et de téléspectateurs", selon le communiqué de la chaîne. Nul doute que le chef de l'Etat aura à se prononcer sur l'initiative de son Premier ministre et sur les référendums qu'il souhaite, ou non, voir soumis aux Français.