Le projet de loi confortant les principes de la République est examiné en nouvelle lecture par les députés de la commission spéciale, à partir de lundi 7 juin. Après l'échec de la commission mixte paritaire début mai, les députés devraient revenir sur plusieurs modifications décidées par le Sénat, qui avait durci le texte. Deux sujets de discorde ont émergé : le voile et l'instruction en famille.
Le compromis avait été annoncé comme difficile, voire quasi-impossible à trouver. Le 12 mai dernier, députés et sénateurs se sont quittés sans s'être entendus sur le projet de loi "confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le terrorisme", et ce malgré 19 articles adoptés conformes. Parmi les "divergences profondes" mises en avant par les élus : la question du voile.
Le Sénat, à majorité à droite, a en effet adopté un amendement interdisant le port de "signes religieux ostentatoires" pour les accompagnateurs scolaires, visant expressément le voile. Le sujet avait déjà agité l'Assemblée nationale en première lecture, jusqu'à provoquer des remous au sein même de la majorité, plusieurs élus de l'aile droite de La République en marche étant tentés de légiférer en ce sens. Ils n'avaient finalement pas eu gain de cause.
Étendre aux accompagnateurs scolaires le principe de neutralité [...] semble problématique. Florent Boudié, député LaREM
Sans surprise, dans le cadre de l'examen en nouvelle lecture, l'ensemble des groupes parlementaires, à l'exception des Républicains et du groupe UDI et indépendants, ont déposé des amendements pour revenir sur la modification introduite par les sénateurs. "S'il importe de lutter contre le prosélytisme, étendre aux accompagnateurs scolaires le principe de neutralité, applicable aux enseignants, semble problématique, car leurs missions sont différentes", a fait valoir le co-rapporteur du texte, Florent Boudié (LaREM), lors de la réunion en commission mixte paritaire.
Autre sujet de discorde responsable du désaccord entre élus : l'instruction en famille. Le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale entend encadrer davantage ce mode d'enseignement, en passant d'un système déclaratif à un système d'autorisation. Mais les sénateurs ont raboté le texte, se contentant de davantage encadrer les modalités du contrôle au sein des familles.
Là encore, plusieurs amendements, dont un porté par les rapporteurs Anne Brugnera (LaREM) et Florent Boudié, entendent rétablir la version de l'article issue des travaux de l'Assemblée nationale (avec quelques modifications rédactionnelles). Et donc de restaurer le principe d’autorisation préalable pour l'enseignement à domicile, qui apparaît "indispensable pour garantir la pleine protection du droit à l’instruction des enfants, tout en assurant la prise en compte de leurs besoins particuliers".
D'autres évolutions, mises sur le métier par les sénateurs, pourraient être défaites en nouvelle lecture. C'est le cas de l'interdiction du port par les mineurs de signes religieux ostensibles sur la voie public, de la dissolution d'une association qui organise des réunions non-mixtes, ou encore de la suppression du versement des allocations familiales pour les parents d’un élève qui persisterait à ne pas se rendre en classe. Des amendements des rapporteurs ont été déposés pour supprimer l'ensemble de ces ajouts sénatoriaux.
Il y a un regret à la fois politique et symbolique. Guillaume Vuilletet, député LaREM
L'absence d'accord en commission mixte paritaire n'implique pas que les députés souhaitent faire table rase de l'avis de la Chambre haute. "Nous n'allons pas écarter d’un revers de la main tout ce qui a été fait par le Sénat. Il y a certaines idées que nous pouvons reprendre", indiquait d'ailleurs Guillaume Vuilletet (LaREM) au cours de la réunion du 12 mai. Et de faire part de sa déception quant à l'absence de consensus : "Il y a, en tout cas, un regret à la fois politique et symbolique : nous aurions tous gagné à émettre un message fort d’accord sur les principes de la République."