Sécurité : la Lopmi à l'épreuve de l'hémicycle

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Un policier à Metz en décembre 2021
Un policier à Metz en décembre 2021 (Nicolas Billiaux / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 11 novembre 2022 à 12:42, mis à jour le Mardi 15 novembre 2022 à 10:55

Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) est examiné en séance publique par l'Assemblée nationale à partir du lundi 14 novembre. Le texte, adopté mi-octobre au Sénat et début novembre par la commission des lois de l'Assemblée, prévoit notamment une hausse de 15 milliards d’euros de crédits et la création de 8 500 postes de policiers et gendarmes sur cinq ans. 

Deux ans après la loi "Sécurité globale", c'est une nouvelle "grande" loi sur la sécurité qui est à l'ordre du jour de l'Assemblée cette semaine. Texte promis depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) doit permettre de fixer la trajectoire budgétaire de la place Beauvau jusqu'en 2027 ; et donc, de décider de la politique mise en œuvre en matière de sécurité au cours des prochaines années : transformation numérique, création de 8 500 postes de policiers et gendarmes, lutte contre la cybercriminalité... Pour ce faire, le texte prévoit 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur cinq ans.

Auditionné par la commission des lois sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, @GDarmanin souligne le caractère inédit du texte : "Il n'y a jamais eu de loi de programmation pour l'ensemble du ministère de l'Intérieur."#DirectAN #LOPMI pic.twitter.com/4EzlwRYf3w

— LCP (@LCP) November 2, 2022

Au cours de son audition devant la commission des lois, qui a adopté le texte début novembre, Gérald Darmanin a fait valoir son "ouverture d'esprit" quant aux propositions émanant du Parlement. A l'issue des travaux en commission, 34 amendements adoptés proviennent de députés n'appartenant pas à la majorité - 7 Socialistes, 7 LIOT, 5 LR, 5 Écologiste, 5 RN, 3 GDR, 2 LFI. D'entrée, le ministre de l'Intérieur a ainsi donné sa faveur à une proposition d'Éric Ciotti (Les Républicains) pour créer, à terme, 1 200 places supplémentaires en centre de rétention administrative (CRA), afin de porter le nombre total à 3 000. En contrepartie, il s'est engagé à exclure les mineurs de ces CRA, hors Mayotte.

Un outrage sexiste et sexuel renforcé

Infraction créée en août 2018 via la loi "Schiappa", l'outrage sexiste vise à sanctionner le harcèlement de rue. Le projet de loi prévoit de renforcer les peines encourues en créant un "outrage sexiste aggravé", délit puni de 3 750 euros d'amende, lorsqu'il est commis dans un transport en commun ou envers un mineur de 15 ans, par exemple. Du "tout répressif", pour les élus de La France insoumise, qui ont tenté, sans réussite, de supprimer cette disposition, tout en questionnant l'application effective de l'outrage sexiste sur le terrain.

A contrario, la commission a adopté deux amendements d'Erwan Balanant (Démocrate). L'un modifie la rédaction de la qualification retenue ; on parlera désormais d'outrage sexuel et sexiste. L'autre prévoit une circonstance aggravante lorsque cette infraction est commise par un chauffeur de taxi ou de VTC. Par ailleurs, l'outrage sexiste simple sera conservé, puni d'une amende de 5ème classe. Enfin, un amendement porté par Renaissance et par le groupe Écologiste a retenu la version aggravée lorsque l'outrage est commis à l'encontre d'une personne trans, en raison de son identité de genre.

Rodéos, refus d'obtempérer

Le Sénat avait renforcé les peines encourues en cas de refus d'obtempérer d'un conducteur, de rodéos urbains et d'agression d'un élu. Une mesure que les députés LFI ont tenté de supprimer, en vain. En revanche, plusieurs apports du Sénat n'ont pas franchi l'étape de la commission des lois de l'Assemblée. C'est le cas de la circonstance aggravante ciblant les "violences gratuites", sans raison apparente. Disposition jugée baroque par de nombreux députés sur le plan du droit.

Autre axe du texte : le recours de plus en plus important aux amendes forfaitaires délictuelles. Le gouvernement souhaitait les généraliser à l'ensemble des délits passibles de moins d'un an de prison. Les sénateurs ont finalement limité cette extension à 25 nouveaux délits, comme les tags ou l'usage injustifié du signal d'alarme dans les trains. Les députés en ont ajouté quelques-uns : la vente au déballage, en matière d'infractions au transport routier et navigation maritime, ainsi que pour le délit d'entrave à la sécurité routière. Une clause de revoyure a été introduite concernant l'utilisation de l'amende forfaitaire délictuelle, fixée au 1er janvier 2026.

La BAC, un casus belli 

Les députés ont achevé l'examen du texte par l'article premier, qui est un peu particulier puisqu'il s'agit d'approuver un rapport annexé à la loi, d'environ 70 pages, qui détaille les axes de modernisation de la place Beauvau permis par les crédits supplémentaires. L'occasion, pour les oppositions, de remettre sur la table les propositions qu'ils défendent de longue date en matière de sécurité : récépissé de contrôle d'identité, débat autour de l'efficacité de la vidéosurveillance, politique du chiffre, remplacement de l'IGPN par un organe indépendant... Mais également d'évoquer la réforme de la police nationale, particulièrement redoutée dans les services de police judiciaire. Les députés ont inscrit, noir sur blanc, l'engagement de l'exécutif de ne supprimer aucune antenne PJ, ni office.

Mais c'est lorsque les élus LFI ont abordé leur volonté de supprimer les brigades anti-criminalité (BAC) que les échanges se sont tendus. "La BAC, c'est une gestion coloniale de la sûreté dans les quartiers populaires. C'est une police anti-pauvre", a lancé Andy Kerbrat. "L'écriture de votre amendement est à bien des égards scandaleuse", a répondu Florent Boudié (Renaissance). "Vous êtes anti-flics", a tranché Jordan Guitton (Rassemblement national). Caroline Yadan (Renaissance) a, elle aussi, dénoncé un amendement qui s'apparentait plus à une "tribune". "Parler de brutalisation, c'est dire la police tue, c'est piétiner l'honneur de l'institution", a-t-elle complété sous les applaudissements d'une partie des députés présents en commission des lois. Sacha Houlié, soucieux de maintenir le calme au sein de l'organe qu'il préside, a rappelé les élus à l'ordre, soulignant qu'il n'était pas d'usage d'applaudir en commission. Les débats vont maintenant avoir lieu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.