Scandale Huawei : "Le Parlement européen reste en risque de corruption" estime un eurodéputé

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Débat corruption
par Thibault Henocque, le Vendredi 28 mars 2025 à 12:36, mis à jour le Vendredi 28 mars 2025 à 12:43

Secoué par une nouvelle affaire de corruption, impliquant le groupe chinois Huawei, le Parlement européen de Bruxelles vient de voir 21 bureaux de parlementaires perquisitionnés par la justice belge. 4 personnes ont été placées sous mandat d'arrêt, soupçonnées d'avoir acheté le soutien d'une quinzaine d'eurodéputés. Deux ans après le Qatargate, cette nouvelle affaire montre les limites des règles anti-corruption, annoncées mais pas toujours mises en œuvre, au sein de l'institution. Débat dans "Ici l'Europe" avec les eurodéputés Fabienne Keller (Renew) et Daniel Freund (Les Verts).

Après le Qatar, la Chine. Plusieurs lobbyistes du groupe chinois Huawei sont suspectés par la justice belge d’avoir corrompu une quinzaine d’eurodéputés, anciens ou actuels, entre 2021 et aujourd’hui. Il s’agissait d’influencer la politique commerciale de l’UE en faveur de l’opérateur dans le cadre du déploiement de la 5G. Un acteur chinois qui a finalement été écarté pour ses liens avec le gouvernement de Pékin et des craintes d’espionnage. Mais le mal est fait...

Cette affaire montre que "le Parlement reste en risque de cette corruption", regrette l'eurodéputé allemand Daniel Freund, co-président de l'intergroupe anti-corruption. Sa collègue Fabienne Keller ne peut aussi que déplorer l'effet délétère de ces soupçons sur l'institution : "C'est tout à fait regrettable [et] complètement en infraction avec les règles que nous avons renforcées", estime-t-elle. 

Des règles bafouées ?

Et de rappeler les contraintes auxquelles sont normalement soumis les eurodéputés : "Nous avons ce registre de transparence où toutes les personnes qui rentrent en contact avec les députés doivent s'inscrire et donner des informations... L'ensemble des députés sont obligés de déclarer tous les cadeaux, tous les avantages divers... Tout cadeau supérieur à 150 euros est interdit". 

Des règles, qui, si les faits sont avérés, ont été allègrement bafouées dans cette affaire. Mais sont-elles suffisantes ? "Sur certains points, elles pourraient être renforcées", juge Fabienne Keller. "C'est très important. Nul n'a rien à craindre d'un contrôle s'il n'a rien fait de mal, sauf des tracasseries administratives. Il faut l'accepter. C'est la contrepartie de notre engagement politique" souligne l'eurodéputée Renew.

Organe d'éthique

Deux sujets sont sur la table. Le premier concerne le cumul, aujourd'hui possible des fonctions de parlementaire avec des revenus externes, notamment pour des activités de conseil. "Aujourd'hui, ça reste encore légal de se faire payer, d'être député, mais d'avoir des revenus annexes, y compris par des organisations qui, en même temps, font du lobbying" regrette Daniel Freund, qui plaide pour mettre fin à ces pratiques. 

Un sujet qui ne fait pas l'unanimité, tout comme la mise en place d'un organe d'éthique commun aux institutions européennes, qui contrôlerait notamment les eurodéputés. Annoncé après le scandale du Qatargate, sa création a été actée mais il n'est toujours pas entré en fonction dans les faits. Un blocage que regrettent les deux eurodéputés : "Là-dessus, il faut être très clair, c'est les conservateurs dans ce Parlement, le PPE [Parti populaire européen] qui bloque" explique Daniel Freund.  "Je ne comprends pas ce qui se passe au sein du Parlement avec des groupes qui ne sont pas favorables à cet organe d'éthique qui serait à l'échelle européenne", déplore Fabienne Keller. "Il faut qu'on avance pour assurer la confiance de nos concitoyens".

Huawei interdit

Dernière leçon que tirent les deux parlementaires de cette affaire : le Parlement reste perméable aux ingérences étrangères. Si les lobbyistes du groupe chinois Huawei sont désormais interdits d'accès, la question se pose plus largement, estime Daniel Freund. L'élu a écrit à la présidente du Parlement pour réclamer que les appareils du géant chinois soient bannis de l'enceinte bruxelloise, au nom du risque d'espionnage

"Je veux la non-utilisation de ces appareils pour tout ce qui concerne le travail législatif", explique-t-il. Face à lui, Fabienne Keller approuve : "Il faut que l'on se gère de plus en plus comme un ensemble qui est peut-être agressé de l'extérieur en termes d'influence, de manipulation et d'ingérence" conclue-t-elle.