Adopté en première lecture par le Sénat le 13 février, le projet de loi sur "l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection" qui vise selon le gouvernement à "répondre au défi de la relance de la filière nucléaire" connaît un début d'examen difficile à l'Assemblée nationale. L'article 1er prévoyant la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été supprimé en commission, ce mardi 5 mars en fin de journée.
C'est un nouveau revers, au moins temporaire, pour le gouvernement sur ce sujet. Alors que le projet de loi relatif "à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire", est examiné en commission, cette semaine, à l'Assemblée nationale, les députés de la commission du développement durable ont rejeté l'article clé du texte (le 1er), par 23 voix contre 21, ce mardi 5 mars en fin de journée.
Défendu par le gouvernement et la majorité comme une nécessité pour relancer le nucléaire en France, adopté en première lecture par le Sénat le 13 février, le texte prévoit une réorganisation, sous la forme d'une fusion, des deux institutions qui régissent aujourd'hui la sûreté nucléaire en France : l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) - gendarme du nucléaire - et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - expert du secteur. Après un premier échec l'an dernier, le projet de fusion fait donc à nouveau l'objet d'un débat qui met le gouvernement en difficulté.
Dès le début des débats, le rapporteur du texte Jean-Luc Fugit (Renaissance), auteur d'un rapport avec le sénateur Stéphane Piednoir (Les Républicains) sur l'éventualité d'une fusion entre les deux organisations, a plaidé pour cette dernière au sein d'une nouvelle organisation dénommée "Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection" (ASNR).
La fusion est contestée par plusieurs syndicats de l'ASN, de l'IRSN et d'EDF, qui craignent des risques accrus sur la sûreté nucléaire. Des salariés de l'IRSN ont d'ailleurs manifesté, ce mardi, aux abords de l'Assemblée. En commission, Jean-Luc Fugit a tenté de répondre aux craintes, assurant que "les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire seront préservés". "La multiplication des instances telles que l'ASN, l'IRSN ou la CNE2 [Commission nationale d'évaluation] a pour triple effet une confusion du paysage, une déresponsabilisation de l'exploitant et une multiplication des rapports administratifs", a pour sa part fait valoir Bruno Millienne (Démocrate).
Le projet de fusion, même dans sa version davantage étayée - le gouvernement avait tenté de l'introduire par voie d'amendements l'année dernière - n'a pas convaincu l'ensemble des oppositions, loin s'en faut. "Vous continuez à vouloir faire exploser un système qui marche, sans aucune justification, avec une légèreté et une irresponsabilité sans pareil", a tancé Julie Laernoes (Ecologiste), qualifiant de "folie inutile et dangereuse" le dessein de l'exécutif. "Le premier danger, c'est de désorganiser l'organisation actuelle, et pas seulement en perte de compétences", a alerté Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). "Et, encore plus grave, le danger c'est de dégrader la perception par l'opinion publique de la sûreté du nucléaire en France."
Les amendements identiques de suppression de l'article 1er, portés par les groupes de gauche et le groupe LIOT, ont été mis au vote une première fois à main levée et ont mené à un vote nul (20 voix "pour", 20 voix "contre"). Estimant que le vote était entaché d'un "doute", selon Anne Stambach-Terrenoir, les députés La France insoumise ont demandé un vote par scrutin, permis par l'article 44 du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Résultat : les amendements de suppression ont été adoptés. Après l'examen du texte en commission, qui se poursuit ce soir, le gouvernement aura cependant la possibilité de tenter de rétablir l'article supprimé lors du débat qui aura lieu dans l'hémicycle la semaine du 11 mars.